Par un jugement n° 1600808 et 1600810 du 14 septembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné l'ACOSS à payer à la société H2A TELEMARKETING la somme de 357 425,94 euros TTC au titre du solde du marché d'externalisation des flux téléphoniques, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2016 et mis à la charge de l'ACOSS une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 21 novembre 2017, le 23 juin 2020 et le 18 octobre 2020, la société H2A TELEMARKETING, représentée par Me B..., avocat, demande à la Cour :
1° de réformer le jugement en tant qu'il fixe le solde du marché à la somme de 357 425,94 euros TTC ;
2° de condamner l'ACOSS à lui verser la somme de 4 441 316,48 euros TTC assortie des intérêts à compter de son mémoire en réclamation ;
3° de rejeter l'appel incident de l'ACOSS ;
4° de mettre à la charge de l'ACOSS la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'indemnité forfaitaire de 5% doit être évaluée à 175 114,71 euros HT, soit 5% de 3 502 294,20 euros HT qui correspond à la différence entre le montant du marché (4 258 746 euros HT) et le montant des prestations réceptionnées au 30 septembre 2015 (756 451,80 euros HT) ;
- s'agissant des dépenses engagées en vue de l'exécution des prestations qui n'ont pas été fournies, elle est fondée à demander 3 387,80 euros HT correspondant au coût de la liaison Internet nécessaire au tunnel VPN IPSec, 327,60 euros HT pour la mise à disposition de numéros noirs, 1 531,99 euros HT correspondant au coût de l'équipement CISCO ASA 5515, 2 149,33 euros HT pour le coût du serveur outil Nagios, 32 643,47 euros HT pour l'achat de la licence Internet Explorer 8, 3 400,83 euros HT exposés pour l'intégrateur de développement de bandeau, 4 048,61 euros pour le coût homme de développement de bandeau, 4 229,28 euros HT et 5 752,75 euros HT correspondant au coût respectif d'achat de casques et de chaises pour le site de Saint-Ouen qu'elle a dû fermer à la suite de la résiliation et 12 450,29 euros HT engagés pour l'achat du système d'enregistrement des communications ;
- s'agissant des autres frais se rapportant directement à l'exécution du marché, elle est fondée à demander 3 000 euros correspondant aux frais de diffusion d'annonces de recrutement et 13 157,45 euros pour les frais de formation de ses collaborateurs ;
- s'agissant des dépenses de personnel dont le titulaire apporte la preuve qu'elles résultent directement et nécessairement de la résiliation du marché, elle est fondée à demander la somme totale de 864 045,67 euros ; cette somme comprend les coûts directement liés au plan de sauvegarde de l'emploi (55 166,50 euros HT d'honoraires conseil et avocats, 25 834,22 euros HT pour la nomination d'un expert par le comité d'entreprise, 5 160 euros HT correspondant au coût du cabinet de reclassement et 10 274,43 euros HT pour les heures de délégation des représentants du personnel), ceux liés à la masse salariale résultant de la résiliation pour les périodes octobre/décembre 2015 (260 693,51 euros HT) et janvier/mars 2016 (243 841,41 euros HT), ceux liés à la masse salariale liée à l'arrêt anticipé du marché (263 075,60 euros HT) ;
- elle est fondée à demander la somme de 1 073 422,06 euros HT correspondant à sa marge bénéficiaire perdue, sa marge brute s'élevant à 33,27 % ;
- elle est fondée à demander 1 986 738,16 euros HT au titre des prestations effectuées compte tenu des paiements déjà effectués par l'ACOSS.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- les observations Me B..., pour la société H2A TELEMARKETING et celles de Me A..., pour l'ACOSS.
Une note en délibéré, enregistrée le 26 octobre 2020, a été présentée pour la société H2A TELEMARKETING.
