3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- le code des douanes ;
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Gariazzo, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 266 sexies du code des douanes, dans sa version applicable à la date de la circulaire attaquée : " I.- Il est institué une taxe générale sur les activités polluantes qui est due par les personnes physiques ou morales suivantes : / (...) 2. Tout exploitant d'une installation soumise à autorisation ou enregistrement au titre du livre V (titre Ier) du code de l'environnement dont la puissance thermique maximale lorsqu'il s'agit d'installations de combustion, la capacité lorsqu'il s'agit d'installations de traitement thermique d'ordures ménagères, ou le poids des substances mentionnées au 2 de l'article 266 septies émises en une année lorsque l'installation n'entre pas dans les catégories précédentes, dépassent certains seuils fixés par décret en Conseil d'État ". Aux termes de l'article 266 septies du même code : " Le fait générateur de la taxe mentionnée à l'article 266 sexies est constitué par : / (...) 2. L'émission dans l'atmosphère par les installations mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies (...) de poussières totales en suspension (...) ". Aux termes de l'article 266 nonies du même code : " (...) 8. Le seuil d'assujettissement des émissions de poussières totales en suspension mentionnées au 2 de l'article 266 septies est fixé à 5 tonnes par an ".
2. Le Syndicat professionnel des carrières indépendantes du Grand Ouest demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'action et des comptes publics sur sa demande du 27 novembre 2018 tendant à l'abrogation des paragraphes 105 et 106 de la circulaire du 6 novembre 2018 relative à la taxe générale sur les activités polluantes régie par les dispositions citées au point 1. Le premier de ces paragraphes énonce que les poussières totales en suspension s'entendent des " (...) particules émises dans l'air, de taille et de forme variables. Ces particules recouvrent les poussières totales (particules de taille supérieure à 10 micromètres), ainsi que les PM10 (particules de taille inferieure à 10 micromètres) et les PM2,5 (particules de taille inferieure à 2,5 micromètres) qui sont les particules les plus fines et les plus nocives pour la santé humaine (...) ". Le second de ces paragraphes indique que le seuil d'assujettissement des installations pour les émissions de poussières totales en suspension est de " (...) 5 tonnes par an. Toute installation assujettie au titre des poussières totales en suspension est redevable de la TGAP sur l'ensemble de ses émissions de poussières totales en suspension, ce qui signifie que lorsque le seuil des 5 tonnes est dépassé, toutes les quantités émises de poussières totales en suspension sont assujetties (pas seulement celles supérieures aux 5 tonnes) ".
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
4. Le Syndicat professionnel des carrières indépendantes du Grand Ouest soutient à l'appui de son recours pour excès de pouvoir, par un mémoire distinct, qu'en ne définissant pas de manière suffisamment claire et précise au 2 de l'article 266 septies du code des douanes la notion de " poussières totales en suspension " dont l'émission constitue le fait générateur de la taxe spéciale sur les activités polluantes, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.
5. Toutefois, d'une part, si l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution. D'autre part, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.
6. En l'espèce, le Syndicat professionnel des carrières indépendantes du Grand Ouest n'allègue pas que la méconnaissance qu'il invoque, par le législateur, de l'étendue de sa compétence et de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi affecterait par elle-même un droit ou une liberté garantis par la Constitution. Il en résulte que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ne peut être regardée comme présentant un caractère sérieux.
Sur les autres moyens de la requête :
7. En premier lieu, le syndicat requérant soutient que le paragraphe 105 de la circulaire litigieuse étend illégalement le champ d'assujettissement à la taxe générale sur les activités polluantes à l'ensemble des poussières totales, sans le limiter aux seules poussières totales en suspension mentionnées par l'article 266 septies du code des douanes.
8. Il résulte toutefois des termes mêmes de la circulaire attaquée, notamment des titres et sous-titres qui précèdent le paragraphe 105, que celui-ci a seulement pour objet de préciser la définition des poussières totales en suspension, en rappelant leur subdivision en plusieurs catégories en fonction de leur taille, sans procéder à aucune assimilation à de telles poussières de particules qui, ne demeurant....pas en suspension, n'en ont pas la nature ni remettre en cause le fait que seules les poussières émises par les installations mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies du code des douanes sont concernées Si le syndicat requérant soutient en outre que certaines des particules mentionnées par ce paragraphe ne présentent pas un caractère nocif, l'article 266 septies ne restreint pas le fait générateur de la taxe à la seule émission de poussières totales en suspension qui seraient nocives pour la santé humaine. Enfin, l'association requérante ne saurait utilement se prévaloir, à l'appui de son recours, de ce que les énonciations en litige donneraient des poussières totales en suspension, au sens de l'article 266 sexies du code des douanes, une définition différente de celle des " poussières totales ", au sens du 7° de l'article R. 4222-3 du code du travail.
9. En second lieu, il résulte des termes mêmes de l'article 266 nonies précité du code des douanes que le législateur a prévu un seuil d'assujettissement de 5 tonnes par an et non une exonération des émissions inférieures à ce seuil, ce dont il découle que lorsqu'une installation émet dans l'atmosphère une quantité de poussières totales en suspension qui excède cinq tonnes par an, l'ensemble des émissions de poussières totales en suspension sont soumises à la taxe. Par suite, en énonçant que " Toute installation assujettie au titre des poussières totales en suspension est redevable de la TGAP sur l'ensemble de ses émissions de poussières totales en suspension, ce qui signifie que lorsque le seuil des cinq tonnes est dépassé, toutes les quantités émises de poussières totales en suspension sont assujetties (pas seulement celles supérieures aux 5 tonnes) ", le paragraphe 106 de la circulaire attaquée se borne à réitérer, sans y ajouter, la règle qui découle des dispositions qu'elle a pour objet de commenter. Le syndicat requérant ne peut en outre utilement soutenir que le paragraphe 106 de la circulaire en litige énoncerait une règle contraire au principe d'égalité devant l'impôt, en ce qu'il créerait une différence de traitement non justifiée entre les installations qui, émettant moins de cinq tonnes par an de poussières totales en suspension, ne seraient pas assujetties et celles qui, émettant une quantité de poussières en suspension supérieure à ce seuil, seraient taxées dès la première tonne émise, la conformité à la Constitution de cette règle législative n'étant susceptible d'être discutée que par la voie d'une question prioritaire de constitutionnalité.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre, que la requête présentée par le Syndicat professionnel des carrières indépendantes du Grand Ouest doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Syndicat professionnel des carrières indépendantes du Grand Ouest.
Article 2 : La requête du Syndicat professionnel des carrières indépendantes du Grand Ouest est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat professionnel des carrières indépendantes du Grand Ouest et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.