Résumé de la décision :
La société Le Triangle Supermarché a fait appel d'un jugement notifiant le rejet de sa demande de décharge de la cotisation foncière des entreprises pour l'année 2014, à laquelle elle avait été assujettie. La cour administrative d'appel de Douai a précédemment rejeté son appel. La décision rendue par le Conseil d'État annule cet arrêt et le jugement du tribunal administratif de Lille, reconnaissant que la société remplissait les conditions pour bénéficier de l'exonération prévue par le I sexies de l'article 1466 A du code général des impôts. L'État est également condamné à verser à la société la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Arguments pertinents :
1. Qualité d'établissement créé : La cour a rappelé que l'exonération s'applique uniquement aux "établissements qui font l'objet d'une création ou d'une extension" (Code général des impôts - Article 1466 A). L’arrêt précédent hasardait que Le Triangle Supermarché n'avait pas constitué un nouvel établissement, car elle avait repris l'activité à proximité, en reprenant la clientèle de l'ancien supermarché. Cependant, le Conseil d'État a jugé que l'interruption d'activité de onze mois et la réouverture dans des locaux rééquipés justifiaient l'interprétation d'une création plutôt qu'un simple changement d'exploitant.
2. Réouverture et conditions d'exonération : En relevant que l'établissement apportait "des moyens de production partiellement rééquipés" et "exploités par des salariés nouvellement recrutés", il a été reconnu que cela constituait une création d'établissement. La décision précise que les caractéristiques de l'exploitation à partir du 6 mai 2013 remplissaient les critères d'exonération évoqués.
Interprétations et citations légales :
- Interprétation de l'exonération : Le I sexies de l'article 1466 A du code général des impôts établit les conditions d'exonération de la cotisation foncière des entreprises, soulignant que celle-ci s'applique aux "établissements qui sont créés ou étendus" entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014. La décision a ouvert une discussion sur la nature d'un changement d'exploitant et les conditions qui le stipulent.
- Application des critères : Le Conseil d'État souligne que l'interruption d'activité, associée à la réouverture d'un nouvel établissement, constitue une création au sens légal. Cette interprétation s'oppose à celle de la cour administrative d'appel qui avait restreint le champ des exonérations en privilégiant l'identité des activités sans considérer les conditions de rétablissement de l'exploitation.
Ainsi, l’affaire met en lumière l’interprétation des textes fiscaux relatifs aux zones franches urbaines et contribue à reconceptualiser le cas de figure d’un changement d'exploitant comme une potentielle création d’un nouvel établissement, élargissant ainsi le bénéfice associé aux exonérations fiscales pour favoriser l'implantation économique dans des territoires spécifiques.