Considérant ce qui suit :
1. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a confié à la société H2A TELEMARKETING l'exécution d'un marché relatif à l'externalisation des flux téléphoniques relatifs à l'interlocuteur social unique (ISU) et prestations associées pour la branche recouvrement du régime général de la sécurité sociale et de la caisse nationale du RSI dans le cadre d'un accord cadre n° 2013-8002 ayant pour date d'effet le 21 mars 2015 et conclu pour une durée ferme de 18 mois. Toutefois, par une décision du 26 juin 2015, l'ACOSS a annoncé à la société requérante sa décision de prononcer la résiliation du marché pour motif d'intérêt général à compter du 1er octobre 2015. L'ACOSS a notifié le 1er décembre 2015 le décompte de résiliation du marché à la société H2A TELEMARKETING faisant apparaître un solde créditeur de 197 890,13 euros au bénéfice de la requérante. La société H2A TELEMARKETING a adressé à l'ACOSS, les 11 janvier 2016 et 29 janvier 2016, deux mémoires de réclamation, le premier concernant le règlement de sa dernière facture du 30 septembre 2015, ramenée à la somme de 2 384 085,79 euros TTC, et le second demandant l'inscription à son crédit d'une somme globale de 4 441 316,48 euros TTC incluant notamment cette dernière facture. A la suite du silence gardé par l'ACOSS, la société H2A TELEMARKETING a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande de provision et de demandes de condamnation de l'ACOSS à lui verser, d'une part, la somme de 2 384 085,79 euros TTC et, d'autre part, celle de 4 441 316,48 euros TTC. Par une ordonnance n° 1509100 du 20 janvier 2016, le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil a condamné l'ACOSS à verser à la société requérante une somme de 197 890,13 euros TTC à titre de provision. Par le jugement attaqué du 14 septembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné l'ACOSS à verser à la requérante la somme de 357 425,94 euros TTC au titre du solde du marché. La société H2A TELEMARKETING fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes. Par voie d'appel incident, l'ACOSS demande à la Cour de condamner la société H2A TELEMARKETING à lui verser la somme de 2 352,45 euros correspondant à un trop-perçu au titre de l'indemnité forfaitaire de 5 %.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 34.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et services (CCAG FCS) dans sa rédaction issue de l'arrêté du 19 janvier 2009 : " La résiliation fait l'objet d'un décompte de résiliation, qui est arrêté par le pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire ".
3. L'ACOSS soutient que le principe d'unicité du décompte fait obstacle à la recevabilité des demandes de la société H2A TELEMARKETING au-delà de la somme de 2 384 085,79 euros TTC résultant de sa dernière facture récapitulative du 30 septembre 2015. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la notification du décompte de résiliation par l'ACOSS le 1er décembre 2015, la société H2A TELEMARKETING a fait parvenir au pouvoir adjudicateur un mémoire de réclamation le 29 janvier 2016 dans lequel ses demandes s'établissaient à la somme totale de 4 441 316,48 euros TTC qui incluait la somme de 2 384 085,79 euros TTC au titre de sa dernière facture récapitulative.
4. Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des demandes indemnitaires de la société H2A TELEMARKETING sont recevables et l'ACOSS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir qu'elle avait soulevée.
Sur le décompte de résiliation :
5. Aux termes de l'article 33 du CCAG FCS relatif à la résiliation pour motif d'intérêt général : " Lorsque le pouvoir adjudicateur résilie le marché pour motif d'intérêt général, le titulaire a droit à une indemnité de résiliation, obtenue en appliquant au montant initial hors taxes du marché, diminué du montant hors taxes non révisé des prestations admises, un pourcentage fixé par les documents particuliers du marché ou, à défaut, de 5 %. / Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n'aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. Il lui incombe d'apporter toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l'indemnité dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation du marché. / Ces indemnités sont portées au décompte de résiliation, sans que le titulaire ait à présenter une demande particulière à ce titre. ".
6. Aux termes de l'article 34 du même cahier relatif au décompte de résiliation : " 34. 1. La résiliation fait l'objet d'un décompte de résiliation, qui est arrêté par le pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire. 34. 2. Le décompte de résiliation qui fait suite à une décision de résiliation prise en application des articles 31 et 33 comprend : 34.2.1. Au débit du titulaire : _ le montant des sommes versées à titre d'avance, d'acompte, de règlement partiel définitif et de solde ; _ la valeur, fixée par le marché et ses avenants éventuels, des moyens confiés au titulaire que celui-ci ne peut restituer, ainsi que la valeur de reprise des moyens que le pouvoir adjudicateur cède à l'amiable au titulaire ; _ le montant des pénalités. 34. 2. 2. Au crédit du titulaire : 34.2.2.1. La valeur des prestations fournies au pouvoir adjudicateur, à savoir : _ la valeur contractuelle des prestations reçues, y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires ; _ la valeur des prestations fournies éventuellement à la demande du pouvoir adjudicateur telles que le stockage des fournitures. 34.2.2.2. Les dépenses engagées par le titulaire en vue de l'exécution des prestations qui n'ont pas été fournies au pouvoir adjudicateur, dans la mesure où ces dépenses n'ont pas été amorties antérieurement ou ne peuvent pas l'être ultérieurement, à savoir : _ le coût des matières et objets approvisionnés en vue de l'exécution du marché ; _ le coût des installations, matériels et outillages réalisés en vue de l'exécution du marché ; _ les autres frais du titulaire se rapportant directement à l'exécution du marché ; 34.2.2.3. Les dépenses de personnel dont le titulaire apporte la preuve qu'elles résultent directement et nécessairement de la résiliation du marché. 34.2.2.4. Si la résiliation est prise en application de l'article 33, une somme forfaitaire calculée en appliquant un pourcentage à la différence entre le montant hors TVA non révisé du marché et le montant hors TVA non révisé des prestations réceptionnées. Dans le silence du marché, ce pourcentage est de 5 %. Le montant ainsi calculé sera révisé à la date d'effet de la résiliation conformément aux dispositions du marché. 34.2.2.5. Plus généralement, tous préjudices subis du fait de la résiliation par le titulaire et éventuellement ses sous-traitants et fournisseurs. ".
