Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, reçu individuellement par chaque mandataire judiciaire à la protection des majeurs, le guide ministériel litigieux est d'ores et déjà censé être mis en oeuvre par ses destinataires, en deuxième lieu, le guide ne se borne nullement à rappeler l'état du droit mais impose de nouvelles obligations, sans fondement textuel, aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs, et ce parfois en contradiction avec les obligations qui leur incombent effectivement et, en dernier lieu, il est pris dans un contexte de crise sanitaire ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'acte litigieux ;
- le guide ministériel contesté est entaché d'illégalité dès lors qu'il crée des obligations qui ne reposent sur aucun texte ni aucun principe, voire sont directement contraires à aux missions des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et qu'aucun des moyens invoqués n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les autres requérants, et d'autre part, le ministre des solidarités et de la santé ainsi que le garde des sceaux, ministre de la justice et le Premier ministre ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 3 février 2021, à 10 heures :
- Me Delamarre, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des autres requérants ;
- les représentants de la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et de la Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs ;
Mme B... A... ;
- les représentants du ministre des solidarités et de la santé ;
- la représentante du garde des sceaux, ministre de la justice ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clôt l'instruction.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 février 2021, présentée par la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les autres requérants.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
2. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou Covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre chargé de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 a créé un régime d'état d'urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, et a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020.
3. Une nouvelle progression de l'épidémie a conduit le Président de la République à prendre le 14 octobre dernier, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre sur l'ensemble du territoire national. L'article 1er de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire a prorogé l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 16 février 2021 inclus. Le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'urgence sanitaire, modifié en dernier lieu par un décret du 23 janvier 2021.
4. La Direction générale de la cohésion sociale du ministère des solidarités et de la santé a établi et publié le 20 novembre 2020 un "Guide ministériel" à destination de l'ensemble des mandataires judiciaires à la protection des majeurs comportant un certain nombre de recommandations relatives à l'exercice de leur activité dans le cadre de la crise sanitaire. La Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, la Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs et Mme A..., mandataire judiciaire à la protection des majeurs, demandent, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de ces recommandations. Elles soutiennent que ce document comporte des dispositions impératives qui mettent à la charge des mandataires judiciaires à la protection des majeurs des obligations vis à vis des personnes protégées que le ministre de la santé n'est pas compétent pour leur imposer et qui méconnaissent tant les finalités de leurs missions que les dispositions législatives qui les encadrent.
5. Si, comme l'administration en a d'ailleurs convenu à l'audience, certaines formulations peuvent maladroitement laisser penser qu'elles présentent un caractère impératif, il ressort tant des premières lignes de ce document, qui indiquent que "sauf les cas où elles renvoient à un texte législatif ou réglementaire, les préconisations contenues dans ce guide ont la valeur de recommandations", que de sa teneur générale et de l'intention de ses auteurs, réaffirmée au cours de l'audience publique par les représentants de l'administration, que ce document n'a que pour objet et ne saurait avoir d'autres effets que de rappeler aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs les consignes sanitaires générales et de leur fournir un certain nombre d'indications sur ce qu'ils peuvent faire pour poursuivre l'exercice de leurs missions en apportant une aide aux personnes protégées dans un contexte de crise sanitaire auxquelles elles sont particulièrement vulnérables. Les représentants de l'administration ont d'ailleurs confirmé lors des débats au cours de l'audience que ces préconisations ne donnent lieu à aucun contrôle de leur application ni ne pourraient en aucun cas fonder une quelconque mesure administrative à l'encontre des professionnels auxquels elles s'adressent. Dans ces conditions, l'application du guide contesté n'ayant aucune incidence immédiate sur les obligations professionnelles des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, les requérantes ne justifient d'aucune situation d'urgence de nature à justifier qu'elle soit suspendue.
6. Il résulte de ce qui précède que la requête de la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, de la Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs et de Mme B... A... doit être rejetée, ainsi que leurs conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, de la Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs et de Mme B... A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, première dénommée, pour l'ensemble des requérants, au ministre des solidarités et de la santé et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au Premier ministre.