3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2005/60/CE du Parlement européenne et du Conseil du 26 octobre 2005 ;
- la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 ;
- le code monétaire et financier ;
- la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ;
- la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 ;
- l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 ;
- l'ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La fédération de l'horlogerie et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du Premier ministre rejetant leur demande d'abrogation des décrets du 16 juin 2010 et du 24 juin 2015 pris pour l'application de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, relatif à l'interdiction du paiement en espèces de certaines créances, du 4 juin 2014 rendant applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna diverses dispositions relatives aux établissements de monnaie électronique et aux limitations de paiement en espèces, du 30 décembre 2016 relatif au plafonnement du paiement en espèces des opérations de prêts sur gages corporels et des paiements effectués au moyen de monnaie électronique et du 18 avril 2018 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, en tant qu'ils fixent des seuils au-delà desquels les paiements en espèces sont interdits, ou, subsidiairement, le relèvement des seuils fixés par ces décrets.
Sur le cadre juridique du litige :
2. La directive du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, abrogeant et remplaçant la directive du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005, soumet les personnes physiques et morales négociant des biens à titre professionnel à des mesures de vigilance à l'égard de la clientèle lorsque les paiements sont effectués en espèces pour un montant de 10 000 euros au moins, que la transaction soit effectuée en une fois ou en plusieurs opérations qui semblent être liées. L'article 5 de cette directive prévoit que " Les Etats membres peuvent arrêter ou maintenir en vigueur, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes pour prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, dans les limites du droit de l'Union ".
3. Le I de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, prise pour assurer la transposition de la directive du 20 mai 2015 et ratifiée par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dispose que : " Ne peut être effectué en espèces ou au moyen de monnaie électronique le paiement d'une dette supérieure à un montant fixé par décret, tenant compte du lieu du domicile fiscal du débiteur, de la finalité professionnelle ou non de l'opération et de la personne au profit de laquelle le paiement est effectué. "
Sur la légalité des dispositions contestées :
4. Les décrets des 16 juin 2010, 24 juin 2015, 30 décembre 2016 et 18 avril 2018, dont l'abrogation a été formellement demandée, ont, en application des dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, fixé des seuils, codifiés à l'article D. 112-3 du code monétaire et financier, au-delà desquels les paiements en espèces sont interdits. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du refus d'abroger ces décrets et le décret du 4 juin 2014 qui a rendu l'article D. 112-3 applicable dans certaines collectivités d'outre-mer doivent être regardées comme tendant, en réalité, à l'annulation du refus d'abroger les dispositions de l'article D. 112-3 du code monétaire et financier.
5. Aux termes de cet article D. 112-3, dans sa rédaction en vigueur : " I. - Le montant prévu au I de l'article L. 112-6 est fixé : / 1° Lorsque le débiteur a son domicile fiscal sur le territoire de la République française ou agit pour les besoins d'une activité professionnelle, à 1 000 euros pour les paiements effectués en espèces et à 3 000 euros pour les paiements effectués au moyen de monnaie électronique ; / 2° Lorsque le débiteur justifie qu'il n'a pas son domicile fiscal sur le territoire de la République française, n'agit pas pour les besoins d'une activité professionnelle et paie une dette au profit d'une personne qui n'est pas mentionnée à l'article L. 561-2, à 10 000 euros pour les paiements effectués en espèces ou au moyen de monnaie électronique ; / 3° Lorsque le débiteur justifie qu'il n'a pas son domicile fiscal sur le territoire de la République française, n'agit pas pour les besoins d'une activité professionnelle et paie une dette au profit d'une personne mentionnée à l'article L. 561-2, à 15 000 euros pour les paiements effectués en espèces ou au moyen de monnaie électronique. / II. - Le montant mentionné au II bis de l'article L. 112-6 est fixé à 3 000 euros ".
6. En premier lieu, le principe de la fixation par voie réglementaire de seuils au-delà desquels les paiements en espèces sont interdits, en tenant compte du lieu du domicile fiscal du débiteur, de la finalité professionnelle ou non de l'opération et de la personne au profit de laquelle le paiement est effectué, résulte de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, dont il n'est pas soutenu qu'il méconnaisse, par lui-même, la libre circulation des moyens de paiement ou le principe de non-discrimination garantis par les articles 63 et 18 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ou crée une distorsion de concurrence contraire à ce traité.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les montants fixés par l'article D. 112-3 du code monétaire et financier, au-delà desquels les paiements en espèces sont interdits, sont justifiés par l'objectif légitime de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et proportionnés à la réalisation de cet objectif, conformément à ce que permet l'article 5 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015.
8. En troisième lieu, l'article D. 112-3 du code monétaire et financier n'impose pas de règles plus contraignantes aux paiements effectués par des débiteurs n'ayant pas leur domicile fiscal sur le territoire de la République française que par ceux qui ont leur domicile fiscal en France. Il ne saurait donc, en tout état de cause, être regardé comme méconnaissant le principe de non-discrimination posé par l'article 18 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ou introduire une distorsion de concurrence au détriment des entreprises ayant leur siège dans d'autres Etats de l'Union, la circonstance que certains de ces Etats appliquent, dans le cadre de la directive, des règles de vigilance et non d'interdiction étant sans incidence sur ce point.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne, que la fédération de l'horlogerie et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger les dispositions de l'article D. 112-3 du code monétaire et financier, sur la légalité duquel la recevabilité du mémoire en défense présenté par le ministre de l'économie et des finances ne saurait, en tout état de cause, avoir d'incidence.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la fédération de l'horlogerie et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fédération de l'horlogerie, première requérante dénommée, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.