Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mars 2015, la COMMUNE DE BOBIGNY, représentée par Me Peru, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande indemnitaire de l'Association des projets de bienfaisance islamiques en France ;
3° de mettre à la charge de l'association des projets de bienfaisance islamiques en France le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de préemption prise par le maire est suffisamment motivée ;
- cette décision s'inscrit dans le projet de rénovation urbaine du centre-ville que le conseil municipal a approuvé par délibération du 18 octobre 2007 et fait référence au programme local de l'habitat approuvé par une délibération du conseil municipal du 9 décembre 2004 ;
- la requête de l'association ne comportant que des moyens de légalité externe dans le délai de recours, elle ne pouvait présenter des moyens de légalité interne postérieurement ;
- la circonstance que le droit de préemption n'ait pas été exercé lors d'une première adjudication est sans incidence sur la légalité de la décision de préemption en cause ;
- la décision attaquée a été signée ;
- l'avis du service des domaines a été demandé par la commune et rendu le
4 novembre 2013 ; la procédure est ainsi régulière ;
- la décision de préemption n'a pas méconnu les dispositions de l'article
R. 213-15 du code de l'urbanisme, la décision du 13 novembre 2013 a été notifiée au greffe du service des saisies immobilières du Tribunal de grande instance de Bobigny.
........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la COMMUNE DE BOBIGNY et de
Me B...pour l'Association des projets de bienfaisance islamiques en France.
1. Considérant que par jugement du Tribunal de grande instance de Bobigny en date du 15 octobre 2013, l'Association des projets de bienfaisance islamiques en France a été déclarée adjudicataire des lots n°s 9019 à 9030, situés 123 rue Carnot - 10 rue Hector Berlioz, pour un montant de 377 000 euros ; que, par une décision du 13 novembre 2013, notifiée au tribunal de grande instance le 14 novembre 2014 par voie d'huissier, le maire de Bobigny a décidé de préempter lesdites parcelles, au même prix ; que cette décision du maire a été annulée par le Tribunal administratif de Montreuil du 22 janvier 2015 pour insuffisance de motivation ; que la COMMUNE DE BOBIGNY forme appel de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement.(...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le titulaire du droit de préemption urbain peut légalement exercer ce droit, d'une part, s'il justifie, à la date à laquelle il l'exerce, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et, d'autre part, s'il fait apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu'en application du dernier alinéa de l'article L. 210-1 précité, la décision de préemption peut se référer aux dispositions de délibérations relatives notamment au programme local de l'habitat, à une zone d'aménagement concerté ou à un projet de rénovation urbaine par lesquelles une commune a défini les conditions d'intervention et d'aménagement aux fins d'améliorer le tissu urbain si celles-ci permettent d'identifier la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement poursuivie ;
3. Considérant que, se fondant sur ces dispositions, la COMMUNE DE BOBIGNY soutient que la motivation de la décision attaquée était suffisante dès lors qu'elle fait apparaître la nature du projet envisagé et doit aussi être regardée comme étant légalement motivée par référence ; que, toutefois, la décision attaquée qui se borne à mentionner qu'il convient " d'exercer le droit de préemption dans le cadre de la transformation urbaine du centre ville et la construction de programmes de logements et de commerces " et de prendre en compte " la transformation, la destination et l'occupation des biens situés sur la dalle Hector Berlioz ", ne fait pas, par ces mentions générales, apparaître la nature du projet d'aménagement envisagé par la collectivité ;
4. Considérant, par ailleurs, que si cette décision comporte dans ses visas la référence au programme local de l'habitat approuvé par une délibération du conseil municipal du
9 décembre 2004, à la zone d'aménagement concerté approuvée par délibération du conseil municipal du 11 décembre 2003 et au projet de rénovation urbaine du centre-ville approuvé par délibération du conseil municipal du 18 octobre 2007, la COMMUNE DE BOBIGNY, qui au demeurant n'a pas produit ces délibérations, s'est abstenue d'indiquer en quoi l'exercice du droit de préemption des lots n°s 9019 à 9030, situés 123 rue Carnot - 10 rue Hector Berlioz s'inscrivait dans un projet d'aménagement prévu par ces différents programmes, ce qui aurait permis de définir la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement envisagée ;
5. Considérant qu'il suit de là que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ; que la COMMUNE DE BOBIGNY n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a, par le jugement du 22 janvier 2015, annulé sa décision du
13 novembre 2013 ;
Sur les conclusions indemnitaires :
6. Considérant que si l'Association des projets de bienfaisance islamiques en France demande, par la voie d'un appel incident, la réparation du préjudice qu'elle aurait subi, elle n'apporte pas plus en appel qu'en première instance, d'éléments de nature à établir qu'elle aurait engagé des dépenses pour son projet de création d'un établissement scolaire dans les locaux préemptés ; qu'elle n'établit pas davantage le manque à gagner qu'elle invoque en se bornant à produire un " business plan " relatif au fonctionnement futur de l'établissement en question ; que, par suite, ses conclusions à fin d'indemnisation ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Association des projets de bienfaisance islamiques en France, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à la COMMUNE DE BOBIGNY ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de cette commune une somme de
2 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE BOBIGNY est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE BOBIGNY versera la somme de 2 000 euros à l'Association des projets de bienfaisance islamiques en France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Association des projets de bienfaisance islamiques
en France est rejeté.
2
N° 15VE00893