2°) de rejeter la protestation de M. D... devant le tribunal administratif et de valider les opérations électorales ;
3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme H... E..., conseillère d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de M. D... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 février 2021, présentée par M. G....
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue du second tour de scrutin qui s'est déroulé à Crest (Drôme) le 28 juin 2020 pour la désignation des conseillers municipaux et communautaires, la liste " Parce que nous aimons Crest " conduite par M. G..., maire sortant, a obtenu 2120 voix, soit 51,67 % des suffrages exprimés et 22 sièges au conseil municipal ainsi que 15 sièges au conseil communautaire, tandis que la liste " Ensemble réinventons Crest ", conduite par M. D..., a obtenu 1983 voix, soit 48,33 % des suffrages exprimés, et 7 sièges au conseil municipal ainsi que 4 sièges au conseil communautaire.
2. La requête de M. G... est dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 octobre 2020 qui a fait droit à la protestation présentée par M. D... et annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020.
3. Aux termes du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : " A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre. ".
4. Il résulte de l'instruction que la ville de Crest a décidé, en décembre 2019, de faire passer, pour l'année 2020, le montant du budget participatif qu'elle avait créé quelques années auparavant pour soutenir les initiatives locales de 50 000 à 70 000 euros et qu'elle a procédé dès le mois d'avril 2020 au lancement des appels à projets qui avaient habituellement lieu en juin. La commune a par ailleurs mis en place, à l'issue de la période de confinement instituée du 17 mars au 10 mai 2020 pour lutter contre l'épidémie de covid-19, une opération consistant à offrir, dans le cadre d'une tombola, des chèques cadeaux valables auprès des commerçants locaux, pour un montant total de 30 000 euros. A partir du 12 mai, la commune a également organisé plusieurs séances de " ciné-drive ", puis de cinéma en plein air, qui ont réuni à chaque fois plusieurs centaines de personnes et ont toutes été précédées d'une prise de parole du maire.
5. S'il résulte de l'instruction que les interventions du maire avant les séances de cinéma et leur valorisation dans les médias doivent être regardées comme caractérisant une opération de promotion publicitaire des réalisations de la commune, au sens des dispositions précitées de l'article L. 52-1 du code électoral, il n'en va pas de même des actions de communication auxquelles ont donné lieu les deux autres initiatives mentionnées ci-dessus, réalisées par la voie de quelques affiches, d'informations publiées dans le bulletin municipal, de vidéos sur le site internet de la commune et sur sa page Facebook et d'un dossier de presse, eu égard à leur caractère informatif et à leur ampleur, comparable à celle des actions de communication qui accompagnent habituellement les manifestations soutenues ou réalisées par la commune.
6. Par ailleurs, la réalisation et la diffusion de vingt-et-une vidéos sur le site internet de la commune entre le 24 mars et le 29 mai 2020, dans lesquelles le maire sortant faisait le point sur l'évolution de la situation sanitaire, ne peuvent être regardées, compte tenu de leur caractère purement informatif et alors que les relais habituels de l'information municipale tels que la presse municipale et les journaux locaux avaient réduit leur format et leur diffusion pendant la période de confinement et que le contexte exceptionnel résultant de la crise sanitaire justifiait une communication régulière du maire à destination de la population de la commune, comme présentant le caractère d'une campagne de promotion publicitaire prohibée par l'article L. 52-1 du code électoral.
7. Enfin, ni la distribution de bons d'achat pour la fête des mères, dont les modalités ne différaient d'ailleurs pas en 2020 de celles de l'opération organisée les précédentes années, ni la journée de la femme, ni le repas des anciens ou la distribution de pâtisseries locales aux résidents de l'EHPAD, qui sont organisées chaque année par la commune, ni les informations données sur la reprise, après le 11 mai 2020, de la plupart des chantiers de construction interrompus pendant le confinement, ni la diffusion d'informations sur la distribution de masques de protection contre le covid-19 et sur la reprise des activités périscolaires au terme du confinement, ne peuvent être davantage regardées comme des campagnes de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la commune.
8. Il résulte de ce qui précède que M. G... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé, pour annuler les opérations électorales qui se sont déroulées dans la commune de Crest le 28 juin 2020, sur la méconnaissance des dispositions du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral.
9. Il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par M. D... à l'appui de sa protestation électorale.
Sur les griefs présentés dans le mémoire complémentaire du 14 septembre 2020 :
10. En vertu des dispositions de l'articles R. 119 du code électoral, les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. En l'espèce, le délai de recours contentieux contre les opérations électorales du second tour des élections municipales et communautaires du 28 juin 2020 expirait le 3 juillet à dix-huit heures.
11. Il résulte de ce qui précède que les griefs soulevés dans le mémoire complémentaire de M. F... D... du 14 septembre 2020, tirés de la distribution de paniers gourmands aux bénévoles du centre communal d'action sociale, de l'envoi par le maire d'un courrier invitant à un apéritif les habitants de l'ensemble " La Prairie I et II et la Maladière ", de l'utilisation irrégulière des banques d'images de la ville de Crest au profit de la campagne de M. G..., de l'initiative " Déconfine ta tête ", de l'utilisation du terrain de basket au profit d'un colistier de M. G..., de la pression exercée sur les époux C... et de la dégradation du camion de la liste de M. D..., qui ont été présentés pour la première fois après l'expiration du délai de recours contentieux et qui ne constituent pas le développement des griefs soulevés dans la protestation initiale, sont irrecevables.
