Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Berne, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société Pâtisserie Pasquier Cerqueux ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société par actions simplifiée (SAS) Pâtisserie Pasquier Cerqueux exploite sur le territoire de la commune des Cerqueux (Maine-et-Loire) un établissement où sont fabriquées des pâtisseries fraîches ou surgelées destinées à la restauration collective ou à la distribution en grandes surfaces. Elle a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises et de taxe supplémentaire pour frais de chambres de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, assises sur la valeur locative de l'établissement, évaluée selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts. Par un jugement du 27 mai 2016, le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit à sa demande. La société Pâtisserie Pasquier Cerqueux s'est pourvue en cassation contre l'arrêt du 15 février 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir prononcé une décharge partielle des impositions restant en litige, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la réduction des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises mises en recouvrement au titre des années 2010, 2011 et 2012. Par une décision du 27 décembre 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions de son pourvoi en tant seulement que cet arrêt a statué sur l'imposition des immobilisations mentionnées à ses points 10, 14 et 18.
Sur le cadre juridique du litige :
2. D'une part, l'article 1380 du code général des impôts dispose : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Selon l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; / 2° Les ouvrages d'art et les voies de communication (...) ". Selon l'article 1382 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1495 de ce code : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes du II de l'article 324 B de l'annexe III au même code : " Pour l'appréciation de la consistance il est tenu compte de tous les travaux équipements ou éléments d'équipement existant au jour de l'évaluation ".
3. Pour apprécier, en application de l'article 1495 du code général des impôts et de l'article 324 B de son annexe III, la consistance des propriétés qui entrent, en vertu de ses articles 1380 et 1381, dans le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est tenu compte, non seulement de tous les éléments d'assiette mentionnés par ces deux derniers articles mais également des biens faisant corps avec eux. Sont toutefois exonérés de cette taxe, en application du 11° de l'article 1382 du même code, ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.
4. D'autre part, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période (...) ".
5. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu du 11° de l'article 1382 du code général des impôts ne sont pas compris dans les bases de la cotisation foncière des entreprises.
Sur l'arrêt attaqué :
6. En premier lieu, pour juger que les immobilisations mentionnées, d'une part, au point 10 des motifs de l'arrêt attaqué, relatives à un " tableau général basse tension ", et, d'autre part, au point 14 des motifs de cet arrêt, regroupées sous l'intitulé " installation électrique générale ", ne constituaient pas des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu du 11° de l'article 1382 du code général des impôts, la cour administrative d'appel a recherché si ces biens pouvaient être regardés comme spécifiquement adaptés au processus industriel mis en oeuvre par l'entreprise. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'il lui appartenait seulement de rechercher s'ils étaient spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts, sans être au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381 du même code, la cour a commis une erreur de droit. La société requérante est fondée, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés sur ces points dans son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il se prononce sur les immobilisations mentionnées aux points 10 et 14 de ses motifs.
7. En second lieu, pour juger que les immobilisations mentionnées au point 18 des motifs de l'arrêt attaqué, regroupées sous l'intitulé " climatisation industrielle ", ne constituaient pas des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu du 11° de l'article 1382 du code général des impôts, la cour administrative d'appel a recherché si ces biens pouvaient être regardés comme matériellement dissociables des immeubles qui en constituaient le support. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'il lui appartenait seulement de rechercher s'ils étaient spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts, sans être au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381 du même code, la cour a commis une erreur de droit. La société requérante est fondée, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé sur ce point dans son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il se prononce sur les immobilisations mentionnées au point 18 de ses motifs.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pâtisserie Pasquier Cerqueux est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur l'imposition à la cotisation foncière des entreprises des immobilisations mentionnées aux points 10, 14 et 18 de ses motifs.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Pâtisserie Pasquier Cerqueux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 15 février 2018 est annulé en tant qu'il se prononce sur l'imposition à la cotisation foncière des entreprises des immobilisations mentionnées aux points 10, 14 et 18 de ses motifs.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera à la société Pâtisserie Pasquier Cerqueux une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SAS Pâtisserie Pasquier Cerqueux et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.