- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au cabinet Colin-Stoclet, avocat des communes de Faa'a et de Punaauia ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. A l'appui du recours qu'elles ont formé contre le décret du 5 février 2020 relatif aux modalités de répartition de la dotation d'équipement des territoires ruraux en Polynésie française, les communes de Faa'a et de Punaauia demandent au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 2334-32 à L. 2334-39 et de l'article L. 2573-54 du code général des collectivités territoriales.
3. L'article L. 2334-32 du code général des collectivités territoriales institue une dotation d'équipement des territoires ruraux " en faveur des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et des communes répondant aux critères indiqués à l'article L. 2334-33 ". L'article L. 2334-33 définit les critères démographiques que doivent remplir les collectivités territoriales pour être éligibles à cette dotation. Sont notamment concernés : " 1° (...) b) Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dans les départements d'outre-mer et le Département de Mayotte qui ne forment pas un ensemble de plus de 150 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave autour d'une ou de plusieurs communes centres de plus de 85 000 habitants et dont la densité de population est supérieure ou égale à 150 habitants au kilomètre carré, en prenant en compte la population issue du dernier recensement. (...) 2° Les communes : / a) Dont la population n'excède pas 2 000 habitants dans les départements de métropole et 3 500 habitants dans les départements d'outre-mer ; / b) Dont la population est supérieure à 2 000 habitants dans les départements de métropole et 3 500 habitants dans les départements d'outre-mer et n'excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d'outre-mer et dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 1,3 fois le potentiel financier moyen par habitant de l'ensemble des communes dont la population est supérieure à 2 000 habitants et n'excède pas 20 000 habitants ". Aux termes de l'article L. 2334-34 : " Les circonscriptions territoriales de Wallis-et-Futuna, les communes ainsi que leurs groupements des collectivités d'outre-mer et de Nouvelle-Calédonie bénéficient d'une quote-part de la dotation d'équipement des territoires ruraux dont le montant est calculé par application au montant total de cette dotation du rapport, majoré de 33 %, existant entre la population de chacune des collectivités et groupements intéressés et la population nationale, telle qu'elle résulte du dernier recensement de population. Le montant de cette quote-part évolue au moins comme la masse totale de la dotation d'équipement des territoires ruraux mise en répartition ". L'article L. 2334-38 précise que " les investissements pour lesquels les communes et leurs groupements à fiscalité propre sont susceptibles de recevoir des subventions de l'Etat dont la liste est fixée par voie réglementaire ne peuvent être subventionnés au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux ". Enfin, l'article L. 2573-54 du même code prévoit que " les articles L. 2334-32, L. 2334-33 et L. 2334-38 sont applicables aux communes de la Polynésie française ".
4. Il résulte des dispositions citées au point précédent, notamment de l'article L. 2573-54, que les articles L. 2334-35 à L. 2334-37 et L. 2334-39 du code général des collectivités territoriales ne sont pas applicables en Polynésie française et ne le sont donc pas au litige.
5. Aux termes de l'article 34 de la Constitution : " (...) La loi détermine les principes fondamentaux : (...) de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ". La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.
6. Les communes requérantes soutiennent qu'en omettant de définir les modalités de versement et de répartition de la dotation d'équipement des territoires ruraux pour les collectivités polynésiennes, le législateur a privé de garanties légales les principes de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales ainsi que le principe d'égalité devant la loi.
7. En premier lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution : " Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ". Aux termes du premier alinéa de l'article 72-2 : " Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi ".
8. Les dispositions citées au point précédent n'interdisent pas au législateur de prévoir que l'État versera à des collectivités territoriales des subventions dans un but déterminé. Dès lors, et en tout état de cause, les dispositions litigieuses ne sauraient méconnaître les articles 72 et 72-2 de la Constitution au seul motif qu'elles ne précisent pas les modalités d'octroi de la dotation d'équipement des territoires ruraux aux communes de Polynésie française et à leurs groupements et ne précisent pas si elle constitue, pour eux, une subvention ou une dotation libre d'emploi.
9. En second lieu, la circonstance que le législateur n'ait pas lui-même déterminé les modalités de répartition de la partie de la dotation destinée aux collectivités territoriales éligibles de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna n'affecte pas par elle-même, en tout état de cause, le principe d'égalité entre ces collectivités. Par suite, le grief tiré de ce que la carence alléguée du législateur porterait atteinte au principe d'égalité ne présente pas un caractère sérieux.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les communes de Faa'a et Punaauia, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les communes de Faa'a et Punaauia.
Article 2 : La présente décision sera notifiée aux communes de Faa'a et de Punaauia, au ministre des outre-mer, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au président de la Polynésie française.
Copie en sera adressée au Premier ministre.