Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 11 juin 2015 et 11 avril 2016, la société LA REDOUTE, représentée par Me Lautré-Goasguen, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge de ces droits ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ces prétendus cadeaux, qui sont mentionnés sur les bons de commande et sur les factures, présentent pour elle un caractère obligatoire et font partie du contrat la liant à ses clients ;
- c'est une pratique imposée dans le secteur très concurrentiel de la vente à distance ;
- la formation des prix des articles au catalogue intègre le prix de revient de ces cadeaux ;
- ils s'analysent comme une vente avec primes ;
- les rappels sont contraires aux instructions fiscales 3 D-15 (nos 26 et 27) et 3 D-1535 (n° 40), dans leur version du 2 novembre 1996, et à la réponse ministérielle n° 4531 du 28 mai 1987 à M.A..., sénateur.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Soyez,
- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société LA REDOUTE relève appel du jugement n° 1406327 du 13 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, au motif qu'elle avait indûment déduit les droits de taxe grevant les cadeaux d'une valeur supérieure à un montant de 60 euros qu'elle avait remis à des clients passant commande ou parrainant des clients potentiels.
Sur l'application de la loi :
2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) ". Aux termes de l'article 238 de l'annexe II à ce code, dont les prévisions ont été reprises à compter du 1er janvier 2008 au 3° du 2 du IV de l'article 206 de la même annexe : " N'est pas déductible la taxe ayant grevé : / 1° des biens cédés sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à leur prix normal, notamment à titre de commission, salaire, gratification, rabais, bonification, cadeau, quelle que soit la qualité du bénéficiaire ou la forme de la distribution, sauf quand il s'agit de biens de très faible valeur (...) ". Et aux termes de l'article 28-00 A de l'annexe IV au code général des impôts : " Les biens de très faible valeur (...) s'entendent de ceux dont la valeur unitaire n'excède pas 60 euros toutes taxes comprises par objet et par an pour un même bénéficiaire. ".
3. En premier lieu, en cas de présentation de personnes susceptibles de devenir à leur tour des clients, la société LA REDOUTE remettait à ses clients un cadeau dont la valeur pouvait dépasser 60 euros. Alors même que les personnes ainsi présentées ne passaient pas ultérieurement commande, le parrainage de clients potentiels constituait à lui seul une prestation de services et concourait donc à la réalisation des opérations taxables de la société requérante. Toutefois, il résulte du supplément d'instruction ordonné par l'arrêt avant-dire droit du 1er mars 2018, et il n'est pas contesté, que l'administration, qui n'a contrôlé, au cours de la vérification de comptabilité, que les transactions ayant donné lieu à la fois à remise de cadeaux et à factures de vente, n'a pas rappelé de droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre des articles promotionnels remis à des clients en cas de parrainage.
4. En deuxième lieu, il est constant que la société LA REDOUTE remettait à des clients qui passaient commande des cadeaux d'une valeur unitaire supérieure à la somme déjà mentionnée. Si la société requérante soutient, en réponse à l'arrêt avant-dire droit, que le coût de ces cadeaux était pris en compte dans la formation des prix de vente des produits du catalogue et qu'ainsi ces articles promotionnels ne pouvaient être regardés comme cédés sans rémunération, elle n'assortit ses allégations d'aucune précision sur le prix de revient de ces articles, ni d'aucune indication relative aux modalités de prise en compte de ces cadeaux dans la formation du prix des articles. En particulier, en se bornant à exposer que ces articles promotionnels pouvaient aussi bien être remis lors d'un premier achat que lors d'achats ultérieurs, en s'abstenant d'indiquer le pourcentage des cas de conservation par le client d'articles promotionnels après retour de la commande, elle ne met pas davantage la Cour en mesure de déterminer le lien allégué entre la remise de ces " cadeaux " et les ventes effectuées.
5. En troisième lieu, si la société LA REDOUTE fait valoir que ces articles promotionnels s'analysent comme des réductions de prix en nature, selon un modèle de vente avec prime, elle ne spécifie pas, au cours des années en litige, le montant ou le volume d'achats à partir duquel le client pouvait recevoir un cadeau.
6. En quatrième lieu, en se bornant à soutenir que, dans le secteur très concurrentiel de la vente par correspondance, la remise d'articles promotionnels est une pratique obligatoire de facto, elle ne met pas davantage la Cour en mesure d'apprécier le lien entre la remise d'articles promotionnels au cours des périodes en litige et les ventes réalisées.
Sur l'interprétation de la loi :
7. La société LA REDOUTE ne peut, d'une part, se prévaloir contre les impositions en litige, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes 26 et 27 de la documentation administrative de base 3 D-1535 du 2 novembre 1996 selon lesquels une opération doit être réputée à titre gratuit lorsqu'aucune contrepartie financière ou en nature n'est prévue, dès lors que, précisément, comme il a été dit plus haut, elle ne justifie d'aucune contrepartie à la remise d'articles promotionnels aux clients, et invoquer, d'autre part, le bénéfice du paragraphe 40 de la documentation administrative de base 3D-1535, dans sa version du 2 novembre 1996, et de la réponse ministérielle n° 4531 à M. A..., sénateur, parue au Journal officiel du 28 mai 1987, selon lesquels ne sont pas réputés des cadeaux imposables les articles, identiques ou pas aux articles achetés, remis gratuitement aux clients à partir d'un certain montant d'achats. Toutefois et en tout état de cause, la requérante n'a pas répondu aux questions posées par l'arrêt avant-dire droit du 1er mars 2018 sur la part et le montant de ses transactions donnant lieu à remise d'articles au-delà d'un certain montant de commande. Ainsi, elle ne saurait obtenir la réduction de ses impositions sur le fondement de la doctrine fiscale.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société LA REDOUTE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société LA REDOUTE est rejetée.
N° 15VE01836 2