Résumé de la décision
La décision analyse un différend portant sur l'imposition des dividendes versés par des sociétés résidentes françaises à des sociétés non-résidentes, en référence à la législation française et aux règles de l'Union européenne. Les sociétés Sidro, Sofina et Rebelco soutiennent que la retenue à la source de 30 % appliquée sur les dividendes perçus par une société non-résidente, contrairement à l'imposition selon le résultat net des sociétés résidentes, constitue une restriction injustifiée à la libre circulation des capitaux, en référence à l'arrêt C-575/17 de la Cour de justice de l'Union européenne. Le Conseil d'État a annulé les arrêts précédents de la cour administrative d'appel qui avaient jugé différemment, indiquant que le traitement inégal des dividendes était discriminatoire.
Arguments pertinents
1. Différence de traitement fiscal : La décision souligne qu'il existe une différence de traitement en matière d'imposition des dividendes entre les sociétés résidentes et non-résidentes. Les premières peuvent bénéficier d'une imposition différée en fonction de leur résultat net, tandis que les secondes sont soumises à une retenue à la source immédiate de 30 % (Cod. gén. imp. - Art. 119 bis), même si elles sont en situation déficitaire.
2. Principes des libertés de circulation : En vertu de l'arrêt C-575/17 de la CJUE, cette distinction de traitement constitue une restriction à la libre circulation des capitaux. Le Conseil d'État se réfère à l'absence de justification objective pour cette restriction : « les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un État membre... ».
3. Erreur de droit : La cour administrative d'appel a commis une erreur en affirmant que l'avantage de trésorerie des sociétés résidentes déficitaires ne relevait pas d'une différence de traitement, alors que, selon le Conseil d'État, cela constitue une restriction injustifiée à la libre circulation des capitaux.
Interprétations et citations légales
1. Code général des impôts :
- Article 119 bis : « Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source (...) lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. »
- Cette disposition impose la retenue à la source sur les dividendes pour les sociétés non-résidentes et souligne le taux de 30 %.
2. Convention fiscale franco-belge :
- Paragraphe 2 de l'article 15 : « Le taux de la retenue à la source est fixé à 15 % ». Cela montre que la France reconnaît une imposition réduite pour les dividendes versés à des sociétés belges, mais ne change pas le principe fondamental d’un traitement inégal.
3. CJUE, arrêt C-575/17 : La Cour constate qu’il existe un avantage substantiel pour les sociétés résidentes en situation déficitaire qui n'est pas offert aux sociétés non-résidentes. Ainsi, le conseil d’État conclut que l'absence de justification pertinente pour cette différence de traitement implique une défiance aux principes de libre circulation établis par l'Union européenne.
En résumé, la décision réaffirme le principe que des différences de traitement entre résidents et non-résidents, lorsqu'elles ne se fondent pas sur une situation objective, portent atteinte aux libertés de circulation au sein de l'UE et doivent être considérées comme illégales.