1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au cabinet Colin-Stoclet, avocat de la société BSA ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société BSA Finances a bénéficié, les 29 janvier 2009, 28 janvier 2010 et 27 janvier 2011, d'un total de cinq prêts consentis par la société luxembourgeoise Nethuns, qui appartient au même groupe (le " groupe Lactalis "), rémunérés respectivement, selon la date à laquelle ils ont été accordés, aux taux de 6,196 %, 3,98 % et 4,52 %. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, l'administration a estimé que la société emprunteuse ne justifiait pas que les taux ainsi pratiqués n'excédaient pas les taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variables aux entreprises d'une durée initiale supérieure à deux ans. L'administration a réintégré dans les résultats imposables de la société la quote-part d'intérêts excédant ces taux, regardés comme non déductibles en application des dispositions du I de l'article 212 du code général des impôts. Par un jugement du 16 mars 2017, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle sur cet impôt et de contribution exceptionnelle sur cet impôt mis en conséquence à la charge de la société BSA, en sa qualité de société mère du groupe fiscalement intégré auquel appartenait la société BSA Finances, au titre des exercices clos en 2010 et 2011. Par un arrêt du 25 juin 2019 contre lequel la société BSA se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, annulé ce jugement et remis à la charge de la société les impositions dont ce jugement avait prononcé la décharge.
2. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années en litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 212 du même code : " I.- Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39, sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ". Le taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s'entend, pour l'application de ces dispositions, du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence. L'entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d'apporter cette preuve par tout moyen.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour justifier de ce que les taux consentis par la société Nethuns étaient comparables à ceux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, la société BSA a d'abord fait valoir, sans que l'administration critique le principe ou les modalités de cette décomposition, qui procède d'une construction intellectuelle que l'on ne trouve pas dans les contrats de prêts eux-mêmes, que ces taux résultent de l'addition de trois éléments qui sont le taux fixe résultant d'un contrat d'échange de taux (swap de taux) à partir du taux variable qui constitue le coût de la ressource de son prêteur, le taux de la prime d'annulation, laquelle est la contrepartie du droit au remboursement anticipé dont les prêts étaient assortis et la marge de crédit,. Elle a par ailleurs soutenu que chacun de ces éléments était en l'espèce inférieur ou égal à sa valeur de pleine concurrence.
5. En se bornant à indiquer que la courbe produite par la société BSA, qui retraçait le taux fixe des contrats d'échange sur cinq ans de taux (swaps) contre le taux variable Euribor 6 mois, d'une part, et les comparaisons des cotations de taux fixe avec et sans option d'annulation émanant de la société Bloomberg, fournies au moyen de copies d'écran, d'autre part, n'établissaient pas que les taux des emprunts en litige correspondaient aux taux de marché, sans préciser les raisons pour lesquelles ces documents étaient selon elle insuffisants, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de motivation. Elle ne pouvait par ailleurs retenir la circonstance qu'il ne résultait pas de l'instruction que les taux de swap et d'annulation résultant de ces documents auraient été appliqués aux emprunts litigieux, eu égard à la nature, rappelée au point 4, de la décomposition en trois éléments à laquelle la société s'était livrée.
6. S'agissant de la marge de crédit, la cour a relevé que la société requérante avait produit les éléments attestant une cotation du risque de la société au moyen d'un outil financier publiquement accessible (le logiciel Riskcalc développé par l'agence de notation Moody's) et des contrats syndiqués conclus avec des organismes financiers en 2010 et 2011. En estimant que la société n'établissait pas que les taux de marge appliqués étaient conformes aux taux pratiqués sur le marché pour des emprunts effectués dans les mêmes conditions, alors que l'application Riskcalc, dont il n'était pas contesté qu'elle était alimentée à partir des bilans et comptes de résultats de la société sur plusieurs années, avait classé son niveau de risque en " BBB/BBB- " sur la base de ratios comparatifs établis par la société Moody's, que les contrats de refinancement produits, qui permettaient de déterminer le taux de marge réel des emprunts souscrits par la société requérante elle-même, étaient accompagnés des précisions permettant d'en comparer les principales conditions particulières avec les clauses des prêts en litige et qu'enfin, la combinaison de ces éléments était de nature à justifier, en l'absence d'élément contraire, que les marges de crédit pratiquées par la société Nethuns étaient conformes aux pratiques de marché, la cour a dénaturé les pièces du dossier soumis à son appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la société BSA est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société BSA au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 25 juin 2019 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à la société BSA une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme BSA et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.