Résumé de la décision :
La décision concerne un pourvoi en cassation de M. et Mme A... contre un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 1er décembre 2016, qui avait confirmé le jugement du tribunal administratif de Lyon rejetant leur demande de décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales pour les années 2003 et 2004. Ces impositions étaient fondées sur des revenus réputés distribués par une société de droit luxembourgeois. Le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour d'appel, jugeant qu'il y avait une erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts, en omettant d'examiner si les requérants pouvaient prouver que la société avait réalisé un résultat déficitaire.
Arguments pertinents :
Les arguments juridiques clés avancés dans la décision incluent :
1. Violation du droit à la preuve : Le Conseil d'État a affirmé qu'en vertu de la décision n° 2016-614 QPC du 1er mars 2017, les attentes relatives à la possibilité pour le contribuable de démontrer un revenu inférieur à celui défini forfaitairement doivent être respectées. En conséquence : "Il appartient à la cour administrative d'appel de Lyon de rechercher s'ils établissaient l'existence de ce déficit."
2. Application erronée de l'article 123 bis : Le Conseil d'État a jugé que la cour d'appel avait commis une erreur en affirmant que l'administration fiscale était fondée à calculer l'imposition en se basant uniquement sur le fait que le Luxembourg n'avait pas d'accord d'assistance administrative avec la France, sans examiner le déficit allégué par les requérants.
Interprétations et citations légales :
1. Article 123 bis du Code général des impôts : Ce texte prévoit que lorsqu'une personne domiciliée en France détient plus de 10 % d'une entité créée à l'étranger et soumise à un régime fiscal privilégié, les bénéfices de cette entité sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers. La version applicable (issue de la loi du 30 décembre 1998) stipule : "Les bénéfices ou les revenus positifs [...] sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des actions [...] qu'elle détient."
2. Droits du contribuable : Le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2016-614 QPC, précisé que les contribuables doivent pouvoir apporter la preuve que le revenu réellement perçu est inférieur au revenu forfaitaire. Cette interprétation est fondamentale pour garantir le droit d’égalité devant les charges publiques.
3. Article L. 761-1 du Code de justice administrative : En vertu de cet article, le Conseil d'État a décidé de condamner l'État à verser aux M. et Mme A... une somme de 3 000 euros au titre des frais de justice.
4. Renvoi à la cour administrative d'appel : La décision a également pour effet de renvoyer l'affaire pour une ré-examination à la cour administrative d'appel de Lyon, où les arguments concernant le déficit de la société devront être examinés correctement.
En résumé, cette décision du Conseil d'État souligne l'importance du droit à la preuve des contribuables et rappelle que l'administration fiscale doit tenir compte des réalités économiques des sociétés à l'étranger avant d'imposer des revenus réputés.