2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'organisation judiciaire ;
- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 ;
- le décret n° 2001-1099 du 22 novembre 2001 ;
- le décret n° 2008-483 du 22 mai 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme C...;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 juillet 2016, présentée par MmeC... ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Deux concours sont ouverts pour le recrutement de magistrats du second et du premier grade de la hiérarchie judiciaire. / (attachés en cette qualité à la juridiction à laquelle ils appartiennent) / Les candidats admis suivent une formation probatoire organisée par l'Ecole nationale de la magistrature comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l'article 19. Ils sont rémunérés pendant cette formation. / (attachés en cette qualité à la juridiction à laquelle ils appartiennent) / Le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature établit, sous la forme d'un rapport, le bilan de la formation probatoire de chaque candidat et adresse celui-ci au jury prévu à l'article 21. / Après un entretien avec le candidat, le jury se prononce sur son aptitude à exercer les fonctions judiciaires. / Les candidats déclarés aptes à exercer les fonctions judiciaires suivent une formation complémentaire jusqu'à leur nomination, dans les formes prévues à l'article 28, aux emplois pour lesquels ils ont été recrutés. Les dispositions de l'article 27-1 ne sont pas applicables. " ; qu'aux termes de l'article 5 du décret du 22 novembre 2001 relatif aux modalités du recrutement de magistrats prévu par l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Les candidats déclarés admis par le jury sont nommés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, en qualité de stagiaires auprès de l'Ecole nationale de la magistrature. / Ils suivent une formation probatoire d'une durée de cinq mois. Elle comporte une formation d'un mois dispensée à l'Ecole nationale de la magistrature et un stage en juridiction d'une durée de quatre mois. / Le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature établit le bilan de la formation probatoire de chaque candidat qu'il adresse au jury prévu à l'article 21 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée dans le délai d'un mois suivant la date de fin de stage. / La décision de déclarer un candidat inapte à exercer les fonctions judiciaires est portée à la connaissance de l'intéressé, au cours d'un entretien individuel avec le président ou un membre du jury désigné par lui. (...) " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 19 juin 2014, le jury de l'examen de classement des candidats aux fonctions de magistrat du premier et du second grades a déclaré Mme A...C..., qui exerçait précédemment la profession d'avocat et est issue d'un des concours complémentaires organisés en application de l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, inapte à l'exercice des fonctions judiciaires ; que, par une décision du 8 juillet 2014, le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature a mis fin à ses fonctions de magistrat stagiaire du second grade ; que, par un avis du 25 juillet 2014, le président du jury a rejeté son recours gracieux contre la délibération du 19 juin 2014 ; que Mme C... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces trois décisions ;
3. Considérant, en premier lieu, que les dispositions citées au point 1 donnent compétence au jury pour se prononcer sur l'aptitude à exercer les fonctions judiciaires des candidats admis au concours de recrutement des magistrats du second et du premier grades et ne prévoient pas d'intervention de la commission d'avancement dans le cadre de cette procédure ; que si le dernier alinéa de l'article 49-1 du décret du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature prévoit que " le jury transmet à la commission prévue à l' article 34 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 (...) son avis sur l'aptitude de celui-ci à exercer les fonctions judiciaires ", ces dispositions doivent être regardées comme étant applicables à la seule procédure d'intégration directe dans la magistrature prévues par les articles 22 et 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et non aux concours prévus par l'article 21-1 de la même ordonnance ; qu'est sans incidence sur ce point la circonstance que l'article 49-1 du décret du 4 mai 1972 est inséré dans un chapitre intitulé " Stage en juridiction des candidats à l'intégration directe dans le corps judiciaire et des candidats admis aux concours prévus par l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 " ; que, par suite, les moyens tirés ce que le jury n'était pas compétent pour statuer sur l'inaptitude de l'intéressée et mettre fin à ses fonctions et de ce que la procédure était irrégulière, en l'absence de saisine de la commission d'avancement, doivent être écartés ; que la requérante ne peut, à cet égard, exciper utilement d'une méconnaissance de principes " de faveur " et de participation des agents publics aux décisions les concernant ; que les candidats à une intégration dans la magistrature issus d'un concours complémentaire organisé en application de l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature étant placés dans une situation différente de celle des personnes relevant des procédures d'intégration directe, le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité résultant de ce que la commission nationale d'avancement n'a pas statué sur son aptitude ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 78 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Les magistrats honoraires demeurent... " ; qu'aux termes de l'article 45 du décret du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature : " La déclaration d'aptitude et la liste de classement prévues à l'article 21 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée sont établies par un jury qui est ainsi composé : 1° Un magistrat hors hiérarchie à la Cour de cassation, président ; / (attachés en cette qualité à la juridiction à laquelle ils appartiennent) / 4° Trois magistrats de l'ordre judiciaire ; / (attachés en cette qualité à la juridiction à laquelle ils appartiennent) " ; qu'aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'organisation judiciaire : " Lorsque la participation à une commission administrative ou à un jury de concours ou d'examen d'un magistrat en fonction dans les cours, les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance, est prévue par une disposition législative ou réglementaire, l'autorité chargée de sa désignation peut porter son choix sur un magistrat honoraire du même rang acceptant cette mission " ; qu'il en résulte que, contrairement à ce qui est soutenu par la requérante, la nomination de trois magistrats honoraires de l'ordre judiciaire comme membres du jury n'a pas méconnu les dispositions citées ci-dessus ;
