1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 62 ;
- le code du travail ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-273 QPC du 21 septembre 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la société Essentiel Formation Entreprises.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite du contrôle administratif et financier de la société Essentiel Formation Entreprises par les services de l'État au titre des activités de formation professionnelle continue réalisées par cet organisme de formation, le préfet de la région Rhône-Alpes a estimé, par décision du 13 janvier 2012 prise sur le recours préalable obligatoire de la société, que la somme de 510 689 euros de dépenses au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010, correspondant au coût de la remise d'un ordinateur portable à chaque stagiaire en fin de formation à la bureautique et à internet, ne pouvait être retenue comme une dépense de formation, et en a ordonné le reversement au Trésor public. Par un jugement du 27 mai 2014, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 13 janvier 2012 en tant qu'elle n'avait pas exclu de l'assiette de calcul de la somme dont le reversement était imposé les formations financées au-delà de l'obligation légale des entreprises clientes. Par un arrêt du 10 janvier 2017, contre lequel la société Essentiel Formation Entreprises se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon, d'une part, sur l'appel du ministre chargé du travail, a annulé dans cette mesure le jugement du tribunal administratif de Lyon et, d'autre part, a rejeté l'appel incident de la société.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 6331-1 du code du travail : " Tout employeur concourt au développement de la formation professionnelle continue en participant, chaque année, au financement des actions mentionnées aux articles L. 6313-1 et L. 6314-1 ", qui, pour le premier, définit les actions de formation entrant dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue et, pour le second, reconnaît le droit à la qualification professionnelle. Aux termes de l'article L. 6361-1 du même code : " L'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur les dépenses de formation exposées par les employeurs au titre de leur obligation de participation au développement de la formation professionnelle continue instituée par l'article L. 6331-1 et sur les actions prévues aux articles L. 6313-1 et L. 6314-1 qu'ils conduisent, financées par l'Etat, les collectivités territoriales, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ou les organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle continue ". Aux termes de l'article L. 6361-2 de ce code : " L'État exerce un contrôle administratif et financier sur : / 1° Les activités en matière de formation professionnelle continue conduites par : / (...) c) Les organismes de formation et leurs sous-traitants ; (...) ". Aux termes de l'article L. 6361-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le contrôle administratif et financier des dépenses et activités de formation porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en oeuvre pour la formation professionnelle continue. / Ce contrôle peut porter sur tout ou partie de l'activité, des actions de formation ou des dépenses de l'organisme ". Aux termes de l'article L. 6362-5 du même code : " Les organismes mentionnés à l'article L. 6361-2 sont tenus, à l'égard des agents de contrôle mentionnés à l'article L. 6361-5 : / 1° De présenter les documents et pièces établissant l'origine des produits et des fonds reçus ainsi que la nature et la réalité des dépenses exposées pour l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle continue ; / 2° De justifier le rattachement et le bien-fondé de ces dépenses à leurs activités ainsi que la conformité de l'utilisation des fonds aux dispositions légales régissant ces activités. / À défaut de remplir ces conditions, les organismes font, pour les dépenses considérées, l'objet de la décision de rejet prévue à l'article L. 6362-10 ". Aux termes de cet article L. 6362-10 : " Les décisions de rejet de dépenses et de versement mentionnées au présent livre prises par l'autorité administrative ne peuvent intervenir, après la notification des résultats du contrôle, que si une procédure contradictoire a été respectée ". Enfin, aux termes de l'article L. 6362-7 du même code : " Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 versent au Trésor public, solidairement avec leurs dirigeants de fait ou de droit, une somme égale au montant des dépenses ayant fait l'objet d'une décision de rejet en application de l'article L. 6362-10 ".
3. Par sa décision n° 2012-273 QPC du 21 septembre 2012 déclarant l'article L. 6362-5 du code du travail conforme à la Constitution, le Conseil constitutionnel a jugé que le contrôle des organismes prestataires d'activités de formation professionnelle continue dont les modalités sont précisées par les dispositions de cet article " est destiné à vérifier que les sommes versées par les personnes publiques en faveur de la formation professionnelle ou par les employeurs au titre de leur obligation de contribuer au financement de la formation professionnelle continue sont affectées à cette seule fin ". Dès lors, l'administration ne pourrait légalement imposer à un organisme de formation le versement au Trésor public de sommes correspondant à des dépenses qui n'auraient pas été financées par des personnes publiques ou des employeurs à ce titre. Par suite, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que la société requérante était tenue de verser au Trésor public l'ensemble des sommes dont elle ne justifiait pas le rattachement et le bien-fondé qui correspondaient à des dépenses engagées par les entreprises en matière de formation professionnelle continue, y compris pour la part de ces dépenses excédant le pourcentage minimal du montant des rémunérations de leurs salariés que celles-ci devaient consacrer au financement d'actions de formation professionnelle continue en vertu des dispositions du code du travail, et notamment de son article L. 6331-9, alors applicables.
4. Il résulte de ce qui précède que la société Essentiel Formation Entreprises est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens de son pourvoi.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 10 janvier 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : L'Etat versera à la société Essentiel Formation Entreprises une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Essentiel Formation Entreprises et à la ministre du travail.