Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 janvier et 26 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 417793, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de constater le dégrèvement partiel résultant de la décision du 24 octobre 2014 faisant partiellement droit à sa réclamation du 19 juin 2012, d'annuler partiellement cette décision en tant qu'elle taxe dans la catégorie visée au 7° de l'article 1585 D du code général des impôts une surface de 290 m² et de prononcer la décharge partielle des impositions et de l'amende fiscale auxquelles il a été assujetti par un avis d'imposition émis le 20 avril 2012 par la direction départementale des territoires et de la mer des Bouches-du-Rhône, en les calculant sur la base de 138 m² de surface habitable dans la catégorie visée au 2° de l'article 1585 D du code général des impôts ou, subsidiairement, dans la catégorie visée au 5° de cet article.
Par une ordonnance n° 1409031 du 6 mai 2015, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et a infligé à M. C... une amende de 1 500 euros au titre de l'article R. 741-12 du même code.
Par une décision nos 388121, 391521, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Marseille.
Par un jugement n° 1701555 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 janvier et 26 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 417796, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SARL Didier, Pinet, avocat de M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Les deux pourvois de M. C... concernent les mêmes impositions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 23 janvier 2007, le maire de Cornillon-Confoux (Bouches-du-Rhône) a délivré à M. B... C... un permis de construire en vue de la construction de serres agricoles et d'une remise agricole d'une surface hors oeuvre brut de 338 m². Un procès-verbal d'infraction a été dressé le 7 avril 2010 à l'encontre de M. C... portant sur la réalisation de travaux non autorisés par ce permis de construire. Sur ce fondement, par un avis d'imposition émis le 20 avril 2012, le directeur départemental des territoires et de la mer des Bouches-du-Rhône a mis à la charge de M. C... des cotisations de taxe locale d'équipement, de taxe pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement et de taxe départementale des espaces naturels sensibles ainsi que l'amende alors prévue à l'article 1828 du code général des impôts, pour un montant total de 52 242 euros, ramené, après une nouvelle liquidation opérée le 3 juillet 2012, à 47 828 euros. M. C... se pourvoit en cassation contre les jugements n° 1701490 et n° 1701555 du 30 novembre 2017 par lesquels le tribunal administratif de Marseille, après la cassation par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux d'un premier jugement du 22 décembre 2014 et d'une ordonnance du 6 mai 2015, a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
3. L'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que la décision " contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". L'omission dans les visas de la mention ou de l'analyse d'un mémoire produit avant la clôture de l'instruction est de nature à vicier la régularité de la décision attaquée s'il ressort des pièces du dossier que ces écritures apportaient des éléments nouveaux auxquels il n'aurait pas été répondu dans les motifs de la décision.
Sur la régularité du jugement n° 1701490 :
4. Dans la note en délibéré enregistrée au greffe du tribunal le 11 décembre 2014, le jour même du premier examen en séance publique de cette affaire, M. C... se prévalait d'un courrier du 24 octobre 2014, dont il produisait une copie, par lequel le directeur départemental des territoires et de la mer des Bouches-du-Rhône l'informait, en réponse à sa réclamation du 19 juin 2012, d'un dégrèvement partiel des impositions litigieuses résultant de la taxation d'une surface hors oeuvre nette de 290 m², située dans le bâtiment qui avait été déclaré comme devant abriter une remise agricole, non plus dans la 9ème catégorie (autres constructions soumises à la réglementation des permis de construire) prévue à l'article 1585 D du code général des impôts alors en vigueur, mais dans la 7ème catégorie (parties des locaux à usage d'habitation principale et leurs annexes, autres que ceux entrant dans les 2ème et 4ème catégories et dont la surface hors oeuvre nette excède 170 mètres carrés), majorée de l'amende fiscale alors prévue à l'article 1828 du même code.
5. Alors même que l'omission de prise en compte de cette note en délibéré a justifié la cassation du jugement du 22 décembre 2014, prononcée le 2 mars 2017 par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, le tribunal administratif de Marseille n'en a pas davantage tenu compte dans son jugement du 30 décembre 2017, alors que cette note en délibéré devait, à la suite de la cassation du premier jugement, être regardée comme un mémoire présenté avant la clôture de l'instruction. Dès lors, M. C... est fondé à demander pour ce motif l'annulation du jugement qu'il attaque sous le n° 417793. Le motif retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.
