2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie en ce que l'obligation de port du masque porte une atteinte grave et immédiate à la liberté d'aller et venir, au respect de la vie privée, au principe d'égalité, notamment pour les enfants âgés de plus de 11 ans, et au principe d'égalité d'accès aux soins, sans que cette atteinte ne soit nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif de protection de la santé publique, eu égard en particulier à l'existence d'alternatives aussi efficaces et moins attentatoires aux libertés ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté en raison de la violation de ces mêmes libertés par des mesures disproportionnées à la situation sanitaire, sans nécessité prouvée ;
- le décret contesté est également entaché d'illégalité en ce qu'il méconnaît la portée de l'habilitation législative issue de la loi du 9 juillet 2020, dès lors notamment qu'il octroie des pouvoirs excessifs au représentant de l'Etat dans les départements sans aucune limitation dans le temps ;
- il méconnaît la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public et porte, par suite, une atteinte excessive à la sécurité publique, dès lors que l'impératif de santé justifiant l'obligation de port du masque n'est pas démontré, que le port du masque engendre de multiples risques pour le porteur et que des mesures alternatives de lutte contre la propagation de l'épidémie telles que la distanciation physique et les règles d'hygiène sont disponibles ;
- il méconnaît les dispositions de l'article R. 1335-1 du code de la santé publique en ce qu'il implique une utilisation massive des masques de protection sans prendre de précautions relatives à leur prise en charge et à leur recyclage.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme D... et les autres requérants, d'autre part, le ministre des solidarités et de la santé, le ministre de l'intérieur et le Premier ministre ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 28 septembre 2020, à 15 heures :
- Me Collin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme D... et des autres requérants ;
- Mme D..., M. G... et Mme F... ;
- le représentant du ministre des solidarités et de la santé ;
à l'issue de cette audience, le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au même jour à 18 heures puis au 29 septembre à 9 heures.
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 28 septembre 2020, présenté par le ministre des solidarités et de la santé :
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 29 septembre 2020, avant la clôture de l'instruction, présenté par les requérants ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code pénal ;
- la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 ;
- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;
- le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
Sur les circonstances et le cadre juridique du litige :
2. L'émergence d'un nouveau coronavirus (covid-19), de caractère pathogène et particulièrement contagieux et sa propagation sur le territoire français ont conduit le législateur par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, à déclarer l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020 puis, par l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, à proroger cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. Constatant que la circulation du virus en France, bien que largement en deçà des niveaux observés au cours des mois de mars et d'avril 2020, n'avait pas cessé et que le respect des règles d'hygiène et de distanciation sociale, dites barrières, diminuait de manière régulière depuis la fin du confinement général de la population le 11 mai 2020, le législateur a, par la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence, autorisé le Premier ministre à prendre, hormis sur les territoires dans lesquels l'article 2 de la même loi proroge l'état d'urgence sanitaire, à compter du 11 juillet 2020 et jusqu'au 30 octobre 2020 inclus, diverses mesures dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19.
3. Dans ce cadre, le I de l'article 1er de la loi du 9 juillet 2020 autorise le Premier ministre, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, à " Réglementer ou (...) interdire la circulation des personnes et des véhicules , ainsi que l'accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage (...) Réglementer l'ouverture au public, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l'exception des locaux à usage d'habitation, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité (...) Réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public (...) ". Le II de cet article dispose que " Lorsque le Premier ministre prend des mesures mentionnées au I, il peut habiliter le représentant de l'Etat territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d'application de ces dispositions. Lorsque les mesures prévues au même I doivent s'appliquer dans un champ géographique qui n'excède pas le territoire d'un département, le Premier ministre peut habiliter le représentant du département à les décider lui-même ". Le III de cet article prévoit que : " Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires.
