Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 9 juillet 2018 et le
6 février 2019, M. B..., représenté par Me Guillard, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision de désignation des membres du jury de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats ;
3° d'annuler l'épreuve de l'exposé-discussion du 17 novembre 2015 ;
4° d'annuler la délibération du jury d'examen de l'université Paris-XI en date du
1er décembre 2015 ayant prononcé son ajournement à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats pour la session 2014-2015 ;
5° d'annuler la décision du jury d'examen de l'université Paris-XI en date du
1er décembre 2015 de lui attribuer la note de 4/20 à l'épreuve de l'exposé-discussion ;
6° d'annuler la décision orale du 5 janvier 2016 rejetant son recours administratif en date du 4 décembre 2015 ;
7° d'enjoindre à l'université Paris-XI d'organiser une nouvelle épreuve d'exposé-discussion ;
8° d'enjoindre à l'université Paris-XI de statuer à nouveau sur son admission à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats ;
9° de mettre à la charge de l'université Paris-XI la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la délibération du jury du 1er décembre 2015 a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 53 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; la désignation des membres du jury n'a fait l'objet d'aucune publicité ; deux membres du jury ont été désignés pendant plus de cinq années consécutives ; la désignation du magistrat de l'ordre judiciaire participant au jury était irrégulière en l'absence de consultation du Procureur général ; le procès-verbal n'est pas signé par l'ensemble des membres du jury ; seuls quatre membres signataires sur sept ont siégé ; l'identité des signataires ne figure pas sur le procès-verbal ;
- il a subi des faits de discrimination lors de l'épreuve de l'exposé-discussion en raison de sa couleur de peau ; le président du jury a demandé au surveillant de l'épreuve de confirmer qu'il était bien le prochain candidat à être entendu ;
- le principe d'égalité de traitement des candidats a été méconnu ; le sujet d'examen choisi par le jury ne faisait pas partie du programme fixé par l'arrêté du 11 septembre 2003 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle des avocats.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;
- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;
- l'arrêté du 11 septembre 2003 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sauvageot,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- les observations de M. B... et celles de Me Chevandrier pour l'université Paris-XI.
Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 2 décembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... était inscrit au titre de l'année universitaire 2014/2015 auprès de l'Institut des études judiciaires (IEJ) de l'université Paris-XI pour préparer l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA). Ayant obtenu la note de 4/20 à l'épreuve d'admission " exposé discussion ", il a été ajourné par la délibération du jury du 1er décembre 2015. Le 4 décembre 2015, M. B... a formé un recours gracieux. Le 5 janvier 2016, il a été reçu par la directrice de l'IEJ, le président du jury et le directeur des études de l'IEJ. Au terme de cet entretien, son ajournement a été confirmé. M. B... fait appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision portant désignation des membres du jury de l'examen d'entrée au CRFPA pour la session 2014-2015, d'annuler l'épreuve de l'exposé-discussion du
17 novembre 2015, la délibération du jury d'examen de l'université Paris-Sud en date du 1er décembre 2015 ayant prononcé son ajournement à l'examen d'entrée au CRFPA pour la session 2014-2015, la décision du jury d'examen de l'université Paris-Sud en date du 1er décembre 2015 de lui attribuer la note de 4/20 à l'épreuve de l'exposé-discussion, et la décision orale du
5 janvier 2016 rejetant son recours gracieux.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du jury d'attribuer la note de 4/20 à l'épreuve d'exposé-discussion, de la décision orale du 5 janvier 2016 rejetant son recours gracieux tendant au retrait de cette note et de l'épreuve d'exposé-discussion :
2. Par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté les conclusions de la demande de
M. B... tendant à l'annulation de ces décisions comme irrecevables au motif qu'elles ne sont pas détachables de la décision du jury prise au vu de l'ensemble des résultats des diverses épreuves subies par les candidats. Dans sa requête en appel, M. B... ne conteste pas ce motif d'irrecevabilité et ne soulève au demeurant aucun moyen à l'encontre de ces décisions. Par suite, ces conclusions ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de désignation des membres du jury :