En ce qui concerne les sommes à inscrire au débit du titulaire :
7. Il résulte de l'instruction qu'outre la somme de 726 570,75 euros HT, correspondant aux factures émises par la société H2A TELEMARKETING, l'ACOSS a versé à cette dernière la somme de 47 049,14 euros HT au titre des prestations réceptionnées, ainsi que la somme de 39 759,70 HT au titre de dépenses engagées et celle de 101 671,46 euros au titre de l'indemnité de résiliation de 5%. Ainsi, outre cette dernière somme, la somme totale perçue par la société H2A TELEMARKETING au titre de l'exécution du marché s'élève à 813 379,59 euros.
En ce qui concerne les sommes à inscrire au crédit du titulaire :
S'agissant des prestations fournies au pouvoir adjudicateur :
8. Aux termes de l'acte d'engagement du marché en cause : " Les prestations objet du présent marché seront payées par application des prix forfaitaires et unitaires indiqués dans le bordereau des prix ". Aux termes de l'article 4 du CCAP de ce marché : " Le présent marché subséquent (...) est conclu pour une durée ferme de 18 mois à compter du point de départ de la prestation d'externalisation des flux téléphoniques relatifs à l'ISU, fixé au 21 mars 2015 ". Aux termes de son article 9.2 : " Les prestations seront réglées, mensuelles à terme échu par l'ACOSS. Elles seront réglées de la façon suivante : - des acomptes mensuel à terme échu seront versés sur la base du coût unitaire remisé de la tranche 4 (correspondant à la volumétrie estimée dans le CCTP sur la durée ferme du marché) appliqué aux volumétries d'appels réellement réalisées sur la période mensuelle ; - un réajustement à l'issue de la durée ferme du marché sera effectué sur le dernier paiement mensuel à terme échu, au vu de la volumétrie d'appels réellement prise en charge par le titulaire du marché subséquent sur la durée du marché et du coût applicable à cette volumétrie. Pour le dernier mois du marché, le titulaire adressera à l'ACOSS une facture faisant apparaître un récapitulatif du marché avec les différents acomptes versés et le différentiel au vu des volumétries d'appels réellement réalisées sur la période du marché. "
9. Il résulte de l'instruction que le bordereau des prix annexé à l'acte d'engagement indique un prix forfaitaire de 2 760 000 euros HT pour une volumétrie globale des appels gérés sur la période du marché allant jusqu'à 1 500 000 d'appels sur la période du marché, puis prévoit un coût unitaire par appel par tranches à partir du 1 500 001ème appel. La société H2A TELEMARKETING a effectivement traité 420 251 appels au cours de la période d'exécution du marché avant sa résiliation. Dès lors que les stipulations précitées de l'article 34.2.2.1. du CCAG FCS prévoient que le titulaire a droit à la valeur des prestations fournies au pouvoir adjudicateur, la société H2A TELEMARKETING peut prétendre au versement de la somme de 773 261,84 euros HT correspondant à la valeur des appels qu'elle a effectivement pris en charge dans le cadre du marché, calculée par rapport au montant global et forfaitaire de la première tranche du marché, le nombre d'appel effectivement traité ayant été inférieur à 1 500 000. Il résulte ce qui précède qu'il a lieu d'inscrire la somme de 773 261,84 euros HT au crédit du titulaire au titre des prestations fournies au pouvoir adjudicateur.
