Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 21 décembre 2020 et 22 mars 2021, et un mémoire en réplique enregistré le 9 juin 2021, M. D... C... agissant en qualité de tuteur légal de sa mère Mme E... C..., représenté par la SARL Cabinet Briard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que :
- sa minute ne comporte pas les signatures requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- tous les mémoires échangés entre les parties n'ont pas été communiqués ;
- il n'est pas suffisamment motivé ;
- le tribunal a statué infra petita ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a écarté tout lien de causalité entre la faute du Premier ministre consistant en la présentation irrégulière de la version papier des dispositions réglementaires du code de l'aviation civile relatives aux retraites et les préjudices subis ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a refusé d'engager la responsabilité pour faute du commissaire du Gouvernement à raison de son abstention à demander à la caisse de retraite d'appliquer les dispositions du décret du 30 juin 1995 aux pensionnaires ayant liquidé leurs droits à pension antérieurement à son entrée en vigueur au motif que ces nouvelles dispositions ne pouvaient être appliquées aux situation en cours ; l'abstention du commissaire du Gouvernement est constitutif d'une faute dès lors qu'il contrevient frontalement à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prohibant toute discrimination ainsi qu'à l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
- le tribunal administratif de Versailles, en considérant que la loi du 13 septembre 1984 n'était pas applicable aux personnels affiliés à la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile et qu'elle ne prévoyait pas la suppression de toute décote à la limite d'âge, a commis une double erreur de droit ;
- la minoration par un coefficient de 0,4 n'est pas prévue par les dispositions législatives applicables.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 72-1223 du 29 décembre 1972 ;
- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;
- le décret n° 67-334 du 30 mars 1967' ;
- le décret n° 84-469 du 18 juin 1984 ;
- le décret n° 95-825 du 30 juin 1995 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coudert,
- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 426-16-1 du code de l'aviation civile, dans sa version résultant du décret du 30 juin 1995 relatif au régime de retraite complémentaire du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile et modifiant le code de l'aviation civile : " La pension est déterminée sur la base du salaire moyen indexé de carrière défini au c de l'article R. 426-5 ou, le cas échéant, sur la base du salaire moyen indexé majoré défini au d de l'article R. 426-5 (...) ". Ce décret a modifié les dispositions antérieures, issues du décret du 18 juin 1984 relatif au régime d'assurance et au régime de retraite complémentaire du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile, qui instituaient une décote au-delà des vingt-cinq meilleures années prises en compte pour le calcul de la pension.
2. M. D... C..., agissant en qualité de tuteur légal de sa mère Mme E... C..., a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser la somme de 337 870 euros en réparation du préjudice subi par sa mère comme ayant-droit de son époux décédé, M. B... C..., affilié à la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile, en raison, d'une part, de la faute qu'aurait commise le Premier ministre dans la codification du code de l'aviation civile et, d'autre part, des fautes lourdes qu'aurait commises le commissaire du Gouvernement exerçant la tutelle sur cette caisse, en s'abstenant de demander à cette dernière d'appliquer le décret du 30 juin 1995 aux pensions déjà liquidées. Par un jugement du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. M. C... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué du tribunal administratif de Versailles que celle-ci comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Ce moyen doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, si M. C... soutient dans sa requête sommaire que le jugement du tribunal administratif de Versailles a été rendu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que tous les mémoires produits par les parties n'auraient pas été communiqués, il n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. Ce moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté.
5. En troisième lieu, il résulte de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de la requérante, ont écarté avec une motivation suffisante le moyen tiré par Mme C... de ce que la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public avait supprimé toute décote. Le jugement n'est donc pas entaché d'une insuffisance de motivation de ce chef.
6. En dernier lieu, M. C... soutient que le tribunal administratif de Versailles a statué infra petita et a méconnu le principe de l'autorité relative de la chose jugée en faisant référence à l'arrêt de la Cour de cassation sans se prononcer sur la question en litige. Toutefois, il résulte de l'instruction que la requérante soutenait en première instance que la version papier du code de l'aviation civile avait induit en erreur la Cour de cassation dans son interprétation des dispositions de l'article R. 426-16-1 de ce code, issues du décret du 30 juin 1995. Pour écarter ce moyen, les premiers juges ont analysé la teneur des décisions pour la Cour de cassation pour en déduire que cette dernière n'aurait pas retenu une interprétation différente si la présentation de l'édition papier du code de l'aviation civile avait été différente. Ce faisant, le tribunal administratif de Versailles n'a ni méconnu l'autorité relative de la chose jugée, ni statué infra petita et a écarté avec une motivation suffisante le moyen dont il était saisi.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat du fait de la codification du code de l'aviation civile :
7. M. C... soutient que la discordance entre le découpage initial en sections du chapitre VI du titre II du livre IV de la partie règlementaire du code de l'aviation civile issu du décret du 30 mars 1967 portant codification des textes réglementaires applicables à l'aviation civile et les éditions sur papier consolidées successives de ce code aurait induit en erreur la Cour de cassation dans son interprétation des dispositions de l'article R. 426-16-1 de ce code, issues du décret du 30 juin 1995, en la conduisant à les juger dépourvues de portée rétroactive sur les pensions déjà liquidées. Toutefois, à défaut de dispositions expresses en ce sens, le décret du 30 juin 1995 ne pouvait remettre en cause de façon rétroactive les pensions liquidées avant son entrée en vigueur. Par suite, la carence alléguée dans la codification du code de l'aviation civile est sans lien avec le préjudice dont M. C... demande l'indemnisation. Le requérant n'est donc pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat sur ce fondement.
