Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 décembre 2018 et le 21 juin 2019, la SCI MVD, représenté par Me Naim, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière en ce que l'administration n'a pas respecté les obligations de communication lui incombant en application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- c'est à tort que l'administration fiscale a rejeté la déductibilité de la TVA afférente à une partie des dépenses de construction de l'ensemble immobilier construit par elle au 230 bis rue Paul et Camille Thomoux à Neuilly-sur-Marne.
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Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Illouz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société MVD, qui a pour activité l'acquisition, la propriété, la mise en valeur, la transformation, la construction, l'aménagement, l'administration et la location de tous biens et droits immobiliers, a acquis en 2007 un terrain à bâtir à usage industriel sis à Neuilly-sur-Marne, sur lequel elle a édifié un ensemble immobilier comprenant un bâtiment à usage d'entrepôt et de bureaux avec un logement de fonction. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 à raison notamment de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), au terme de laquelle l'administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification, le 21 décembre 2012, portant sur des rappels de TVA au titre de cette période. A la suite des observations exprimées par cette société le 15 février 2013, l'administration a initialement maintenu cette rectification le 21 mars 2013, puis a, sur avis de la commission départementale des impôts directs, dégrevé le rappel de TVA portant sur la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2010. Par une décision du 19 juillet 2017, le directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis a prononcé le dégrèvement de l'amende fiscale infligée à la société MVD au titre de l'exercice clos en 2010. La société MVD a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la décharge du supplément de TVA, en droits, intérêts de retard et pénalités, auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009, ainsi que de l'amende fiscale qui lui a été infligée au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2010. Par jugement n° 1708476 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande. La SCI MVD fait appel de ce jugement.
Sur l'étendue du litige :
2. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a accordé le dégrèvement des rappels de TVA portant sur la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2010 afférents à la livraison à soi-même d'une mezzanine. Les conclusions de la société MVD tendant à la décharge de ces rappels de TVA et de l'amende afférente sont par suite dépourvues d'objet et doivent donc être rejetées.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande.". La société requérante fait grief à l'administration fiscale de ne pas avoir répondu à ses demandes, formulées dans son courrier du 15 février 2013, tendant à la transmission de la totalité des documents échangés avec le contribuable, notamment en cours de contrôle, ainsi que de ceux obtenus par l'exercice du droit de communication. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'étaient annexées à la réponse aux observations du contribuable, intervenue le 21 mars 2013, la demande d'information adressée à M. et Mme B... le 12 octobre 2012 et leur réponse du 8 novembre 2012. Par ailleurs, les autres documents sollicités n'ayant pas été obtenus auprès de tiers n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.
Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :
4. Aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa version applicable à l'imposition en litige : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. (...) 1. Sont notamment visés : (...) c) Les livraisons à soi-même d'immeubles. (...) Toutefois, la livraison à soi-même d'immeubles affectés ou destinés à être affectés à l'habitation pour les trois quarts au moins de leur superficie totale (...) n'est imposée que (dans des cas exhaustivement énumérés). / 8° Les opérations suivantes assimilées, selon le cas, à des livraisons de biens ou des prestations de services effectuées à titre onéreux : / a) Le prélèvement par un assujetti d'un bien de son entreprise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou qu'il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu'il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) / b) L'affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d'un bien (...) construit (...) ; c) L'affectation d'un bien par un assujetti à un secteur d'activité exonéré n'ouvrant pas droit à déduction, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée lors de son acquisition ou de son affectation conformément au b ; (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". L'article 206 de cette même annexe dispose : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / II. - Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. / III.-1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : (...). IV.-1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) 2° Lorsque le bien ou le service est relatif à la fourniture à titre gratuit du logement des dirigeants ou du personnel de l'entreprise, à l'exception de celui du personnel de gardiennage, de sécurité ou de surveillance sur les chantiers ou dans les locaux de l'entreprise (...) ".
5. La SCI MVD a opté pour l'assujettissement de ses loyers à la TVA. Elle a déduit l'intégralité de la TVA afférente à la construction de l'ensemble immobilier situé à
Neuilly-sur-Marne, qu'elle a déclaré comme loué dans son intégralité à la SARL CN Europe pendant l'année 2009. Le vérificateur ayant relevé de graves discordances entre, d'une part, la consistance et l'affectation des locaux décrites par le permis de construire, ainsi que les plans de l'immeuble produits par le contribuable et, d'autre part, les constatations qu'il a effectuées sur place. Ces discordances portant notamment sur la transformation des vestiaires et bureaux du premier étage en cinq logements d'habitation et l'occupation du logement de fonction par un tiers non salarié de l'entreprise, l'administration fiscale a estimé que seul 61,3 % de la surface totale de l'immeuble était effectivement affecté à un usage professionnel et, qu'en revanche, le reliquat échappait au champ de la TVA déductible en application du c du 1 du 7° de l'article 257 du code général des impôts. La société requérante conteste cette qualification.
