Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 mai 2018, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M.C....
Il soutient que :
- le magistrat désigné a retenu, à tort, que M. C...était régulièrement entré sur le territoire français en possession d'un passeport muni d'un visa régulier ;
- son arrêté est suffisamment motivé ;
- il a été signé par une personne ayant reçu délégation à cet effet.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 767/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 concernant le système d'information sur les visas (VIS) et l'échange de données entre les États membres sur les visas de court séjour (règlement VIS) ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Tronel, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS relève appel du jugement du 16 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 11 avril 2018 faisant obligation à M. C...de quitter le territoire français sans délai, prononçant à son encontre une interdiction de retour de deux ans et fixant le pays de destination.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) / II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) / III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) ".
3. D'autre part, l'article R. 611-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorise la création, sur le fondement de l'article L. 611-6 du même code, d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Visabio, relevant du ministère des affaires étrangères et du ministère chargé de l'immigration, ayant pour finalité, notamment, de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, en prévenant les fraudes documentaires et les usurpations d'identité et visant, entre autres objectifs, à faciliter l'identification des étrangers en situation irrégulière en vue de leur éloignement. Cette application permet elle-même de consulter le système d'information sur les visas (VIS) européen, qui, avec la même finalité que Visabio, enregistre les empreintes de tous les demandeurs de visas adressées à tous les Etats membres de l'Union européenne conformément aux dispositions du règlement (CE) n° 767/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008.
4. Il ressort des pièces du dossier que M.C..., ressortissant de la République démocratique du Congo, est entré en France le 25 mars 2018 à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle par un vol en provenance d'Athènes. Lors du contrôle effectué par les services de la police aux frontières, M. C...a présenté un passeport muni d'un visa Schengen long séjour de type D délivré le 16 mars 2018 à Kinshasa par le consulat de Grèce et valable jusqu'au 17 mars 2019. Si le rapport de contrôle indique qu'après examen approfondi, ce document ne présentait aucun élément de contrefaçon ou de falsification, il précise également que M.C..., après prise de ses empreintes digitales, n'était pas recensé dans le fichier Visabio. Selon les propres dires de M. C...devant le juge de première instance, l'objet de ce visa est de lui permettre de poursuivre des études en informatique à Athènes, où il séjournerait. Cependant, il ne produit aucun élément corroborant ses allégations, ni devant le tribunal, ni au cours de son audition par les services de police, où il a indiqué successivement qu'il désirait rejoindre sa tante résidant en France sans toutefois connaître l'adresse de son domicile, qu'il souhaitait s'installer durablement en France pour y travailler, pour enfin, déposer une demande d'asile. L'absence de référencement de la demande de visa de M. C...dans le fichier Visabio et l'impossibilité de vérifier, au regard des explications confuses de l'intéressé, la cohérence entre l'objet du visa figurant sur son passeport et sa situation personnelle, permet de tenir pour établi que ce visa a été obtenu de manière frauduleuse. Par suite, le préfet a pu regarder le passeport de M. C...comme dépourvu d'un visa authentique. Ainsi, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur l'erreur de fait commise par le préfet sur l'authenticité du visa de M. C...pour annuler l'arrêté contesté.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le Tribunal administratif de Versailles.
Sur les autres moyens invoqués par M.C... :
En ce qui concerne la légalité externe :
6. En premier lieu, par un arrêté n° 18-0110 du 12 janvier 2018, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture du même jour, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a donné délégation à MmeB..., cheffe du bureau de l'asile, pour signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire national. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence dont serait entaché l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.
7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est, par suite, suffisamment motivé.
En ce qui concerne la légalité interne :
8. En premier lieu, les conditions dans lesquelles M. C...a été placé en zone d'attente lors de son arrivé à l'aéroport Paris-Charles de Gaulle, puis en garde à vue à la suite de ses refus d'embarquer à destination d'Athènes, puis en rétention administrative, sont sans incidence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire sans délai et de l'interdiction de retour sur le territoire français dont a fait l'objet l'intéressé. Le moyen tiré de ce que ces décisions de placement en zone d'attente, en garde à vue et en rétention administrative sont irrégulières doit, par suite, être écarté comme inopérant.
9. En deuxième lieu, un étranger, tant qu'il n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français et reste maintenu dans une zone d'attente, ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement et notamment d'une obligation de quitter le territoire français. Cependant le placement en garde à vue de cet étranger, en application de l'article 62-2 du code de procédure pénale, résultant de faits commis pendant le temps où il était maintenu en zone d'attente, a pour effet de mettre fin à son maintien dans cette zone. En raison de ce changement de situation, il entre sur le territoire français. La circonstance que l'étranger a cessé d'être maintenu en zone d'attente pour les besoins de la procédure judiciaire engagée à la suite de son refus d'embarquement n'a pas pour effet de régulariser les conditions de son entrée sur le territoire français. Il suit de là que cet étranger, qui ne peut justifier d'une entrée régulière sur le territoire, peut être, pour ce motif, obligé de quitter le territoire français en application du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. M. C...a été placé en garde à vue le 11 avril 2018 à 12 heures 15, après avoir refusé d'embarquer sur un vol à destination d'Athènes. Il n'était donc plus en zone d'attente et il était entré sur le territoire français quand le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS lui a fait obligation de quitter le territoire par arrêté du même jour notifié à l'intéressé à 20 heures 04. Il avait fait l'objet d'un refus d'entrée auquel il cherchait à se soustraire et il ne pouvait se prévaloir d'aucun droit au séjour. Son entrée était donc irrégulière. Par suite, le moyen tiré de ce que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS aurait commis une erreur de droit en prenant à son encontre, sur le fondement du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C...a, à deux reprises, refusé d'embarquer à destination d'Athènes au motif qu'il souhaitait demeurer en France et ne voulait pas retourner à Kinshasa. Il s'est ainsi soustrait à une mesure d'éloignement au sens du d) du II de l'article L. 511-1. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que le préfet a pu prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une mesure d'interdiction de retour.
12. En quatrième lieu, si M. C...fait valoir que le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation, il n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé.
13. En cinquième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été exposé au point 4 qu'en constatant que le passeport de M. C...n'était pas muni d'un visa authentique, le préfet n'a pas commis de détournement de procédure ou de pouvoir.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 11 avril 2018.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles n° 1802623 du 16 avril 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.
N° 18VE01880 2