3. Cette décision n'est pas détachable de la délibération du jury arrêtant la liste des candidats admis à l'examen. Les conclusions dirigées contre cette décision ne sont pas recevables.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du jury du 1er décembre 2015 :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 53 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat dans sa rédaction alors applicable : " Le jury de l'examen est composé ainsi qu'il suit : 1° Deux professeurs des universités ou maîtres de conférences, chargés d'un enseignement juridique, dont le président du jury, désignés par le président de l'université qui organise l'examen ; 2° Un magistrat de l'ordre judiciaire désigné conjointement par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve située l'université qui organise l'examen et par le procureur général près ladite cour ainsi qu'un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel désigné par le président de la cour administrative d'appel dans le ressort de laquelle se trouve située l'université qui organise l'examen, le cas échéant sur proposition du président du tribunal administratif si le président de la cour administrative d'appel entend désigner un membre du tribunal administratif ; 3° Trois avocats désignés en commun par les bâtonniers des ordres d'avocats concernés. 4° Des enseignants en langues étrangères désignés dans les conditions prévues au 1°, qui ne siègent que pour les candidats qu'ils ont examinés. / Un nombre égal de suppléants est désigné dans les mêmes conditions. / Les membres du jury, à l'exception de ceux qui sont mentionnés au 4°, ne peuvent siéger plus de cinq années consécutives. / Au cas où le nombre des candidats le justifie, plusieurs jurys peuvent être constitués. / Les épreuves d'admission, à l'exception des épreuves de langue et de l'épreuve portant sur la protection des libertés et des droits fondamentaux, sont subies devant un examinateur désigné par le président du jury dans l'une des catégories mentionnées aux 1°, 2° et 3°. / L'épreuve portant sur la protection des libertés et des droits fondamentaux est subie devant trois examinateurs désignés par le président du jury dans chacune des catégories mentionnées aux 1°, 2° et 3°. Les épreuves de langues sont subies devant un examinateur désigné par le président du jury dans la catégorie mentionnée au 4°. / Le jury peut s'adjoindre des examinateurs spécialisés avec voix consultative. ".
5. M. B... soutient que deux membres du jury ont siégé plus de cinq années consécutives en méconnaissance des dispositions de l'article 53 du décret du 27 novembre 1991. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... a été désignée par le Président de l'Université Paris-Sud en qualité de membre suppléant au titre des sessions 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, soit au cours de six années consécutives et que le magistrat administratif, désigné par le Président de la Cour administrative de Versailles l'a été en qualité de suppléant au titre de 2010 et de titulaire pour les sessions 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015. Contrairement à ce que fait valoir l'Université Paris-XI, il résulte des dispositions précitées de l'article 53 du décret du 27 novembre 1991 que la limitation à cinq ans du nombre d'années au cours desquelles les membres du jury, à l'exception de ceux visés au 4°, peuvent siéger s'applique également aux membres suppléants qui n'auraient pas effectivement été appelés participer à la délibération du jury. Au demeurant, l'Université n'établit pas que Mme E... n'aurait pas siégé au cours des années concernées alors qu'il ressort des pièces du dossier que cette dernière a paraphé le procès-verbal définitif de délibération d'admission et signé le relevé de notes et résultats sur lesquels figure l'ajournement de M. B.... Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que la composition du jury de l'examen d'accès au CRFPA était irrégulière et à demander, pour ce motif, l'annulation de la délibération du 1er décembre 2015 prononçant son ajournement.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 221-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". S'agissant de la délibération d'un jury, il est satisfait aux exigences découlant de cet article dès lors qu'une telle délibération porte la signature du président du jury accompagné des mentions, en caractères lisibles, de son prénom, de son nom et de sa qualité.
7. Il ressort des pièces que le procès-verbal définitif de délibération d'admission du
2 décembre 2015 contestée n'est revêtu que des initiales de quatre personnes et ne comprend aucune mention des noms, prénoms et qualité de ses signataires et notamment du président du jury. Dans ces conditions, et alors que ce vice fait obstacle à l'identification des personnes ayant délibéré sur l'admission du requérant à l'examen d'entrée au centre de formation professionnelle des avocats, M. B... est fondé à soutenir que cette irrégularité entache d'illégalité la délibération contestée et à demander, pour ce second motif, son annulation.
8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à demander à l'annulation du jugement du 3 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération prononçant son ajournement à l'examen d'entrée au CRFPA.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. L'exécution du présent jugement implique nécessairement que le requérant soit autorisé à se présenter de nouveau, selon les modalités de contrôle des connaissances actuellement en vigueur, à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats organisé par l'Université par l'Université Paris-XI.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université Paris-XI une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1600678 du 3 mai 2018 du Tribunal administratif de Versailles et la délibération du jury ajournant M. B... au titre de la session 2015 de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à l'université Paris-XI d'autoriser M. B... à se présenter à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats.
Article 3 : L'université Paris-XI versera à M. B... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par l'université Paris-XI sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 18VE02368