En ce qui concerne l'usage auquel étaient affectés les locaux du premier étage :
6. Si la société requérante soutient que l'immeuble était loué à la société CN Europe qui ne l'a pas informée des transformations mentionnées au point 5, il résulte de l'instruction, d'une part, que le bail commercial qui liait ces deux sociétés portait sur un usage strictement professionnel des locaux et, d'autre part, que les deux sociétés ont la même gérante, à savoir Mme C..., associée à 50 % dans la première de ces sociétés, et un même associé, son époux M. C..., associé à hauteur de 50 % dans la première de ces sociétés et de 60 % dans la seconde. Ainsi, la société MVD ne pouvait ignorer l'usage que la société CN Europe faisait desdits locaux.
7. Pour constater que les cinq bureaux du premier étage de l'immeuble avaient été affectés à un usage d'habitation, le vérificateur s'est fondé sur un faisceau d'indices relevés par l'observation desdits locaux depuis le palier, faute d'avoir pu y accéder, à savoir la numérotation des portes, lesquelles étaient verrouillées, y compris celles censées donner accès aux bureaux et vestiaires, la présence d'un paillasson sur le seuil du local n°1, la présence de deux ballons d'eau chaude dans un des deux placards du couloir desservant les locaux, les pleurs d'un nourrisson audibles derrière la porte du local n°4, le stationnement d'une poussette bébé au pied de l'escalier menant au premier étage et la sortie de l'occupant du local n°5 qui a permis au vérificateur d'y apercevoir un logement d'habitation. Le vérificateur s'est également fondé sur les déclarations contradictoires de M. C..., associé de la société MVD, qui a d'abord prétendu que ces locaux servaient d'entrepôt de matériel à la société CN Europe, puis a admis que ces cinq locaux hébergeaient des " proches ". Par ailleurs, compte tenu des liens étroits unissant ces deux sociétés, la SCI MVD ne peut reprocher à l'administration l'absence d'exhaustivité des éléments recueillis, alors que l'accès aux locaux du premier étage a été empêché par M. C... qui a prétendu ne pas être en possession des clés de ces locaux.
8. Le faisceau d'indices ainsi relevés par l'administration fiscale est suffisamment probant pour regarder les locaux en litige comme affectés à un usage d'habitation. La SCI MVD ne pouvant justifier d'aucune déclaration de changement d'affectation de ces locaux postérieure à l'année en litige, l'administration était fondée à considérer que cette affectation à usage d'habitation existait dès 2009.
En ce qui concerne l'usage auquel était affecté le logement de fonction :
9. Le vérificateur a constaté que le logement de fonction était occupé par un tiers qui n'était pas salarié de la société CN Europe. Bien que la société MVD ait affirmé au cours de la vérification que ce tiers était logé en qualité de gardien de l'ensemble immobilier, elle n'a été en mesure de fournir aucun contrat en ce sens. Dans ses écritures d'appel, la SCI MVD, qui se borne à soutenir que ledit logement n'était affecté à aucun usage en particulier et qu'elle n'était nullement tenue de le louer conformément à son objet social, admet ainsi que ce logement n'était pas affecté aux besoins de ses opérations taxables. L'administration est donc fondée à estimer qu'au cours de l'année d'imposition en litige le logement de fonction n'avait pas été affecté aux besoins de l'exploitation de la société, laquelle devait être regardée comme s'en étant réservée la jouissance, peu important qu'elle l'ait ou non occupé personnellement, et que, par conséquent, il ne pouvait donner lieu à déduction de la TVA, conformément aux dispositions des articles 205 et 206 de l'annexe II au code général des impôts précitées.
10. Il résulte des constatations opérées aux points 6 à 9 que les locaux qui y sont mentionnés échappent au champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée déductible conformément aux dispositions précitées de l'article 257 du code général des impôts. L'administration fiscale a pu ainsi à bon droit réintégrer la TVA déduite par l'entreprise à raison de ces locaux au titre de l'année d'imposition en litige.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI MVD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de SCI MVD est rejetée.
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N° 18VE04214