Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2016, MmeA..., représentée par Me Aucher-Fagbemi, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée ;
- cette décision, qui ne comporte aucun développement relatif aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, est insuffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
- le préfet n'a pas, avant de prendre cette décision, procédé à un examen particulier de sa situation ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, le système d'asile italien connait de graves défaillances, constitutives d'une violation de ces stipulations ; en tout état de cause, il appartient au juge d'examiner in concreto les conditions dans lesquelles elle a été traitée en Italie, avant sa venue en France, afin de déterminer si son transfert à destination de ce pays risque de l'exposer à des traitements inhumains ou dégradants.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. d'Haëm a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante nigériane née le 21 février 1995, relève appel du jugement du 1er juin 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2016 du préfet des Yvelines ordonnant son transfert vers l'Italie, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile ;
Sur la recevabilité des conclusions de Mme A...tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il porterait " refus d'admission au titre de l'asile " :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat (...). " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée en France au début de l'année 2016 et y a sollicité l'asile ; que, saisies le 29 février 2016 d'une demande de reprise en charge de l'intéressée en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, les autorités italiennes ont donné leur accord le 11 mars 2016 ; que, par l'arrêté attaqué du 8 avril 2016, le préfet des Yvelines a décidé sa remise aux autorités italiennes ; qu'ainsi, Mme A... bénéficie, en application des dispositions précitées, du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à son transfert effectif à destination de l'Italie ; que, par suite, l'arrêté en litige ne saurait être regardé comme un " refus d'admission au titre de l'asile " ; que, dès lors, les conclusions de la requérante tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il porterait " refus d'admission au titre de l'asile " sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Considérant que, contrairement à ce que soutient MmeA..., il résulte de l'examen du jugement attaqué, notamment de son point 4, que le tribunal administratif n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait, faute de répondre à ce moyen, entaché d'irrégularité ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L.742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...). " ;
6. Considérant que la décision de transfert en litige vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951, le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle mentionne également que, saisies le 29 février 2016 d'une demande de reprise en charge de MmeA..., les autorités italiennes ont donné leur accord le 11 mars 2016 ; que, par ailleurs, elle fait état de ce que la situation de l'intéressée ne relève pas des dérogations prévues par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et qu'elle " n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile " ; qu'ainsi, cette décision, qui, contrairement à ce que soutient la requérante, n'avait pas à faire état des " conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie ", comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, cette décision est suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 742-3 précité ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne (...). " ;
8. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué du 8 avril 2016 que, pour ordonner le transfert de Mme A...à destination de l'Italie, le préfet des Yvelines s'est fondé sur les dispositions précitées de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, l'article 20 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile ayant abrogé le premier alinéa de l'article L. 531-2 du même code qui rendait applicables ces dispositions aux demandeurs d'asile susceptibles de faire l'objet d'une décision de transfert à destination de l'Etat responsable de l'examen de leur demande d'asile, l'autorité préfectorale ne pouvait légalement fonder la décision en litige sur les dispositions de l'article L. 531-1 précité ;
9. Considérant que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ;
10. Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée ordonnant le transfert de Mme A... vers l'Italie, Etat désigné en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, trouve son fondement légal dans les dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peuvent être substituées à celles de l'article L. 531-1 dès lors, en premier lieu, que, les autorités italiennes ayant donné leur accord pour une reprise en charge, Mme A...se trouvait dans la situation où, en application des dispositions de cet article L. 742-3, le préfet pouvait ordonner son transfert, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions ;
11. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. " ;
12. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Yvelines aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A... avant d'ordonner son transfert à destination de l'Italie ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la décision en litige doit être écarté ;
13. Considérant, d'autre part, que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les documents d'ordre général relatifs aux modalités d'application des règles relatives à l'asile par les autorités italiennes, notamment un rapport de l'association Médecins sans frontières, que cite la requérante, ne suffisent pas à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers l'Italie serait, par elle-même, contraire à l'article 3 de cette convention ; qu'en outre, si Mme A...soutient que les autorités italiennes, confrontées à un afflux de migrants, ne sont pas en mesure d'accorder aux demandeurs d'asile des conditions d'accueil satisfaisantes, elle ne fournit aucune précision ni aucun élément sur le séjour qu'elle a effectué en Italie avant de se rendre en France, sa durée et les difficultés qu'elle aurait rencontrées dans ce pays, notamment en termes d'accueil ou de traitement de sa demande d'asile ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des allégations imprécises et, au demeurant, non étayées de la requérante, que sa demande ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
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N° 16VE02193