Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 9 avril 2019 et 5 octobre 2021, l'établissement public d'insertion de la défense, représenté par Me Didon, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, en vertu de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, il pouvait procéder à la répétition de l'indu résultant du versement de l'indemnité de licenciement à l'intéressée dans un délai de deux ans à compter du premier jour suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné ; s'agissant d'un élément de rémunération, est sans incidence la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée ;
- ce paiement résulte d'une erreur de liquidation ou de paiement, de sorte que l'administration pouvait réclamer le remboursement de l'indemnité de licenciement au-delà du délai de quatre mois suivant la décision de versement de l'indemnité de licenciement ;
- à titre subsidiaire, la décision a été retirée dans le délai de quatre mois à compter du jour où il a eu connaissance de la nomination de l'intéressée dans un nouvel emploi à compter du 1er octobre 2015, soit le 18 janvier 2016 ;
- les moyens invoqués en appel par Mme B... doivent être rejetés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2019, Mme B..., représentée par Me Symchowicz, avocat, conclut au rejet de la requête et sollicite le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Camenen,
- et les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., qui a été recrutée par l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDE) en qualité de directrice du parcours pédagogique et de l'insertion dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de trois ans à compter du 1er avril 2013, a été licenciée dans l'intérêt du service pour suppression de poste par une décision de la directrice générale de l'établissement du 28 juillet 2015. En application de l'article 51 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour application de l'article 7 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, l'EPIDE lui a versé, en septembre 2015, une indemnité de licenciement d'un montant de 5 347,78 euros. Par avis des sommes à payer du 25 mars 2016, l'agent comptable de l'EPIDE a demandé à Mme B... de reverser la somme de 5 347,78 euros correspondant au remboursement de l'indemnité de licenciement conformément à l'article 52 du décret du 17 janvier 1986. Par un jugement du 14 février 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, à la demande de Mme B..., a annulé le titre exécutoire du 25 mars 2016 et a déchargé Mme B... de l'obligation de payer la somme de 5 347,78 euros. L'EPIDE relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 51 du décret du 17 janvier 1986 : " En cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, une indemnité de licenciement est versée (...) à l'agent recruté pour une durée déterminée et licencié avant le terme de son contrat (...) ". Aux termes de l'article 52 du même décret : " Toutefois l'indemnité de licenciement n'est pas due à l'agent qui remplit les conditions fixées à l'article 51 lorsqu'il : (...) 2° Retrouve immédiatement un emploi équivalent dans l'une des collectivités publiques mentionnées à l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dans sa rédaction alors applicable : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. ".
3. L'indemnité de licenciement versée à Mme B... à la suite de la décision de la directrice générale de l'EPIDE du 28 juillet 2015 prononçant son licenciement pour suppression de son emploi, qui tend à réparer les préjudices de toute nature résultant de la rupture avant terme du contrat, ne constitue pas un paiement indu effectué par une personne publique en matière de rémunération au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000. Par suite, l'EPIDE n'est pas fondé à soutenir que cette indemnité de licenciement pouvait faire l'objet d'une répétition de l'indu dans un délai de deux ans en application des dispositions précitées du premier alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 susmentionnée.
4. En second lieu, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. En revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement.
5. D'une part, il résulte de l'instruction que le versement, en septembre 2015, d'une indemnité de licenciement à Mme B... d'un montant de 5 347,78 euros résulte d'une décision signée par le directeur des ressources humaines de l'établissement par délégation de la directrice générale et ne constitue pas une mesure de liquidation d'une créance née d'une décision prise antérieurement. Ce versement résulte ainsi d'une décision administrative explicite accordant un avantage financier et créant des droits au profit de Mme B.... Par suite, l'EPIDE ne pouvait la retirer que dans un délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.
6. D'autre part, il résulte de l'instruction que Mme B... a perçu cette indemnité de licenciement au plus tard le 30 septembre 2015, ainsi qu'il résulte des mentions de son bulletin de paie. En sollicitant le remboursement de cette indemnité de licenciement par l'émission d'un titre de recettes le 25 mars 2016, l'EPIDE doit être regardé comme ayant retiré la décision explicite créatrice de droits accordant cette indemnité à Mme B... au-delà du délai de quatre mois résultant des principes énoncés au point 4 ci-dessus. Est sans incidence à cet égard la circonstance que l'EPIDE n'aurait eu connaissance de la nomination de Mme B... dans un nouvel emploi à compter du 1er octobre 2015 que le 18 janvier 2016.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'EPIDE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé le titre exécutoire du 25 mars 2016 et a déchargé Mme B... de l'obligation de payer la somme de 5 347,78 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EPIDE le versement de la somme de 2 000 euros à Mme B... au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EPIDE est rejetée.
Article 2 : L'EPIDE versera à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'EPIDE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 19VE01274