4. Aux termes de l'article l du décret du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé, pris pour l'application de la loi du 9 juillet 2020 : " I. - Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d'hygiène définies en annexe 1 au présent décret et de distanciation sociale, incluant la distanciation physique d'au moins un mètre entre deux personnes, dites barrières, définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance. II. - Les rassemblements, réunions, activités, accueils et déplacements ainsi que l'usage des moyens de transports qui ne sont pas interdits en vertu du présent décret sont organisés en veillant au strict respect de ces mesures. Dans les cas où le port du masque n'est pas prescrit par le présent décret, le préfet de département est habilité à le rendre obligatoire, sauf dans les locaux d'habitation, lorsque les circonstances locales l'exigent ". L'article 3 dispose que " Le préfet peut interdire tout rassemblement, réunion ou activité sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public si les mesures prises par les organisateurs ne sont pas de nature à permettre le respect de l'article 1er du décret ". Les articles 8, 11, 15, 21, 27, 36, 38, 40 et 44 rendent obligatoire l'usage du masque en divers lieux, notamment dans les transports, les établissements ou entreprises recevant du public, les établissements d'enseignement et les marchés couverts. L'article 24 prévoit que le préfet territorialement compétent peut, d'une part, prescrire la mise en quarantaine ou le placement et le maintien en isolement, lorsqu'elles arrivent sur du territoire national depuis l'étranger, des personnes présentant des symptômes d'infection au covid-19 ainsi que des personnes ne pouvant justifier, à leur arrivée, du résultat d'un examen biologique de dépistage virologique réalisé moins de 72 heures avant le vol et des personnes arrivant sur le territoire d'une collectivité mentionnée à l'article 72-3 de la Constitution en provenance du reste du territoire national. Aux termes de l'article 25, le préfet peut également s'opposer au choix du lieu de quarantaine choisi par l'intéressé s'il apparaît que les caractéristiques de ce lieu ou les conditions de son occupation ne répondent pas aux exigences sanitaires qui justifient la mise en quarantaine. L'article 29 précise que le préfet est " habilité à interdire, à restreindre ou à réglementer par des mesures réglementaires ou individuelles les activités qui ne sont pas réglementées par le présent titre " et peut, " par arrêté pris après mise en demeure restée sans suite, ordonner la fermeture des établissements recevant du public qui ne mettent pas en oeuvre les obligations qui leur sont applicables ".
5. L'article L 3131-1 du code de la santé publique dispose par ailleurs : " En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population. Le ministre peut également prendre de telles mesures après la fin de l'état d'urgence sanitaire prévu au chapitre Ier bis du présent titre, afin d'assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire. /Le ministre peut habiliter le représentant de l'Etat territorialement compétent à prendre toutes les mesures d'application de ces dispositions, y compris des mesures individuelles. Ces dernières mesures font immédiatement l'objet d'une information du procureur de la République. /Les mesures individuelles ayant pour objet la mise en quarantaine, le placement et le maintien en isolement de personnes affectées ou susceptibles d'être affectées sont prononcées dans les conditions prévues au II des articles L. 3131-15 et L. 3131-17. "
Sur la demande en référé :
6. Mme B... D..., M. A... C..., M. H... et Mme E... F... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension des dispositions du décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 en tant, d'une part, qu'elles imposent le port du masque et, d'autre part, qu'elles confient aux préfets de département le pouvoir d'interdire les manifestations, de décider du placement en quarantaine ou de l'isolement de certaines personnes et d'interdire toute activité sans limite temporelle.
En ce qui concerne le port du masque :
7. Les requérants font valoir, en premier lieu, que l' obligation de porter le masque, imposée par les dispositions mentionnées au point 4, à toute personne à partir de l'âge de onze ans méconnait la liberté d'aller et venir, le respect de la vie privée, le principe d'égalité dont celui d'égalité d'accès aux soins en raison du coût des masques, sans que ces atteintes graves aux libertés publiques ne soient nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif de protection de la santé publique, et alors que le respect de la distanciation physique et des règles d'hygiène sont des alternatives efficaces et moins attentatoires aux libertés publiques.
8. Eu égard cependant à la persistance de la circulation du virus, à sa dangerosité, variable selon l'âge des personnes, au respect inégal des mesures " barrières " mis en évidence par le bilan publié par Santé publique France en juillet 2020 ainsi qu'à la détérioration constatée depuis septembre des différents indicateurs de suivi de l'épidémie, le moyen tiré de ce que les dispositions contestées qui circonscrivent l'obligation du port du masque aux personnes, aux activités et aux lieux dans lesquelles le respect des mesures " barrières " n'est pas ou ne peut être suffisamment garanti n'établiraient pas une conciliation équilibrée entre l'objectif constitutionnel de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à toute personne résidant sur le territoire de la République n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à leur légalité.
9. Si les requérants soutiennent, en deuxième lieu, que le port du masque peut exposer ses utilisateurs à des risques d'ordre médical, sanitaire, professionnel, psychologique et social, ils n'apportent aucun élément sérieux de nature à justifier de telles allégations, ni à établir que les risques avancés seraient supérieurs au bénéfice attendu par l'obligation du port du masque laquelle, en tout état de cause, n'est pas générale et ne s'applique, aux termes des dispositions des articles 2 et 44 du décret du 10 juillet 2020, ni aux personnes en situation de handicap, ni à la pratique des activités sportives.
