Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 19 mars 2019, 29 octobre 2019 et 16 juillet 2020, la société Intel Corporation SAS, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1° de réformer le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
2° d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 15 mars 2017 ;
3° d'annuler la décision du 1er juin 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer l'autorisation de licencier pour motif économique M. A... C....
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'inspecteur du travail a estimé que le cadre d'appréciation du motif économique ne pouvait être établi ; c'est au niveau au groupe Intel dans son intégralité que l'existence d'un motif économique doit être appréciée ;
- le groupe Intel rencontre des menaces sur sa compétitivité ; sa réorganisation est donc indispensable pour sauvegarder cette dernière
- elle a respecté l'obligation de recherche des possibilités de reclassement qui s'impose à l'employeur ;
- il n'existe aucun intérêt général empêchant le licenciement de M. C....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la société Intel Corporation SAS.
Considérant ce qui suit :
1. La société Intel corporation SAS, filiale française du groupe américain Intel corporation et dont le siège social est situé dans la commune de Meudon (92), a sollicité par un courrier du 30 mars 2016 l'autorisation de licencier pour un motif économique tiré de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, M. A... C... employé en qualité de " Software Engineer " depuis le 6 décembre 2010 et détenant le mandat de délégué du personnel. Par une décision en date du 1er juin 2016, l'inspecteur du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée. La société Intel corporation SAS a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler cette décision. Par un jugement n°1607373 en date du 7 février 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. La société relève appel de ce jugement.
2. Ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, pour refuser, par la décision litigieuse, la délivrance de l'autorisation de licenciement sollicitée, l'inspecteur du travail s'est fondé sur quatre motifs distincts, chacun de ces quatre motifs étant susceptibles, à lui seul, de justifier le refus litigieux d'autorisation de licenciement : l'irrégularité de la procédure de licenciement menée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail instaurant un délai obligatoire de cinq jours minimum entre la convocation à l'entretien préalable de licenciement et la date de cet entretien, l'indétermination du cadre d'appréciation du motif économique du licenciement en raison de l'impossibilité d'identifier avec suffisamment de précision le secteur d'activité du groupe auquel appartient la société requérante, l'absence de menace établie sur la compétitivité de l'entreprise et, enfin, la méconnaissance de son obligation de reclassement par l'employeur.
3. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version alors applicable : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ". Aux termes de l'article L. 1233-4-1 du même code dans sa version applicable à la date de la décision litigieuse : " Lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. / Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur. L'absence de réponse vaut refus. / Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu'au salarié ayant accepté d'en recevoir et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n'est adressée est informé de l'absence d'offres correspondant à celles qu'il a accepté de recevoir. ".
4. D'une part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.
5. D'autre part, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Si, pour juger de la réalité des offres de reclassement, l'inspecteur du travail peut tenir compte de la volonté exprimée par le salarié, l'expression de cette volonté, lorsqu'il s'agit d'un reclassement sur le territoire national, ne peut néanmoins être prise en compte qu'après que des propositions de reclassement concrètes, précises et personnalisées ont été effectivement formulées par l'employeur, et à condition que l'information du salarié soit complète et exacte.
6. Afin de justifier avoir satisfait à son obligation de reclassement à l'égard de M. C..., la société Intel Corporation SAS soutient qu'en l'absence de réponse de ce dernier à l'envoi du formulaire de mobilité géographique, elle n'avait pas à procéder à une recherche de postes à l'étranger et que, face au refus du salarié d'accepter un poste doté d'une rémunération inférieure à celle qu'il percevait auparavant, elle a adressé, le 21 mars 2016, un courrier électronique à destination des salariés dont le licenciement était envisagé leur précisant que quatre postes, à consulter sur le site intranet de la société, étaient disponibles au reclassement et contenant des liens vers ces postes. Toutefois, le seul envoi d'un tel courriel, dont les pièces versées au dossier ne permettent pas au juge de connaître le nombre et l'identité des destinataires, et pas même de s'assurer de son envoi effectif à M. C..., et qui ne contient aucune précision sur les postes concernés, ne peut suffire à attester de l'existence d'une recherche sérieuse et loyale de reclassement par l'employeur. De la même façon qu'en première instance, la société n'a apporté, en appel, aucune précision sur la nature des postes proposés afin de permettre au juge de prendre connaissance, notamment, des fonctions auxquels ils se rapportaient et de la rémunération proposée. Si la société produit ses registres du personnel ainsi que ceux de la société IMC, société du groupe en France, ces documents ne permettent pas d'établir qu'il n'aurait pas été possible de reclasser M. C..., si ce n'est sur un poste identique, à tout le moins sur un poste équivalent. En l'état de l'instruction, les pièces versées au dossier par la société Intel Corporation SAS ne permettent donc toujours pas de la regarder comme ayant formulé des propositions de reclassement suffisamment concrètes, précises et personnalisées au regard du contrat de travail du salarié et donc de la regarder comme ayant satisfait à son obligation de reclassement à l'égard de M. C.... L'inspecteur du travail pouvait donc légalement, et pour ce seul motif, refuser d'autoriser le licenciement du salarié.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la société Intel corporation SAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc, dans toutes ses conclusions y compris dans ses conclusions à fin d'injonction, être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Intel corporation SAS est rejetée.
N°19VE00983 2