Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 mai et le 28 août 2020, M. A..., représenté par la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 7 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre à la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise de régulariser sa situation et de lui restituer l'intégralité de la retenue opérée sur son traitement et accessoires de rémunération du mois de mars 2018, dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car il n'est pas signé ;
- il a assuré les heures statutairement prévues ;
- il ne peut être tenu responsable des heures non réalisées car il appartient à l'établissement de lui confier des heures en nombre suffisant et la communauté d'agglomération ne lui a pas confié l'intégralité des 16 heures hebdomadaires à accomplir ; le tribunal a tenu compte d'une note de la directrice mais l'administration n'a produit aucun document mettant l'agent en demeure d'assurer les enseignements supplémentaires ; il a été placé dans l'impossibilité d'exercer son service hebdomadaire du fait de l'administration ; l'administration doit lui restituer l'intégralité de la retenue ;
- il justifie par la liste d'appel qui lui a été communiquée de 14h30 de service hebdomadaires, auxquelles il faut ajouter une heure au regard des attestations des élèves ce qui aboutit à 15h30.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- loi du 29 juillet 1961 de finances rectificative pour 1961 ;
- le décret n° 91-857 du 2 septembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mauny,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lecourt, pour la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui est professeur d'enseignement artistique au conservatoire à rayonnement départemental de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 7 mai 2018 par laquelle le président de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise l'a informé qu'il avait procédé sur le traitement d'avril 2018 à une retenue au titre du service non fait pour le mois de mars 2018, à raison de 5h30 de cours non assurés. Ce faisant, il doit être regardé comme ayant également demandé l'annulation de la mesure de retenue dont il a été informé de la mise en œuvre le 7 mai 2018. Par un jugement du 2 mars 2020, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 7 mai 2018 en tant qu'elle procédait à une retenue à raison d'un service non fait sur le fondement d'une durée hebdomadaire de travail de 10 heures et 30 minutes et non de 12 heures et 10 minutes et a enjoint à la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise de régulariser la situation de M. A... dans un délai de 3 mois. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, celle du rapporteur et celle du greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement notifiée au requérant ne comporte pas la signature des magistrats qui l'ont rendu et du greffier est sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier, faute d'avoir été signé, ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes, d'une part, de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) ". Par ailleurs, l'article 4 de la loi du 29 juillet 1961 de finances rectificative pour 1961 précise que : " (...) L'absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappée d'indivisibilité en vertu de la réglementation prévue à l'alinéa précédent. / Il n'y a pas service fait : / 1°) Lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de services (...) ". Le droit de tout agent à percevoir son traitement ne pouvant cesser que si l'absence d'accomplissement de son service résulte de son propre fait, il appartient en conséquence au juge de rechercher si l'absence de service fait par un agent ne résulte pas de la méconnaissance, par l'administration, de l'obligation qui est la sienne de placer ses agents dans une situation régulière.
4. Aux termes, d'autre part, de l'article 2 du décret n° 91-857 du 2 septembre 1991 : " Les professeurs d'enseignement artistique exercent leurs fonctions, selon les formations qu'ils ont reçues, dans les spécialités suivantes : 1° Musique ; 2° Danse ; 3° Art dramatique ; 4° Arts plastiques. Les spécialités Musique, Danse et arts plastiques comprennent différentes disciplines. Pour les spécialités Musique, Danse et Art dramatique, ils exercent leurs fonctions dans les conservatoires à rayonnement régional, départemental, communal ou intercommunal classés par l'Etat. (...) Les professeurs d'enseignement artistique assurent un enseignement hebdomadaire de seize heures. (...) ".
5. Il ressort des feuilles de présence produites par M. A... pour la première fois en appel qu'il devait assurer pour le mois de mars 2018 14 heures et 30 minutes de cours à raison de 8 heures le jeudi et de 6 heures et 30 minutes le vendredi. La communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise ne conteste ni l'authenticité ni la portée de ces documents, qu'elle a manifestement elle-même communiqués à M. A..., et ne fait pas non plus valoir que les heures de cours théoriques mentionnées sur ce document ne devraient pas être retenues pour apprécier le service fait par M. A.... Il suit de là que M. A... est fondé à se prévaloir d'un enseignement hebdomadaire d'une durée de 14 heures et 30 minutes. Par ailleurs, si M. A... se prévaut des horaires mentionnés dans les attestations établies par certains de ses élèves pour soutenir qu'il effectuait un service d'une durée hebdomadaire de 15 heures et 30 minutes car ses cours se finissaient plus tard que l'horaire théorique, lesdites attestations, qui étaient les seuls documents à la disposition des premiers juges pour apprécier le nombre d'heures de cours assurées par le requérant, ne sauraient toutefois suffire à contredire les horaires mentionnés dans les feuilles de présence produites en appel et donc à retenir une durée supplémentaire d'une heure, dès lors qu'elles ont été établies pour les besoins de la cause plusieurs mois après les faits en litige et ne comportent pas de relevé détaillé des heures de fin de chaque cours, notamment pour le mois de mars 2018. M. A... ne peut donc se prévaloir que d'un service fait de 14 heures et 30 minutes.
6. Enfin, si M. A... soutient que l'administration ne justifie pas qu'elle ne l'a pas placé dans une situation régulière faute de produire des documents le mettant en demeure d'accomplir les 16heures de cours prévues à l'article 2 du décret n° 91-857 du 2 septembre 1991 précité, il ne conteste pas les termes de la note interne du 22 mars 2017 faisant état des rappels qui lui ont été adressés, de l'envoi de différents courriels et enfin d'un refus de M. A... des propositions pour atteindre un temps de travail de 16 heures par semaine. Il ne ressort donc pas des pièces du dossier que M. A... aurait été placé et maintenu dans une situation irrégulière par son employeur, lequel n'était pas tenu d'adresser des mises en demeure à son agent pour satisfaire à ses obligations.
7. Il suit de là que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision du 7 mai 2018 était illégale en tant qu'elle avait retenu un service fait à hauteur de 12 heures et 10 minutes et non de 14 heures et 30 minutes, et à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Versailles dans cette mesure.
Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
9. Le présent arrêt, qui annule partiellement la première décision de la communauté urbaine informant son agent de la mise en œuvre d'une retenue pour service non fait et cette mesure de retenue, implique nécessairement que la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise restitue à M. A... les sommes indument retenues. Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à cette régularisation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise la somme demandée par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la communauté urbaine présentées sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La décision de procéder à une retenue sur le traitement d'avril 2018 de M. A... et la décision du 7 mai 2018 l'informant de cette mesure sont annulées en tant qu'elles retiennent une durée de service non fait supérieure à 1 heure et 30 minutes.
Article 2 : Il est enjoint à la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise de régulariser la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Les conclusions présentées par la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 20VE01226 2