S'agissant des dépenses engagées en vue de l'exécution des prestations qui n'ont pas été fournies au pouvoir adjudicateur :
Quant aux sommes demandées au titre du coût des installations, matériels et outillages réalisés en vue de l'exécution du marché :
10. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les coûts relatifs à la mise en place d'un tunnel VPN IPSec via Internet (3 387,80 euros HT), à la mise à disposition de numéros noirs (327,60 euros HT), à l'achat et l'installation de la licence Internet Explorer 8 (32 643,47 euros HT) et à l'intégrateur de développement de bandeau (3 400,83 euros HT) figurent au crédit du titulaire dans le décompte de résiliation établi par l'ACOSS et ne sont pas contestés. Il y a lieu d'inscrire la somme de 39 759,70 euros HT au crédit du titulaire.
11. En deuxième lieu, l'ACOSS fait valoir que la somme de 4 048,61 euros HT sollicitée par la société requérante au titre du " coût homme de développement de bandeau " ne peut être admise dès lors qu'elle recouvre les mêmes prestations que le poste " intégrateur de développement de bandeau " admis pour un montant de 3 400,83 euros HT. Toutefois, il résulte de l'instruction que la somme de 3 400,83 euros HT admise par l'ACOSS correspond au coût de la " prestation intégrateur " engagée pour le développement bandeau alors que la somme de 4 048,61 euros correspond au coût des prestations en " jours homme " de l'assistance technique et du paramétrage des postes à la suite du développement du bandeau téléphonique. Dans ces conditions, dès lors que la société H2A TELEMARKETING établit avoir exposé cette dépense qui n'a pas été amortie et qui ne peut pas l'être, il y a lieu d'inscrire la somme de 4 048,61 euros HT au crédit du titulaire.
12. En troisième lieu, si la société H2A TELEMARKETING sollicite la somme de 1 531,99 euros HT au titre du coût unitaire de l'équipement CISCO ASA 5515, elle ne démontre pas la réalité de cette dépense par la production d'un document intitulé " Interconnexion entre le RSI et H2A (site de Bagneux) " et un échange de courriers électroniques relatifs au retard de développement de l'installation CALI qui ne fait pas mention de l'équipement en cause. Dans ces conditions, cette demande doit être rejetée.
13. En quatrième lieu, il résulte des stipulations du CCTP du marché en litige que " pour améliorer la réactivité et l'analyse lors des incidents, le prestataire devra superviser en collaboration avec les exploitants informatiques de la CNRSI les équipements au travers du tunnel par un outil de type Nagios ou équivalent ". Dans ces conditions, compte tenu de la facture produite, la société H2A TELEMARKETING est fondée à demander la somme de 2 149,33 euros HT correspondant à la part non amortissable de l'achat d'un serveur HP ProLiant DL380 Gen9 nécessaire à l'installation et l'utilisation du logiciel Nagios. La société requérante est donc fondée à demander l'inscription de cette somme à son crédit.
14. En cinquième lieu, la société H2A TELEMARKETING demande à ce que les sommes de 4 229,29 euros HT et de 5 752,75 euros HT engagées pour l'achat de casques et de chaises soient inscrites à son crédit. Toutefois, la société n'établit pas qu'elle serait dans l'impossibilité de réutiliser ce matériel par la seule fermeture du site de Saint-Ouen à la suite de la résiliation alors qu'elle réalise des prestations similaires dans d'autres sites.
15. En sixième et dernier lieu, la société H2A TELEMARKETING est fondée à demander l'inscription à son crédit de la somme de 12 450,29 euros HT engagée pour la mise en place d'un système d'enregistrement de toutes les communications de l'ISU et justifiée par la production d'une facture.
16. Il résulte de ce qui précède que la société justifie d'une somme de 58 407,93 euros HT au titre du coût des installations, matériels et outillages réalisés en vue de l'exécution du marché.
Quant aux autres frais du titulaire se rapportant directement à l'exécution du marché :
17. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société H2A TELEMARKETING justifie par une facture avoir engagé une dépense de 9 000 euros HT pour la diffusion d'annonces par la société Stepstone pour assurer le recrutement de téléopérateurs. Dans ces conditions, elle est fondée à demander qu'une somme de 3 000 euros HT, correspondant à la part non amortissable de cette dépense, soit inscrite à son crédit dans le décompte de résiliation.
