3°) d'enjoindre au titulaire du pouvoir réglementaire compétent d'adopter, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à venir, les mesures générales nécessaires dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, propres à assurer un égal accès à l'ensemble des français aux espaces naturels aménagés et non-aménagés en conformité avec le principe de nécessité et de proportionnalité ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au Gouvernement de prendre toutes mesures utiles afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des personnes privées d'un accès aux espaces verts aménagés et espaces naturels non aménagés ;
5°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les requérants soutiennent que :
- leur requête est recevable dès lors que, d'une part, elle relève de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort et, d'autre part, ils justifient tous d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard au caractère grave, prolongé et immédiat de l'atteinte portée aux libertés fondamentales ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir, au droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la santé, au droit au respect de la vie privée et familiale ainsi qu'à l'intérêt supérieur de l'enfant ;
- les dispositions contestées méconnaissent la liberté d'aller et venir dès lors qu'elles restreignent les déplacements de manière importante, sans que cela n'apparaisse manifestement nécessaire ou proportionné ;
- elles méconnaissent le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé dès lors qu'elles privent des résidents de zones urbaines, périurbaines et rurales, d'accès aux espaces verts de taille suffisante lorsque ceux-là se trouvent à plus d'un kilomètre du domicile, les empêchant de pratiquer une activité physique régulière ;
- elles méconnaissent le droit au respect de la vie privée et familiale dès lors que la privation d'accès aux espaces verts affecte le bien-être de chacun et a un impact sur la santé physique et mentale ;
- elles méconnaissent l'intérêt supérieur de l'enfant dès lors que la privation d'accès aux espaces verts, d'une part, affecte le bien-être et le développement de l'enfant, parfois contraint de vivre dans des logements indignes ou insalubres, et, d'autre part, accroît le risque d'apparition de maladies respiratoires telles que l'asthme ;
- la mesure contestée, en premier lieu, est inadaptée à l'objectif poursuivi dès lors qu'il n'est pas démontré que la fréquentation des espaces verts, aménagés ou non, présente un risque de contamination, en deuxième lieu, est contreproductive dès lors que la limitation des déplacements hors du domicile à une heure quotidienne et dans un rayon d'un kilomètre crée des risques de concentration de personnes dans les espaces verts ou le long de routes à forte circulation, en troisième lieu, elle n'est ni nécessaire, ni proportionnée au but poursuivi dès lors que le quantum de la limitation apparaît arbitraire et ne reposant sur aucun motif légitime, notamment en comparaison du fait que la fréquentation des commerces prévue au 2° du I de l'article 4 du décret du 29 octobre 2020 ne fait pas l'objet d'une limitation du même ordre, et, en dernier lieu, aucun autre pays européen n'impose des restrictions de déplacements pour la pratique de l'activité physique quotidienne individuelle ;
- elle méconnaît le principe d'égalité entre les citoyens dès lors que les personnes résidant à proximité immédiate d'un espace vert d'une taille suffisante pour une promenade ou l'exercice d'une activité physique individuelle sont nettement favorisées par rapport au reste de la population ;
- les mesures demandées sont nécessaires et les seules propres à assurer un égal accès de l'ensemble de la population aux espaces naturels aménagés et non-aménagés en conformité avec le principe de nécessité et de proportionnalité.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 18 novembre 2020, M. X... AT... demande au juge des référés du Conseil d'Etat de ne pas faire droit aux conclusions de l'organisation politique Europe Ecologie Les Verts et des autres requérants. Il soutient qu'il a qualité pour agir et s'associe aux conclusions en défense présentées par le Gouvernement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête. Il soutient que, suite à l'annonce faite par le Président de la République le 24 novembre 2020, une série de mesures entreront en vigueur à compter du 28 novembre 2020, parmi lesquelles, la possibilité d'effectuer des déplacements pour s'aérer étendue à vingt kilomètres autour du domicile et dans une limite de trois heures quotidiennes, ce qui prive la requête de son objet.
La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'environnement ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2020-1454 du 27 novembre 2020 ;
- le décret n°2020-1582 du 14 décembre 2020
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
Sur l'intervention :
2. M. AT... justifie d'un intérêt suffisant au maintien des dispositions contestées. Ainsi son intervention est recevable.
Sur la demande en référé :
3. Europe Ecologie Les Verts et les autres requérants demandent au juge des référés d'ordonner la suspension provisoire des dispositions du 6° de l'article 4 du décret du 29 octobre 2020, aux termes desquelles sont autorisés les " déplacements brefs, dans la limite d'une heure quotidienne et dans un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile, liés soit à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d'autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie ", d'enjoindre au Gouvernement d'abroger ces dispositions et d'enjoindre à tout titulaire du pouvoir réglementaire compétent d'adopter, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à venir, les mesures générales nécessaires dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, propres à assurer un égal accès à l'ensemble des Français aux espaces naturels aménagés et non-aménagés en conformité avec le principe de nécessité et de proportionnalité.
4. Toutefois, postérieurement à l'introduction de la requête, les dispositions dont la suspension est demandée ont été modifiées par un décret n° 2020-1454 du 27 novembre 2020, au terme duquel sont autorisés les " déplacements, sans changement du lieu de résidence, dans la limite de trois heures quotidiennes et dans un rayon maximal de vingt kilomètres autour du domicile, liés aux activités de plein air (...) ". Par la suite, un décret n° 2020-1582 du 14 décembre 2020 a encore modifié l'article 4 du décret du 29 octobre 2020, en substituant à l'interdiction générale de se déplacer en dehors de cas limitativement énumérés une mesure d'interdiction des déplacements entre 20 heures et 6 heures du matin.
5. Par suite, les conclusions aux fins de suspension et d'injonction présentées par Europe Ecologie Les Verts et les autres requérants sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme qu'ils demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de M. AT... est admise.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de suspension et d'injonction présentées par l'organisation politique Europe Ecologie Les Verts et des autres requérants.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'organisation politique Europe Ecologie Les Verts, premier requérant dénommé, à M. X... AT..., ainsi qu'au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Premier ministre.