10. S'ils font valoir, en troisième lieu, que l'obligation du port du masque méconnaît la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, le moyen soulevé est inopérant, dès lors qu'il résulte de l'article 2 de ladite loi que cette interdiction ne s'applique pas lorsque cette dissimulation est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires.
11. Les requérants soutiennent, enfin, que le décret attaqué est illégal, en tant qu'il ne soumet pas les masques utilisés au dispositif de recyclage prévu par l'article R. 1335-1 du code de la santé publique pour " les déchets issus des activités de diagnostic, de suivi et de traitement préventif, curatif ou palliatif dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire " ou à un dispositif similaire. Les masques utilisés par le public ne constituent pas cependant des déchets infectieux au sens de ces dispositions précitées Le ministère de la transition écologique et solidaire a, par ailleurs, rendu public un protocole détaillé de traitement des masques usagés comprenant le recueil dans un sac poubelle dédié et fermé, sa conservation pendant 24 heures, puis son dépôt dans le sac destiné aux ordures ménagères. Le moyen tiré de ce que ces mesures seraient insuffisantes ou auraient dû être prescrites par le pouvoir réglementaire n'est pas, dès lors et en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.
En ce qui concerne les pouvoirs attribués au préfet :
12. Les requérants font valoir, en premier lieu, que les dispositions mentionnées au point 4 donnant au préfet la faculté d'interdire une manifestation outrepassent la faculté de réglementation prévue par la loi du 9 juillet 2020. Conformément à l'article ler de ladite loi, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19, l'article 3 du décret précise toutefois, que le préfet ne peut, sous le contrôle du juge, interdire une manifestation que dans le seul cas où les mesures d'hygiène et de distanciation sociale que les organisateurs ont obligation de préciser dans leur déclaration à la préfecture, ne sont pas suffisantes pour pallier le risque sanitaire et sans préjudice des dispositions du code de la sécurité intérieure relatives aux pouvoirs de police donnés aux autorités locales pour garantir le respect de l'ordre public.
13. S'ils soutiennent, en deuxième lieu, que la faculté donnée au préfet d'ordonner des mesures de mise en quarantaine et de placement ou de maintien en isolement méconnaît l'habilitation donnée au pouvoir réglementaire par la loi du 9 juillet 2020, ce moyen est inopérant dès lors que ces dispositions trouvent leur fondement dans celles de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique mentionnées au point 5.
14. Les requérants soutiennent, en troisième lieu, que les dispositions de l'article 29 du décret déjà mentionnées au point 4 aux termes desquelles " le préfet du département est habilité à interdire (...) par des mesures réglementaires ou individuelles les activités qui ne sont pas réglementées par le présent titre " donneraient au préfet la faculté d'interdire en tous lieux toutes les activités professionnelles et excéderait, dès lors, l'habilitation donnée par la loi du 9 juillet 2020 au pouvoir réglementaire. Ces dispositions doivent toutefois être interprétées au regard de celles de l'article 1er de la loi qui autorisent la réglementation et la fermeture provisoire d'établissements recevant du public ou de lieux ouverts au public et qui donnent au préfet le pouvoir d'ordonner leur fermeture lorsque n'est pas garantie la mise en oeuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus ou dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus. Il en résulte que les activités que peut interdire, sous le contrôle du juge et pour ces seuls motifs, le préfet sont exclusivement celles qui s'exercent au sein d'établissements recevant du public ou dans des lieux publics.
15. Les requérants soutiennent, enfin, que le décret litigieux méconnaît la portée de l'habilitation issue de la loi du 9 juillet 2020, en en ne fixant aucune limite temporelle aux différents pouvoirs donnés au préfet. Il résulte cependant de l'article I de cette loi que les pouvoirs confiés par le législateur au Premier ministre et, par suite, au préfet agissant sur sa délégation ne sont octroyés que pour la période courant du 11 juillet 2020 jusqu'au 30 octobre inclus, et uniquement, comme il est mentionné au point 4, lorsque les circonstances locales l'exigent.
16. Il résulte de l'ensemble de qui précède qu'aucun des moyens soulevés par la requête n'est, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des dispositions contestées. La requête doit, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner la condition d'urgence, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme B... D..., M. A... C..., M. H... et Mme E... F... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme D..., première requérante dénommée, et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.