18. En second lieu, contrairement à ce que fait valoir l'ACOSS, il résulte de l'instruction que la société H2A TELEMARKETING a engagé des dépenses de formation de ses salariés en vue de l'exécution des prestations qui n'ont pas été fournies au pouvoir adjudicateur d'un montant de 13 157,45 euros HT. Ces dépenses de formations étaient d'ailleurs prévues au CCTP. En outre, contrairement à ce que soutient l'ACOSS, il ne résulte pas de l'instruction que cette dépense aurait été antérieurement amortie par la société requérante.
19. Il résulte de ce qui précède que la société H2A TELEMARKETING est fondée à demander que la somme de 16 157,45 euros HT soit inscrite à son crédit au titre des autres frais du titulaire se rapportant directement à l'exécution du marché.
S'agissant des dépenses de personnel dont le titulaire apporte la preuve qu'elles résultent directement et nécessairement de la résiliation du marché :
20. En premier lieu, il y a lieu d'inscrire au crédit de la société H2A TELEMARKETING les sommes de 13 895,25 euros HT et de 24 349,75 euros HT engagées pour des frais d'avocats pour l'assistance dans la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique et justifiées par des factures même s'il résulte de l'instruction que la société requérante a finalement renoncé à la mise en oeuvre d'un tel plan. La société H2A TELEMARKETING est également fondée à demander les sommes de 3 500 euros HT et 1 660 euros HT engagées auprès d'un cabinet de conseil pour des prestations d'accompagnement des mobilités dans le cadre du projet de réorganisation et dont la réalité est établie par la production de factures. En revanche, la somme demandée pour le coût de la nomination d'un expert par le comité d'expert ainsi que celles correspondant aux heures de délégation des représentants du personnel ne peuvent être regardées comme directement liées à la décision de résilier le marché.
21. En second lieu, la société H2A TELEMARKETING sollicite une somme de 263 075,60 euros HT correspondant aux dépenses salariales engagées à perte aux mois de juillet, août et septembre 2015 dès lors que l'ACOSS aurait progressivement réinternalisé les appels avant d'attendre la date de la résiliation. Si l'ACOSS fait valoir que la diminution du volume d'appels provient de la suspension par l'URSSAF du traitement des mises en demeure à compter du 9 juin 2015 à la suite de divers incidents, la société H2A TELEMARKETING produit à l'appui de ses allégations un article de presse rapportant des déclarations du directeur général du RSI aux termes desquelles " le transfert vers des ressources internes (...) seraient effectuées progressivement entre début juillet et fin septembre " ainsi qu'un compte-rendu établi par la CFDT d'une réunion du comité national de concertation portant notamment sur la réinternalisation des plateformes téléphoniques et selon lequel l'activité serait " reprise progressivement en deux étapes 15 juillet de 15 septembre avec prévision de fin de contrat de H2A en octobre ". En outre, il résulte de l'instruction que le nombre d'appels a fortement diminué à compter du mois de juillet (59,62 % des appels prévus en juillet 2015, 36,86 % en août 2015 et 23,27 % en septembre 2015). En l'absence de toute contestation de l'ACOSS sur ces éléments, la société H2A TELEMARKETING, qui a été informée le 26 juin 2015 de la résiliation du marché à compter du 1er octobre suivant, établit avoir exposé à perte des dépenses salariales au cours des mois de juillet, août et septembre 2015. Elle est donc fondée à solliciter une indemnisation à ce titre. Il sera fait une juste appréciation de ces dépenses en inscrivant une somme de 60 000 euros au crédit de la société.
22. En troisième lieu, il résulte de l'instruction qu'afin d'assurer l'exécution du marché en cause, la société H2A TELEMARKETING avait recruté des téléopérateurs dont une partie a été privée d'activité à la suite de la résiliation. Si la société requérante a renoncé à mettre en oeuvre le plan de sauvegarde de l'emploi validé par une décision de la DIRRECTE Ile-de-France (unité territoriale de Saint-Denis) qui fait mention de la suppression de 28 emplois sur le site de Saint-Ouen, dont 25 au sein de la société H2A TELEMARKETING et a fait le choix stratégique et commercial de conserver les salariés en cause en sureffectif, elle a dans ces conditions nécessairement subi un préjudice lié à ces dépenses de personnel pour la période allant d'octobre 2015 à décembre 2015 ainsi qu'au premier semestre 2016. Eu égard aux éléments apportés par la société et notamment les bulletins de paie produits, il sera fait une juste appréciation de ces dépenses en inscrivant les sommes de 120 000 euros pour les trois derniers mois de l'année 2015 et de 30 000 euros pour les trois premiers mois de l'année 2016 au crédit de la société. En revanche, la société H2A TELEMARKETING n'est pas fondée à solliciter la prise en compte des dépenses de personnels exposées par les autres filiales du groupe, TCA et H2A Conseil.