5. Considérant, en troisième lieu, que la délibération par laquelle le jury d'aptitude se prononce sur l'aptitude à l'exercice des fonctions judiciaires d'un candidat à l'accès à ces fonctions par la voie du concours complémentaire prévu à l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, n'entre dans aucune des catégories de mesures qui doivent être motivées en application des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 citées au point 9 ; que les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'imposaient pas une telle motivation ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la délibération du jury d'aptitude du 19 juin 2014 serait irrégulière, faute d'être motivée, ne peut qu'être écarté ; que la circonstance que la notification de la délibération du jury aurait été incomplète ou aurait comporté des erreurs est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de cette délibération ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'à supposer même que Mme B..., sous-directrice des recrutements et de la validation des compétences de l'Ecole nationale de la magistrature, n'aurait pas reçu délégation pour signer le bilan de la formation probatoire des candidats admis aux concours prévus à l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette irrégularité aurait été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision du jury ni qu'elle aurait privé l'intéressée d'une garantie ; que, dès lors, elle n'est pas de nature à entraîner l'annulation de la délibération attaquée ;
7. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la formation probatoire dont a bénéficié Mme C...s'est déroulée conformément aux dispositions citées au point 1 ; qu'en dépit des contraintes matérielles qu'elle souligne et de la circonstance que, comme ce fut le cas pour d'autres candidats, la durée de son stage en juridiction a été un peu inférieure aux quatre mois prévus par le décret du 22 novembre 2001, son stage lui a permis d'être évaluée sur ses capacités à exercer les fonctions auxquelles elle prétendait ; que l'intéressée ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que certaines des recommandations de la circulaire de l'Ecole nationale de la magistrature du 22 janvier 2014 sur le stage probatoire des magistrats stagiaires recrutés par concours complémentaire, qui est dépourvue de caractère impératif, n'auraient pas été respectées ; qu'en décidant, au vu notamment des évaluations réalisées lors de ce stage, dont plusieurs faisaient état de réserves, ou d'insuffisances, notamment en matière civil, en dépit de l'aménagement individualisé dont elle a bénéficié au cours de son stage pour combler ses lacunes, et en matière d'affaires familiales, de la déclarer inapte à l'exercice des fonctions judiciaires, le jury d'aptitude, qui pouvait légalement tenir compte des résultats de l'entretien avec l'intéressée et n'était pas tenu de prononcer une déclaration d'aptitude assortie de réserves ou de recommandations ou de décider de renouveler sa formation probatoire, n'a pas commis d'erreur de droit ou de détournement de procédure, ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
8. Considérant, en sixième lieu, qu'il appartient à un agent public titulaire ou stagiaire qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral ou de discrimination de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence de telles pratiques ; que si Mme C...soutient qu'elle a été victime de discrimination durant sa scolarité à l'École nationale de la magistrature, elle n'apporte aucun élément de fait précis permettant de faire présumer de telles pratiques à son égard ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les évaluations ou décisions concernant Mme C...auraient été inspirées par des critères étrangers à la manière de servir de l'intéressée ; que la requérante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que d'autres personnes placées dans la même situation auraient bénéficié d'un traitement plus favorable, avec des avis d'aptitude assortis de recommandations ;
9. Considérant, en septième lieu, que le jury prévu à l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ne peut légalement, après avoir délibéré sur l'aptitude des candidats à exercer les fonctions judiciaires à l'issue de la formation probatoire qu'ils ont reçue, se livrer à une nouvelle appréciation sur le recours d'un candidat ; qu'il n'en est autrement que si ce recours vise à la réparation d'une erreur matérielle ou d'un vice de procédure ; que, dès lors, le président du jury de l'examen d'aptitude des stagiaires du concours complémentaire de la promotion 2014 était tenu de rejeter le recours de MmeC..., qui ne portait ni sur la rectification d'une erreur matérielle, ni sur la réparation d'un vice de procédure, et n'a pas commis d'erreur de droit ;
10. Considérant, en huitième et dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de mettre fin aux fonctions de l'intéressée en qualité de magistrat stagiaire du second grade se borne à tirer les conséquences, à la date à laquelle elle est intervenue, de la délibération par laquelle le jury s'est prononcé sur son inaptitude ; qu'ainsi, les divers moyens tirés des illégalités externes qui vicieraient la décision attaquée, qui n'est entachée d'aucune rétroactivité illégale, ne peuvent qu'être écartés ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme C..., y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...C..., au directeur de l'Ecole nationale de la magistrature et au garde des sceaux, ministre de la justice.