Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 mai 2019, la COMMUNE DE SAINT-DENIS, représentée par Me D..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit ;
- les troubles anxio-dépressifs de Mme A... ne peuvent résulter d'un évènement soudain, caractéristique de l'accident de service ;
- la requérante n'est pas en mesure de démontrer que l'altercation avec sa hiérarchie et tous les éléments qu'elle considère comme des agissements de harcèlement moral révèlent un contexte professionnel pathogène ; les évènements qu'elle relate relèvent de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; le 21 octobre 2014, la responsable du service a dû demander à l'intéressée de regagner son poste de travail qu'elle avait quitté sans raison valable, ce que cette dernière a considéré comme une agression ; les autres évènements traduisent son opposition à la hiérarchie et son refus d'obéissance systématique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- les observations de Me C..., substituant Me D..., pour la COMMUNE DE SAINT-DENIS.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 8 novembre 1970, a été recrutée en 1993 par la COMMUNE DE SAINT-DENIS et reclassée en 2005 dans le cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux. Affectée en dernier lieu à l'accueil de la maison de quartiers Franc-Moisin, elle a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident à la suite d'une altercation avec sa supérieure hiérarchique le 21 octobre 2014. Par une décision du 20 décembre 2017, le maire de la COMMUNE DE SAINT-DENIS a rejeté cette demande. La COMMUNE DE SAINT-DENIS relève appel du jugement du 8 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision et lui a enjoint de reconnaître l'accident de Mme A... comme imputable au service.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu d'admettre, à titre provisoire, Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Si la COMMUNE DE SAINT-DENIS soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit, un tel moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.
Au fond :
5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".
6. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service.
7. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été prise au motif que l'état de santé de Mme A... ne résulte pas d'un événement soudain et violent qui seul peut caractériser un accident de service, mais d'une affection pathologique à action lente que l'intéressée présente elle-même comme la conséquence d'agissements répétés de harcèlement moral ayant débuté en 2012, soit deux ans avant l'altercation survenue le 21 octobre 2014 avec sa supérieure hiérarchique. Toutefois, le psychiatre agréé, chargé d'examiner Mme A..., a estimé, dans son rapport daté du 11 mai 2015 que " la situation de souffrance au travail signalée par Mme A... existe depuis 2012. La symptomatologie est d'apparition progressive et se trouve limitée dans un premier temps aux moments de stress rencontrés au travail puis s'installe la dimension dépressive avec auto-dévalorisation et sentiment d'injustice. L'altercation avec sa responsable du 21 octobre 2014 en présence d'un usager entraîne chez Mme A... un syndrome post-traumatique qui ne permet pas la reprise du travail. On ne note pas d'état antérieur ni de facteurs aggravants, ce qui permet de confirmer l'imputabilité au service de l'installation des troubles et confirme l'accident de service ". Par ailleurs, la commission de réforme a émis le 18 janvier 2016 un avis favorable à la demande de Mme A..., en considérant que sa pathologie est en lien direct avec les conditions d'exercice de ses fonctions. Enfin, et nonobstant la circonstance que des relations de travail parfois conflictuelles préexistaient à l'altercation survenue le 21 octobre 2014, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait une faute personnelle de la requérante ou toute autre circonstance particulière de nature à détacher cet évènement du service. En conséquence, l'accident dont Mme A... a été victime doit être regardé comme directement imputable au service.
8. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir invoquée par Mme A..., que la COMMUNE DE SAINT-DENIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 20 décembre 2017 et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par Mme A... le 28 novembre 2014.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce point par la COMMUNE DE SAINT-DENIS, partie perdante. Mme A... ne justifiant pas avoir exposé d'autre frais que ceux pris en charge par l'aide juridictionnelle, les conclusions qu'elle présente à ce titre doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Mme A... est admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête présentée par la COMMUNE DE SAINT-DENIS est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 19VE01698 2