S'agissant de l'indemnité forfaitaire contractuelle :
23. En application des stipulations précitées de l'article 34.2.2.4 du CCAG FCS, la société H2A TELEMARKETING a droit à une indemnité forfaitaire contractuelle d'un montant équivalent à 5% de la différence entre le montant hors TVA non révisé du marché et le montant hors TVA non révisé des prestations réceptionnées. Il résulte de l'acte d'engagement et du bordereau des prix que le marché a été conclu sur la base d'un prix global et forfaitaire de 2 760 000 euros HT pour une durée ferme de 18 mois pour les 1 500 000 premiers appels puis par prix unitaire par appel selon différentes tranches au-delà du 1 500 001ème appel et que le CCTP du marché comporte une évaluation du volume des flux journaliers attendus sur la durée totale d'exécution du marché qui fait apparaître 2 365 970 appels au prix unitaire de 1,80 euros HT. Si comme le souligne l'ACOSS, ce volume d'appel était prévisionnel, il résulte toutefois de l'ensemble des pièces contractuelles qu'il était de l'intention commune des parties qu'un tel volume d'appels, figurant dans le CCTP, soit pris en charge par la société H2A TELEMARKETING. En outre, le nombre d'appels effectivement traités par la société aux mois de mars, avril et juin 2015 étaient supérieurs (de 112,03%, 101,76% et 110,79%) aux chiffres prévisionnels retenus par les parties. Dans ces conditions, le montant hors TVA non révisé du marché doit dès lors être fixé à la somme de 4 258 746 euros HT. Dès lors que le montant des prestations réceptionnées s'élève à la somme de 773 261,84 euros HT, l'indemnité forfaitaire s'établit à 5% de la somme de 3 485 484,16 euros, soit 174 274,21 euros.
S'agissant de la marge bénéficiaire perdue :
24. L'indemnité forfaitaire de 5% prévue par les stipulations de l'article 34.2.2.4 du CCAG FCS, qui vient d'être fixée à la somme de 174 274,21 euros au point précédent, a pour objet d'indemniser le manque à gagner par le cocontractant du fait de la résiliation du marché pour motif d'intérêt général. La société n'est pas fondée à demander en outre l'indemnisation de la marge bénéficiaire de 33,27% qu'elle aurait perdue du fait de cette résiliation. Cette demande ne peut donc qu'être rejetée.
En ce qui concerne le solde du marché :
25. Il résulte de ce qui précède que la somme totale à inscrire au débit de la société s'élève à 813 379,59 euros HT, à laquelle s'ajoute la somme de 101 671,46 euros au titre de l'indemnité de résiliation. La somme totale à inscrire au crédit de la société H2A TELEMARKETING s'élève à 1 101 232,22 euros HT à laquelle s'ajoute 174 274,21 euros au titre de l'indemnité de résiliation. Par suite, le solde du marché s'établit à la somme de 287 852,63 euros HT, soit 345 423,16 euros TTC, à laquelle s'ajoute la somme de 72 602,75 euros au titre de l'indemnité de résiliation. Cette somme totale de 418 025,91 euros TTC sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2016, date de réception de son mémoire en réclamation.
26. Il résulte de tout ce qui précède que la société H2A TELEMARKETING est fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a limité le montant de la condamnation de l'ACOSS à lui verser la somme de 357 425,94 euros TTC au titre du solde du marché d'externalisation des flux téléphoniques.
Sur les frais liés à l'instance :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société H2A TELEMARKETING, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme à l'ACOSS au titre de ces dispositions. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ACOSS le versement de la somme de 2 000 euros à la société H2A TELEMARKETING à ce titre.
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 357 425,94 euros TTC à laquelle l'ACOSS a été condamnée à payer à la société H2A TELEMARKETING par le jugement n° 1600808 et 1600810 du 14 septembre 2017 est portée à 418 025,91 euros TTC.
Article 2 : L'ACOSS versera une somme de 2 000 euros à la société H2A TELEMARKETING en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société H2A TELEMARKETING et les conclusions de l'ACOSS sont rejetés.
Article 4 : Le jugement n° 1600808 et 1600810 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
2
N° 17VE03487