Sur la régularité du jugement n° 1701555 :
6. Par un mémoire en date du 13 septembre 2017, que le tribunal administratif a visé sans l'analyser, le requérant contestait l'existence de la décision de dégrèvement que l'administration annonçait dans son courrier du 24 octobre 2014 mentionné au point 4 et soulevait, à titre subsidiaire, de nouveaux moyens tirés, d'une part, de ce que les locaux de la partie est du bâtiment litigieux devaient être taxés dans la catégorie des " locaux des exploitations agricoles à usage d'habitation des exploitants agricoles " et, d'autre part, de que ce les taxes litigieuses n'étaient pas exigibles faute d'achèvement des travaux. Il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal n'a pas répondu à ces moyens. Dès lors, M. C... est fondé à demander pour ce motif l'annulation du jugement qu'il attaque sous le n° 417796. Le motif retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.
7. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
8. D'une part, aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dus en vertu du code général des impôts, les redressements correspondants sont effectués suivant la procédure de redressement contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A (...) ". En application de l'article R. 421-4 du code de l'urbanisme, doivent figurer, le cas échéant, dans une demande de permis de construire, tous les éléments nécessaires au calcul des différentes impositions dont la délivrance du permis constitue le fait générateur. Aux termes du II de l'article 1723 quater du code général des impôts, relatif à la taxe locale d'équipement, dans sa rédaction applicable à la présente espèce : " En cas de construction sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l'autorisation, la base de la taxe ou du complément de taxe éventuellement exigibles est notifiée au trésorier-payeur général par le directeur départemental de l'équipement ou par le maire. / Le recouvrement de la taxe ou du complément de taxe, augmenté de l'amende fiscale prévue à l'article 1828, est immédiatement poursuivi contre le constructeur ".
9. D'autre part, l'article 1599 B du code général des impôts et l'article L. 142-2 du code de l'urbanisme prévoient, respectivement, que la taxe pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement et la taxe départementale des espaces naturels sensibles sont soumises, pour leur assiette, leur liquidation, leur recouvrement et leur contentieux, aux mêmes règles que la taxe locale d'équipement.
10. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'administration est tenue de suivre la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales dans les cas où le bénéficiaire d'un permis de construire a, selon l'administration, édifié des constructions non conformes aux éléments déclarés en application de l'article R. 421-4 du code de l'urbanisme. Il en va autrement lorsque le constructeur, faute d'avoir déposé une demande de permis de construire pour les travaux réalisés, n'a déclaré aucun des éléments servant au calcul des impositions dues en raison de ces constructions. Dans le cas où le bénéficiaire d'un permis de construire a édifié une construction dont la nature et l'objet sont différents de celle pour laquelle le permis a été délivré, cette construction doit être regardée comme réalisée sans autorisation de construire et le constructeur comme n'ayant, dès lors, déclaré aucun des éléments servant au calcul des impositions dues en raison de cette construction. Dans ce cas, l'administration n'est pas non plus tenue de suivre la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales.
11. Il résulte de l'instruction que le permis de construire délivré à M. C... le 23 janvier 2007 autorisait la construction de 3920 m² de serres agricoles, qui ne sont pas en litige, et d'une remise agricole de 338 m². Il ressort des mentions des procès-verbaux des 21 avril 2010 et 18 juillet 2011 établis par la direction départementale des territoires et de la mer des Bouches-du-Rhône qu'un local à usage d'habitation avait été créé dans la partie est de la remise agricole et que des travaux avaient été entrepris dans la partie ouest, laquelle devait, selon les déclarations du bénéficiaire du permis, être également transformée en habitation. Cette construction, dont la nature et l'objet sont différents de celle pour laquelle le permis a été délivré, doit être regardée comme réalisée sans autorisation de construire. Il résulte de ce qui est dit au point 10 ci-dessus que l'administration n'était dès lors pas tenue de suivre la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de ce que cette procédure aurait été méconnue ne peut qu'être écarté.
12. Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ". Il résulte de l'instruction que l'amende fiscale qui a été mise à la charge du contribuable sur le fondement de l'article 1828 alors en vigueur du code général des impôts n'a fait l'objet d'aucune motivation préalablement à sa mise en recouvrement. M. C... est par suite fondé à en demander la décharge.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses :
13. Aux termes de l'article 1585 D du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. L'assiette de la taxe est constituée par la valeur de l'ensemble immobilier comprenant les terrains nécessaires à la construction et les bâtiments dont l'édification doit faire l'objet de l'autorisation de construire. / Cette valeur est déterminée forfaitairement en appliquant à la surface de plancher développée hors oeuvre une valeur au mètre carré variable selon la catégorie des immeubles (...) : / 2° Locaux des exploitations agricoles à usage d'habitation des exploitants et de leur personnel (...) / 5° Locaux d'habitation à usage de résidence principale et leurs annexes (...) / 7° Parties des locaux à usage d'habitation principale et leurs annexes, autres que ceux entrant dans les 2e et 4e catégories et dont la surface hors oeuvre nette excède 170 mètres carrés ". Aux termes de l'article 1585 G du même code : " La taxe est liquidée au tarif en vigueur à la date, selon le cas, soit de la délivrance du permis de construire ou du permis modificatif, soit de l'autorisation tacite de construire, soit du procès-verbal constatant les infractions. ". Il ne résulte pas des dispositions de ce dernier article que le procès-verbal constatant l'infraction constitue le fait générateur de la taxe dans le cas de construction sans autorisation. Ce fait générateur ne peut être que l'achèvement des travaux exécutés sans autorisation en vue de la construction, de la reconstruction ou de l'agrandissement d'un bâtiment, sur lesquels, en vertu des dispositions de l'article 1585 A, la taxe est établie.
14. Il résulte de l'instruction que l'administration a retenu, pour la partie est de la construction litigieuse, une surface hors oeuvre nette de 290 m² qu'elle a répartie entre les catégories du 5° et du 7° de l'article 1585 D du code général des impôts cité au point 13 ci-dessus. Pour soutenir que la surface de ce local d'habitation était seulement de 158 m², M. C... s'appuie sur les mentions d'une " note technique " établie par un expert le 15 janvier 2013, à sa demande et de façon non contradictoire. Compte tenu de l'objet de cette note technique, qui n'était pas de déterminer la surface du bâtiment, mais d'évaluer les risques d'une éventuelle démolition de plancher ordonnée par l'autorité judiciaire, ces mentions ne peuvent pas prévaloir sur les constatations des procès-verbaux établis par les agents de l'Etat, lesquelles, en vertu de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, font foi jusqu'à preuve du contraire. Par ailleurs, M. C... ne peut utilement se prévaloir des énonciations du jugement n° 1304176 du tribunal administratif de Marseille du 3 juillet 2014 qui, s'agissant d'un litige ayant un autre objet, est dépourvu de l'autorité de chose jugée dans le présent litige.
15. Pour revendiquer la taxation de la même partie est du bâtiment litigieux dans la catégorie 2 (Locaux des exploitations agricoles à usage d'habitation des exploitants agricoles et de leur personnel), M. C... soutient que son fils, M. A... C..., qui occupe le logement litigieux, est lui-même agriculteur. Toutefois, les pièces qu'il produit pour établir cette qualité font état de la création d'une entreprise agricole le 1er avril 2011, soit postérieurement à l'achèvement de la construction, laquelle constitue, comme il est dit au point 13 ci-dessus, le fait générateur des impositions litigieuses.
16. En revanche, dès lors qu'il est constant que les travaux de transformation de la partie ouest du bâtiment litigieux n'étaient pas achevés à la date de mise en recouvrement des impositions litigieuses, il résulte de ce qui est dit au point 13 ci-dessus qu'en l'absence de fait générateur, ces impositions ont été établies à tort et que M. C... est par suite fondé à en demander la décharge.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à demander la décharge de l'amende fiscale qui a été mise à sa charge sur le fondement de l'article 1828 alors en vigueur du code général des impôts et des impositions mises à sa charge au titre de la partie ouest du bâtiment litigieux. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les jugements n° 1701490 et n° 1701555 du 30 novembre 2017 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.
Article 2 : M. C... est déchargé de l'amende fiscale qui a été mise à sa charge sur le fondement de l'article 1828 alors en vigueur du code général des impôts et des impositions mises à sa charge au titre de la partie ouest du bâtiment litigieux.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Marseille est rejeté.
Article 5 La présente décision sera notifiée à M. C... et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la relance.