Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme C... D..., maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. A... B..., rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 septembre 2021, présentée par le ministre de l'intérieur ;
1. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué : " Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : (...) 6° qui soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; / 7° qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger ". L'association Barakacity demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 octobre 2020 qui, sur le fondement de ces dispositions, a prononcé sa dissolution.
Sur les conclusions du ministre de l'intérieur tendant à ce que soit donné acte du désistement de l'association :
2. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. / Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté ". Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la notification de l'ordonnance du 25 novembre 2020 par laquelle le juge des référés du Conseil d'Etat a rejeté la requête de l'association tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du même code, à la suspension de l'exécution du décret du 29 octobre 2020 qui a prononcé sa dissolution, l'association a, par un courrier reçu le 25 décembre 2020, confirmé le maintien de sa requête à fin d'annulation de ce même décret. Par suite, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander qu'il soit donné acte du désistement de l'association.
Sur les conclusions de l'association tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret prononçant sa dissolution :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'un délai de cinq jours a été initialement donné à l'association, informée le 20 octobre 2020 du projet de dissolution, pour présenter ses observations, que celle-ci a produit des observations écrites le 23 octobre et qu'elle a bénéficié d'un report du délai initial pour présenter des observations orales, ce qu'elle a fait par l'intermédiaire de ses conseils le 26 octobre, préalablement à la délibération du décret contesté en conseil des ministres le 28 octobre 2020. L'association requérante a ainsi disposé, dans les circonstances de l'espèce, d'un délai suffisant pour présenter utilement ses observations, aucun texte ni aucun principe n'obligeant l'auteur du décret attaqué à y répondre. Par ailleurs, dès lors que l'association dispose encore, malgré sa dissolution administrative, de la capacité juridique pour contester celle-ci devant le juge administratif, le moyen tiré de ce que le décret attaqué porterait atteinte au droit à un recours effectif ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il est fondé. Le moyen tiré de ce qu'il serait entaché d'une insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'entre 2017 et 2019, de nombreuses publications de l'association Barakacity sur les réseaux sociaux, comportant des propos particulièrement polémiques sur des événements de l'actualité nationale et internationale, en particulier au Proche-Orient, ont suscité des commentaires ouvertement antisémites, incitant à la violence et au meurtre voire y appelant parfois directement, ou des propos faisant l'apologie de crimes contre l'humanité, alors que l'association se borne à produire de rares et anciennes mises en garde aux internautes et ne fait état d'aucune action récente visant à la suppression des commentaires auxquels ses publications ont donné lieu. D'autre part, de nombreuses publications de M.X... , président de l'association, sur ses comptes personnels, tels qu'un appel à un châtiment divin des victimes de l'attentat contre le journal " Charlie Hebdo " le 3 septembre 2020 ou l'exposition à la vindicte publique de personnes nommément désignées, à raison de leur soutien à ce journal ou de leurs prises de position à l'égard du fondamentalisme, au cours du mois de septembre 2020, sont, en tant que telles, constitutives de propos haineux et d'incitation à la haine ou à la violence.
6. Si l'association requérante relève que l'authenticité des copies d'écran produites par le ministre de l'intérieur n'a pas été attestée par constat d'huissier, aucune disposition ne subordonne la prise en compte des documents produits à ce mode de constatation. Pour le surplus, par ses écritures devant le Conseil d'Etat, l'association ne conteste pas réellement la matérialité des faits relevés au point 5. Sont, par ailleurs, inapplicables en l'espèce les dispositions législatives relatives à la responsabilité pénale des directeurs de publication.
7. Eu égard à l'imbrication en l'espèce très étroite des prises de position de l'association et de celles de son président, qui est responsable de la communication de l'association, apparaît comme son seul représentant et est la seule personne à s'exprimer au nom de cette dernière, l'association n'est pas fondée à soutenir que le décret ne pouvait se fonder sur des faits qui n'auraient été imputables qu'au président de l'association et non à l'association elle-même.
8. Il résulte de ce qui précède que doivent être écartés les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur de fait dont serait entaché le décret attaqué, en ce qu'il prononce la dissolution de l'association sur le fondement du 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure au motif que les agissements de l'association étaient de nature à provoquer à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une religion ou à propager des idées ou théories tendant à les justifier ou les encourager. Il s'ensuit que le décret attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'association en prononçant la dissolution contestée sur ce fondement, la circonstance que l'enquête judiciaire pour financement du terrorisme ouverte à l'encontre de l'association ait été classée sans suite étant sans incidence à cet égard. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la méconnaissance du droit à la vie et du principe de fraternité ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.
9. Dès lors qu'il résulte de l'instruction que l'auteur du décret attaqué aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le motif tiré de ce que l'association entrait dans le champ du 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la légalité du second motif de la dissolution, fondé sur le 7° de l'article L. 212-1.
10. Il résulte de ce qui précède que l'association Barakacity n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 octobre 2020 ayant prononcé sa dissolution. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'association Barakacity est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Barakacity et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Premier ministre.