Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 14 décembre 2017, le
19 février 2018 et le 7 février 2020, l'ASSOCIATION ALTERALIA, représentée par Me A..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner la commune de Saint-Ouen à lui payer la somme de 112 950 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2016 au titre des prestations exécutées pour le compte du Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA ;
3° de mettre à la charge de la commune de Saint-Ouen la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que c'est à tort que les premiers juges ont décliné leur compétence ; ils ont à cet égard commis une erreur dans la qualification juridique des faits en considérant que le Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA n'était pas une association transparente ; cette association a été créée à l'initiative de la commune ; elle exerce une mission de service public ; elle est contrôlée administrativement et financièrement par la personne publique ; si ses ressources ne proviennent pas essentiellement de subventions communales, ce critère n'est pas déterminant compte tenu de la nature des services proposés par l'association ;
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation, dès lors que les premiers juges n'ont pas suffisamment exposé les raisons pour lesquelles ils ont estimé que le Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA n'était pas une association transparente ;
- l'ASSOCIATION ALTERALIA a régularisé ses conclusions indemnitaires en présentant une nouvelle réclamation préalable le 7 février 2017 ;
- elle a intérêt à agir contre la commune de Saint-Ouen ;
- ayant effectué de nombreuses démarches afin d'obtenir le paiement des sommes dues préalablement à sa demande préalable reçue par la commune le 15 janvier 2016, le délai de prescription quadriennale a été interrompu ;
- le manquement du Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA à ses obligations contractuelles constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Ouen ;
- elle a subi un préjudice certain, étant précisé qu'elle n'a pu être indemnisée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ;
- à supposer, comme le prétend la commune de Saint-Ouen, que la convention conclue le 26 novembre 2009 avec le Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA soit nulle, l'ASSOCIATION ALTERALIA est fondée à rechercher la responsabilité extracontractuelle de la commune et obtenir la réparation intégrale de son préjudice ;
- elle est ainsi fondée à demander le remboursement de ses dépenses qui ont été utiles à la commune, soit la somme justifiée de 112 950 euros.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., substituant Me A..., pour l'ASSOCIATION ALTERALIA.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA a conclu le 26 novembre 2009 avec l'association Logement Jeune 93 une convention par laquelle cette dernière s'est engagée à exécuter des prestations de comptabilité moyennant une rémunération mensuelle nette de 4 150 euros. Cette convention, conclue pour une durée d'un an et renouvelable par reconduction expresse, a été résiliée par le Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA à compter du 28 janvier 2013. Par un courrier du 26 décembre 2013, l'association Logement Jeune 93 a demandé au Foyer de Jeunes Travailleurs CARA de lui verser la somme totale de 112 950 euros en paiement des prestations exécutées entre le mois de juillet 2010 et le mois de décembre 2012. Par une ordonnance du 26 septembre 2014, le président du Tribunal de grande instance de Bobigny a enjoint au Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA de payer cette somme à l'association Logement Jeune 93. Par un jugement du 23 juillet 2015, le Tribunal de grande instance de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard du Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA. Par un courrier daté du 11 janvier 2016, l'association Logement Jeune 93 a demandé à la commune de Saint-Ouen le paiement de la somme susmentionnée, au motif que le Foyer de Jeunes Travailleurs CARA devait être regardé comme un service de la commune. Par un courrier du 7 février 2017, l'ASSOCIATION ALTERALIA, venant aux droits et obligations de l'association Logement Jeune 93, a réitéré cette réclamation préalable. L'ASSOCIATION ALTERALIA relève appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'ASSOCIATION ALTERALIA a dirigé les conclusions indemnitaires de sa demande de première instance contre la commune de Saint-Ouen, personne publique, et non contre l'association Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA. Par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de régularité.
3. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée par l'ASSOCIATION ALTERALIA devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Lorsqu'une personne privée est créée à l'initiative d'une personne publique qui en contrôle l'organisation et le fonctionnement et qui lui procure l'essentiel de ses ressources, cette personne privée doit être regardée comme " transparente " et les contrats qu'elle conclut pour l'exécution de la mission de service public qui lui est confiée sont des contrats administratifs.
5. Il résulte de l'instruction que le Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA a été créé le 1er octobre 1974 à l'initiative de la commune de Saint-Ouen afin d'offrir un logement et des activités sociales et culturelles à de jeunes adultes célibataires. Si l'association est administrée par un conseil d'administration composé du maire, président de droit et de quatre membres du conseil municipal, il comporte également cinq personnes élues parmi les adhérents et cinq représentants des associations de jeunesse de la ville de Saint-Ouen. En outre, les articles 20 et 21 des statuts stipulent que le directeur assume la gestion quotidienne du foyer, sous le contrôle du trésorier, et qu'il est spécialement chargé de l'organisation de la vie collective, tandis qu'une commission, composée de trois membres désignés par l'assemblée générale en dehors du conseil d'administration, est chargée du contrôle des finances, en application de l'article 22 des statuts. Si l'article 19 des statuts de l'association prévoit que ses ressources se composent des cotisations de ses membres, des montants de la participation fixée pour chacun des membres résident par le conseil d'administration, des subventions accordées par l'État, le département, la commune ou toute autre collectivité, et des dons ou legs, il résulte de l'instruction, et notamment des comptes de résultats de l'association au titre de ses exercices clos en 2011, 2012 et 2013, d'une part, que le financement de l'association est composé, pour l'essentiel, du produit des diverses prestations de services payées par les résidents du foyer et, d'autre part, que la part des subventions de la commune dans les ressources du foyer est faible (zéro en 2011, moins de 5 % en 2012 et environ 6,5 % environ en 2013). Les graves difficultés financières auxquelles a été confrontée l'association et qui ont conduit à sa mise en liquidation judiciaire sont d'ailleurs directement liées, ainsi qu'il ressort du jugement du Tribunal de grande instance de Bobigny du 23 juillet 2015, à la perte par celle-ci de sa principale source de revenus, constituée des redevances versées par les résidents. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le contrôle administratif et financier du Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA serait analogue à celui exercé par la commune de Saint-Ouen sur ses propres services et qu'il excéderait celui auquel sont normalement soumises les associations bénéficiant de subventions publiques.
6. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu des circonstances de sa création, de sa mission des modalités de contrôle de son organisation et de son fonctionnement et de l'origine de ses ressources, le Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA ne peut être regardé comme une association " transparente " qui aurait en réalité le caractère d'un simple service de la commune de Saint-Ouen ou d'un démembrement de celle-ci. Par suite, la responsabilité de la commune de Saint-Ouen ne saurait être recherchée à raison des dettes contractées par l'association Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir et l'exception de prescription invoqués par la commune de Saint-Ouen, que les conclusions de l'ASSOCIATION ALTERALIA tendant à ce que la commune de Saint-Ouen soit condamnée à lui verser la somme de 112 950 euros avec intérêts au taux légal à compter du
11 janvier 2016 au titre des prestations exécutées pour le compte du Foyer Municipal de Jeunes Travailleurs CARA doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1604186 du Tribunal administratif de Montreuil du 12 octobre 2017 est annulé.
Article 2 : Les demandes de l'ASSOCIATION ALTERALIA présentées devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
N° 17VE03824 2