Sur le grief tiré de la méconnaissance de l'article L. 49 du code électoral :
12. D'une part, aux termes de l'article L. 49 du code électoral : " A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents. A partir de la veille à zéro heure, il est également interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ". D'autre part, l'article R. 26 du même code dispose que : " La campagne électorale est ouverte à partir du deuxième lundi qui précède la date du scrutin et prend fin la veille du scrutin à minuit. En cas de second tour, la campagne électorale est ouverte le lendemain du premier tour et prend fin la veille du scrutin à minuit ". Il résulte de ces dispositions que, pour le second tour des élections municipales et communautaires du 28 juin 2020, la distribution ou la diffusion de documents ou de messages de propagande électorale était interdite à compter du samedi 27 juin 2020 zéro heure, alors que la campagne électorale pouvait se poursuivre jusqu'à minuit le même samedi.
13. Il résulte de l'instruction qu'aucun document ou message de propagande électorale n'a été distribué ou diffusé par la liste du maire sortant pendant la journée du samedi 27 juin. A cet égard, ainsi qu'il ressort d'une copie d'une page Facebook datée du 10 juin 2020 produite par le maire sortant, l'affiche critiquée par M. D... ne constituait pas un nouvel élément de propagande qui ne serait apparu sur les panneaux d'affichage de la commune que la veille du scrutin. En outre, ni la circonstance que les membres d'un groupe de musique qui s'est produit le samedi 27 juin aient remercié le maire, ni la visite le même jour de M. G... à des personnes âgées ne peuvent être regardées comme constituant des actes prohibés de diffusion de propagande électorale.
Sur les griefs relatifs à l'établissement de la liste électorale :
14. Il résulte de l'instruction, d'une part, que trois personnes qui n'avaient pu être inscrites sur la liste électorale de la commune de Crest à temps pour le premier tour des élections du 15 mars 2020 en raison d'un dysfonctionnement du répertoire électoral unique et permanent tenu par l'Institut national de la statistique et des études économiques ont été informées par un courrier des services de la commune de la possibilité de saisir le tribunal judiciaire de Valence en application de l'article L. 20 du code électoral et, d'autre part, que deux personnes devenues majeures entre les deux tours des élections ont été inscrites sur la liste, alors que quatre personnes décédées en ont été radiées. A supposer même que ces difficultés aient eu une incidence sur sept suffrages, l'attribution de ces voix supplémentaires à la liste conduite par M. D... serait sans incidence sur le résultat du scrutin.
Sur les griefs tenant à l'exercice de pressions sur les électeurs :
15. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les mineurs membres du conseil municipal des jeunes auraient fait l'objet de pressions destinées à ce qu'ils incitent leurs parents à voter pour la liste du maire sortant.
16. En deuxième lieu, l'organisation d'un service de véhicules permettant à des électeurs d'être transportés entre leur domicile et leur bureau de vote lors d'un scrutin n'est constitutive d'aucune irrégularité dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les électeurs bénéficiant de ce service auraient fait l'objet, à cette occasion et sous quelque forme que ce soit, de pressions susceptibles d'exercer une influence sur le sens de leur vote.
17. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que, ainsi que le soutient M. D..., des membres de la liste du maire sortant auraient été présents aux abords des bureaux de vote pour chercher à influencer les électeurs ou à connaître le sens de leur vote.
Sur les griefs relatifs aux procurations :
18. Il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient M. D..., que des irrégularités auraient affecté l'usage des procurations. L'augmentation du nombre des procurations pour le second tour du scrutin par rapport aux précédentes consultations, en particulier par rapport au premier tour des élections municipales et communautaires, n'est pas, par elle-même, de nature à caractériser un usage frauduleux de cette modalité de vote.
Sur les griefs relatifs au déroulement des opérations électorales :
19. M. D... soutient que, lors du second tour de scrutin, une des candidates de la liste conduite par M. G... et M. G... lui-même ont consulté les listes d'émargement, puis passé des appels avec leurs téléphones portables. Si la divulgation de renseignements nominatifs au cours des opérations de vote est de nature à altérer la sincérité du scrutin dès lors qu'elle est susceptible de permettre l'exercice de pressions sur les électeurs qui n'ont pas encore voté, alors même que les agissements litigieux n'auraient eu d'autre objet que d'exhorter les électeurs à participer au vote, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu des témoignages produits par M. D..., qui émanent essentiellement de ses colistiers, et des témoignages contraires produits par M. G..., que le déroulement des opérations électorales ait été, en l'espèce, entaché de telles irrégularités.
20. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que M. G... ou ses colistiers auraient refusé l'inscription d'observations sur les procès-verbaux ou auraient fait disparaître des feuilles annexées à ces procès-verbaux.
21. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu de l'écart de 137 voix séparant les deux listes en présence au deuxième tour, pour un total de 4103 suffrages exprimés, la seule opération de promotion publicitaire des séances de cinéma en plein air, en méconnaissance des dispositions de l'article 52-1 du code électoral, ne peut avoir été de nature à altérer la sincérité du scrutin. La protestation de M. D... doit dès lors être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 118-4 du code électoral :
22. Aux termes de l'article L. 118-4 du code électoral : " Saisi d'une contestation formée contre l'élection, le juge de l'élection peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manoeuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin (...) ".
23. En l'absence de manoeuvres frauduleuses imputables à M. G..., les conclusions tendant à ce qu'il soit déclaré inéligible sur le fondement des dispositions de l'article L. 118-4 du code électoral ne peuvent qu'être rejetées.
24. Il n'y pas lieu y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme que demande M. G.... Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. G..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 octobre 2020 est annulé.
Article 2 : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Crest pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires sont validées.
Article 3 : La protestation de M. D... et ses conclusions tendant à ce que M. G... soit déclaré inéligible sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... G... et à M. A...-pierre D...
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.