1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;
3°) de fixer le montant du remboursement qui lui est dû en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2003-1165 du 8 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative ;
Une note en délibéré, enregistrée le 18 septembre 2021, a été présentée par Mme F....
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 12 novembre 2020, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme F..., tête de liste aux élections municipales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Melun (Seine-et-Marne) et élue conseillère municipale, et a saisi le juge de l'élection en application de l'article L. 52-15 du code électoral. Mme F... relève appel du jugement du 12 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun l'a déclarée inéligible pour une période de six mois et démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Melun que l'ensemble des pièces transmises à ce tribunal par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ont été communiquées à Mme F.... Si cette dernière soutient que le tribunal administratif aurait dû mettre à sa disposition le compte de campagne qu'elle a transmis à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et dont elle n'aurait pas conservé de copie, il ressort des pièces du dossier que ce compte de campagne, bien qu'annoncé dans la saisine de la Commission, n'a pas été transmis au tribunal administratif. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure ne peut qu'être écarté.
3. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne ". L'article R. 613-3 du même code dispose : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ".
4. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser et, s'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Melun qu'en l'absence d'ordonnance de clôture de l'instruction, l'instruction a été close trois jours francs avant l'audience qui s'est tenue le 5 mars 2021. Par suite, le mémoire déposé le 4 mars 2021 par Mme F... a été produit après la clôture de l'instruction. Le tribunal administratif, qui a visé ce mémoire, dont il n'est pas soutenu qu'il aurait contenu des éléments de fait ou de droit dont Mme F... n'aurait pas été en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction, n'avait, dès lors, pas à répondre aux moyens qu'il contenait.
Sur la recevabilité de la saisine du tribunal administratif par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques :
6. Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes (...) ". Toutefois, aux termes du 4° du XII de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " Pour les listes de candidats présentes au seul premier tour, la date limite mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral est fixée au 10 juillet 2020 à 18 heures (...) ". Aux termes de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle (...) se prononce dans un délai de six mois à compter de l'expiration du délai fixé au II de l'article L. 52-12. Passé ce délai, les comptes sont réputés approuvés. / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Melun le 18 décembre 2020, avant l'expiration du délai de six mois qui lui était imparti et qui courait à compter du 10 juillet 2020 en application des dispositions citées au point 6. Ces mêmes dispositions n'imposent pas que le compte de campagne du candidat soit transmis au tribunal administratif. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la saisine du tribunal administratif par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'était pas recevable.
Sur le bien-fondé du rejet du compte de campagne :
8. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral : " Tout candidat à une élection déclare un mandataire conformément aux articles L. 52-5 et L. 52-6 au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. Ce mandataire peut être une association de financement électoral, ou une personne physique dénommée " le mandataire financier ". Un même mandataire ne peut être commun à plusieurs candidats. / Le mandataire recueille, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne. / Il règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit, ou par l'un des membres d'un binôme de candidats ou au profit de ce membre, font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte de dépôt (...) ".
9. Si, par dérogation à la formalité substantielle que constitue l'obligation de recourir à un mandataire pour toute dépense effectuée en vue de sa campagne, le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n'est qu'à la double condition que leur montant, prenant en compte, en vertu des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 8 décembre 2003 portant simplifications administratives en matière électorale, non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n'auraient pas fait l'objet d'un remboursement par celui-ci, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral.
10. Il n'est pas contesté qu'une part très importante des dépenses de campagne ont été réglées par Mme F... et non par le mandataire financier. Si Mme F... fait valoir que son mandataire financier a rencontré des difficultés pour ouvrir un compte bancaire, il résulte de l'instruction que la Banque de France, saisie le 5 février 2020, a désigné un établissement bancaire pour procéder à l'ouverture d'un compte de dépôt au nom du mandataire financier le 17 février 2020. Les difficultés invoquées ne sauraient ainsi justifier la méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne a rejeté le compte de compagne e Mme F... et a saisi le juge électoral.
Sur l'inéligibilité de Mme F... :
11. Aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 (...) ".
12. En application de ces dispositions, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.
13. Il résulte de l'instruction que les dépenses électorales réglées contrairement aux dispositions dépourvues d'ambiguïté de l'article L. 52-4 du code électoral revêtent un caractère significatif. Si Mme F... soutient que les difficultés rencontrées pour ouvrir un compte bancaire ont constitué un cas de force majeure et que le règlement direct des dépenses ne saurait être regardé comme une volonté de fraude ou un manquement délibéré à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, eu égard aux montants en cause et aux circonstances de l'espèce, le manquement commis par la requérante présente un caractère délibéré et doit être qualifié de manquement d'une particulière gravité, au sens et pour l'application de l'article L. 118-3 du code électoral, de nature à justifier le prononcé d'une inéligibilité pour une durée de six mois. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a prononcé son inéligibilité pour une durée de six mois et l'a déclarée démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme C... F..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la commune de Melun.