En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat du fait de l'exercice par le commissaire du Gouvernement de son pouvoir de tutelle sur la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile :
8. En premier lieu, M. C... soutient que la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public a supprimé toute décote et a ainsi nécessairement abrogé le décret du 18 juin 1984 en ce qu'il prévoit une telle décote et, par voie de conséquence, le décret du 30 juin 1995 en tant qu'il le modifie et qu'en conséquence les représentants de l'Etat au conseil d'administration de la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile puis le commissaire du Gouvernement auraient dû, à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 13 septembre 1984, s'opposer à l'application de toute décote. Toutefois, dès lors que les dispositions de cette loi ne sont pas applicables au personnel navigant de l'aviation civile, elles sont en tout état de cause sans incidence sur la légalité du décret du 18 juin 1984 et ne sauraient dès lors être utilement invoquées pour engager la responsabilité de l'Etat dans l'exercice de son pouvoir de tutelle.
9. En deuxième lieu, si, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la définition de la nature des conditions exigées pour l'attribution de la retraite est au nombre des principes fondamentaux de la sécurité sociale qui relèvent, en vertu de l'article 34 de la Constitution, du domaine de la loi, en revanche, relèvent notamment de la compétence du pouvoir réglementaire, la détermination du moment et des conditions pour bénéficier d'un taux plein ainsi que les conditions de majoration d'une prestation et de son calcul. Il suit de là que le pouvoir réglementaire, en instituant, par le décret du 18 juin 1984, une décote accompagnant la détermination des années à prendre en compte pour le calcul des pensions, n'a pas méconnu sa compétence.
10. En troisième lieu, ni les dispositions de la loi du 29 décembre 1972 portant généralisation de la retraite complémentaire au profit des salariés et anciens salariés dont se prévaut M. C... pour contester la légalité du décret du 18 juin 1984, qui prévoient que toutes les périodes travaillées sont validées, qu'elles soient cotisées ou non, ni celles des articles L. 921-1 et suivants du code de la sécurité sociale qui les reprennent, ne régissent les modalités de calcul des pensions et ne font obstacle à l'institution d'une décote. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'à défaut d'être prévue par la loi la minoration résultant de la prise en compte de 40 % des annuités au-delà des 25 meilleures années prévue par le décret du 18 juin 1984 serait illégale et que, par suite, il appartenait à l'Etat dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de tutelle, de s'opposer à l'application par la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile des dispositions en cause de ce décret.
11. En quatrième lieu, M. C... soutient que le refus du commissaire du Gouvernement de demander à la caisse d'appliquer les dispositions du décret du 30 juin 1995 aux pensions déjà liquidées constitue une discrimination prohibée par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et une privation des biens protégés par l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7, les dispositions du décret du 30 juin 1995 ne prévoyaient pas expressément une application rétroactive. Le refus du commissaire du Gouvernement ne saurait, dès lors, être constitutif d'une faute permettant d'engager la responsabilité de l'Etat. Si M. C... a entendu également soulever ces moyens à l'encontre du décret lui-même, il y a lieu également de les écarter dès lors qu'il existe, en tout état de cause, une différence objective de situation entre les personnels navigants selon qu'ils ont demandé la liquidation de leur pension avant ou après l'intervention de ce décret et que la requérante, à l'instar des personnels navigants ayant demandé la liquidation de leur pension avant l'entrée en vigueur du décret du 30 juin 1995, ne peut se prévaloir d'une espérance légitime à ce que les dispositions de ce décret soient appliquées à son père.
12. En dernier lieu, la circonstance alléguée que le régime de retraite du personnel navigant fonctionnerait selon un principe de capitalisation ne fait pas obstacle à ce que les modalités de détermination des pensions soient différentes selon la date à laquelle leur liquidation a été opérée.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros à verser à l'Etat (Ministère de la transition écologique) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
N° 20VE03308 2