Résumé de la décision
La décision concerne un litige entre la société Eiffage Construction Alsace et la commune de Mulhouse relatif à un marché de travaux pour la construction d'une faculté. La société a demandé des paiements supplémentaires suite à des retards de chantier, mais le décompte général notifié par la commune n'a pas pris en compte ces demandes. Cela a conduit Eiffage à saisir le tribunal administratif, qui a reconnu partiellement ses droits. En appel, la cour administrative a modifié certaines décisions, entraînant le pourvoi de la société devant le Conseil d'Etat. Ce dernier a annulé l'arrêt de la cour en ce qui concerne les préjudices liés à l’allongement des délais de réalisation et des surcoûts, en raison d'une erreur de droit et d'une insuffisance de motivation.
Arguments pertinents
1. Erreurs de droit sur le prix global : La cour administrative d'appel a conclu que les frais supplémentaires dus à l'allongement des travaux devaient être considérés comme inclus dans le prix global et forfaitaire, indépendamment de la cause des retards. Cela constitue une erreur de droit, car il ne tient pas compte des dispositions spécifiques au contrat qui permettent la compensation des retards imposés par la personne publique. Le Conseil d’État a déclaré : « la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit » en considérant ces frais comme inclus dans le prix global.
2. Insuffisance de motivation : Concernant les travaux supplémentaires, la cour d'appel a reconnu la possibilité d'indemnisation sans examiner la responsabilité de la commune pour les retards liés à ceux-ci. Le Conseil d’État a souligné cette omission, qualifiant l'arrêt d’« insuffisance de motivation ».
3. Droit aux intérêts moratoires : Le Conseil d’Etat a confirmé que la cour n’avait pas commis d’erreur en reconnaissant à Eiffage le droit aux intérêts moratoires à compter du 15 août 2008, conformément à l’article 1er du décret du 21 février 2002. Cette disposition stipule que le délai de paiement commence à courir uniquement à partir de la réception de la réclamation par le maître d’ouvrage.
Interprétations et citations légales
1. Sur le prix global et forfaitaire : L'arrêt révèle une interprétation restrictive de la notion de « prix global et forfaitaire ». L’article 2 de l'acte d'engagement du contrat explique que la rémunération doit être conclue sur cette base sans prendre en compte les allongements de délai causés par la personne publique, ce qui se heurte aux principes de la responsabilité contractuelle présupposés dans le droit des marchés publics.
2. Sur l’allongement des délais : Le Conseil d'État précise que les retards doivent être analysés dans le contexte de la responsabilité du maître d'ouvrage. La cour a omis cette analyse, violant ainsi l'exigence d’une motivation complète.
3. Concernant les intérêts moratoires : Le code des marchés publics, selon le Code de justice administrative - Article L. 761-1, mentionne que « le délai global de paiement» commence à courir sur la base de la réception des demandes et réclamations. L'interprétation faite par la cour sur ce point est conforme à la loi, affirmant que dès qu’une réclamation est faite, le délai de paiement ne recommence qu'après sa réception.
Cette décision renforce l’importance d’apprécier la responsabilité des collectivités publiques dans les retards et d’assurer une indemnisation juste pour les entreprises exécutantes, tout en soulignant la nécessité d’une motivation robuste dans les décisions judiciaires.