Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juillet 2019, présentée pour la société Biotronik ;
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, aux termes de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale : " Le remboursement par l'assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel (...) est subordonné à leur inscription sur une liste établie après avis d'une commission de la Haute Autorité de santé mentionnée à l'article L. 161-37 (...) ". L'article R. 165-1 du même code prévoit que : " Les produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 ne peuvent être remboursés par l'assurance maladie (...) que s'ils figurent sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la santé après avis de la commission spécialisée de la Haute Autorité de santé mentionnée à l'article L. 165-1 du présent code et dénommée " Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé " (...) ". L'article R 165-4 du même code précise par ailleurs que : " Ne peuvent être inscrits sur la liste prévue à l'article L. 165-1 : (...) / 4° Les dispositifs médicaux à usage individuel qui sont utilisés pour ou pendant la réalisation d'un acte par un professionnel de santé et dont la fonction ne s'exerce pas au-delà de l'intervention du professionnel. / Par exception aux règles énoncées dans le présent article, peuvent être inscrits sur la liste prévue à l'article L. 165-1 les dispositifs médicaux relevant du 4° qui pénètrent partiellement ou entièrement à l'intérieur du corps, soit par un orifice du corps, soit à travers la surface du corps, et qui sont utilisés lors d'actes de prévention, d'investigation ou de soins hospitaliers ". Il résulte du dernier alinéa de cet article, issu du décret du 11 décembre 2015 relatif aux modalités et aux conditions d'inscription de certains produits et prestations sur la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, que les dispositifs médicaux invasifs peuvent désormais être inscrits sur cette liste même lorsqu'ils ne sont pas implantables. En application de ces dispositions, les ministres de l'économie et des finances et des affaires sociales et de la santé ont, par un arrêté du 4 mai 2017, complété la liste des produits et prestations remboursables, qui comprenait un titre III relatif aux dispositifs médicaux implantables, par un titre V dénommé " dispositifs médicaux invasifs non éligibles au titre III ". Enfin, selon l'article R. 165-5-1 du code de la sécurité sociale : " Sont radiés de la liste prévue à l'article L. 165-1, par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la santé : / 1° Les produits et prestations faisant exclusivement appel à des soins pratiqués par des établissements de santé et qui sont pris en charge au titre des prestations d'hospitalisation (...) ".
2. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 162-22-7 du même code : " L'Etat fixe (...) les conditions dans lesquelles certains produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 peuvent faire l'objet d'une prise en charge en sus des prestations d'hospitalisation (...) ". Et aux termes de son article R. 162-38 : " La liste des produits et prestations et les conditions de prise en charge des produits et prestations mentionnés à l'article L. 162-22-7 sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ".
3. Le respect du principe d'égalité devant la loi et les règles de concurrence imposent aux ministres compétents de s'assurer que les différences pouvant exister dans les conditions d'inscription, sur les listes prévues par les articles L. 165-1 et L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, de produits étroitement comparables dans le traitement d'une même pathologie ne soient pas manifestement disproportionnées au regard des motifs susceptibles de les justifier.
4. Il ressort des pièces du dossier que la société Biotronik France a demandé l'inscription du dispositif de ballon actif à libération contrôlée de paclitaxel " Pantera Lux ", avec pour indications le traitement de la première resténose clinique intra-stent nu, de la première resténose clinique intra-stent actif, ainsi que des lésions de novo dans les vaisseaux d'un diamètre au plus égal à 2,75 millimètres, sur la liste des produits et prestations remboursables mentionnée à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale et sur la liste des produits et prestations pris en charge en sus des prestations d'hospitalisation mentionnée à l'article L. 162-22-7 du même code. Il n'est pas contesté que ces dispositifs médicaux invasifs non implantés dans le corps relèvent du dernier alinéa de l'article R. 165-4 du même code et, par conséquent, du nouveau titre V de la liste des produits et prestations remboursables. Par un avis du 27 juin 2017, la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé a estimé que le service attendu de ce dispositif était " insuffisant " dans l'indication de traitement des lésions de novo et que, s'il était " suffisant " pour les deux indications de traitement des resténoses intra-stent, il n'apportait pas d'amélioration du service attendu par rapport à des stents actifs, dispositifs médicaux implantables relevant quant à eux du titre III de la liste des produits et prestations remboursables et déjà inscrits sur la liste des produits et prestations pris en charge en sus des prestations d'hospitalisation. Par une décision du 25 octobre 2017, la ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'action et des comptes publics ont refusé l'inscription du dispositif médical litigieux sur les deux listes précitées en s'appropriant l'appréciation portée par la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé et en en déduisant que le dispositif ne pouvait être inscrit sur la liste prévue par l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale ni, par voie de conséquence, s'agissant de produits utilisés exclusivement en milieu hospitalier, sur la liste prévue à l'article L. 165-1 du même code. La société Biotronik France demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision en tant qu'elle porte sur les deux indications de traitement de la resténose clinique, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
5. Dans son mémoire en défense, la ministre des solidarités et de la santé fait valoir, ainsi que la notice d'information publiée sur le site Internet du ministère le mentionne, que la comparaison directe d'un dispositif médical avec un autre dispositif médical lui-même inscrit sur la liste des produits et prestations pris en charge en sus des prestations d'hospitalisation constitue un élément en faveur de l'inscription sur cette liste, même si l'amélioration du service attendu par rapport à ce comparateur n'est que mineure, voire inexistante. Elle indique toutefois que dans cette dernière hypothèse, lorsque le dispositif médical concerné relève du titre V de la liste des produits et prestations remboursables, l'inscription sur la liste des produits et prestations pris en charge en sus des prestations d'hospitalisation n'est possible qu'à la condition que le comparateur pertinent relève également du titre V de la liste des produits et prestations remboursables.
6. Cependant, si les dispositifs médicaux invasifs relevant du titre V de la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ne sont pas implantables, à la différence de ceux relevant du titre III de cette liste, cette seule différence ne fait pas obstacle par elle-même, au regard de l'objet de l'inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, à ce qu'ils puissent être regardés comme étroitement comparables dans le traitement d'une même pathologie. Par suite, en refusant l'inscription sollicitée du ballon actif " Pantera Lux " sur cette liste, au seul motif que, d'une part, ce dispositif médical n'apportait pas d'amélioration du service attendu par rapport aux stents actifs et, d'autre part, ces comparateurs pertinents, déjà inscrits sur la liste des produits et prestations pris en charge en sus des prestations d'hospitalisation, ne relevaient pas du titre V de la liste des produits et prestations remboursables mais de son titre III, les ministres ont entaché leur décision d'une erreur de droit. La société Biotronik France est donc fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision du 25 octobre 2017 rejetant sa demande d'inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale du dispositif " Pantera Lux " dans les indications de traitement de la resténose clinique et, par voie de conséquence, sa demande d'inscription sur la liste prévue par l'article L. 165-1 du même code, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux.
7. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".
8. L'exécution de la présente décision implique nécessairement, eu égard à ses motifs, le réexamen de la demande de la société requérante. Il y a lieu pour le Conseil d'Etat, d'office, d'ordonner qu'il soit procédé à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Biotronik France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'action et des comptes publics du 25 octobre 2017, en tant qu'elle porte sur les indications de traitement de la resténose clinique, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux de la société Biotronik France, sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint à la ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'action et de comptes publics de réexaminer la demande de la société Biotronik France dans un délai de deux mois.
Article 3 : L'Etat versera à la société Biotronik France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Biotronik France et à la ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics.