2°) d'annuler l'ordonnance du 26 avril 2021 ;
3°) de faire droit à ses demandes ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, il existe, s'agissant d'une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, une présomption d'urgence qu'il appartient au ministre de l'intérieur de renverser et, d'autre part, les restrictions de déplacement prises dans le cadre de l'état d'urgence ont été supprimées le 3 mai 2021, de sorte que la limitation des déplacements au seul périmètre géographique de la commune de Grenoble caractérise une atteinte à sa liberté d'aller et venir ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir ;
- la décision du 8 avril 2021 est entachée d'erreur de droit ou, au minimum, d'insuffisance de motivation en ce qu'elle est fondée sur les mêmes faits que ceux ayant conduit au prononcé de la décision du 20 juillet 2020, annulée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 septembre 2020, et qu'aucun élément nouveau postérieur au 4 juillet 2020 n'a été constaté par le ministre de l'intérieur ;
- elle est entachée d'erreur de fait et méconnaît l'article L. 228-1 du code de sécurité intérieure dès lors que, d'une part, son comportement ne constitue pas une menace d'une particulière gravité de nature à justifier la mesure contestée et, d'autre part, il n'entretient aucune relation habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorismes et il ne soutient ou n'adhère à aucune thèse incitant la commission d'acte de terrorisme en France ou à l'étranger ou faisant l'apologie de tels actes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que, en premier lieu, les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée sont irrecevables, en deuxième lieu, la condition d'urgence n'est pas satisfaite et, en dernier lieu, il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- le code de sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B..., et d'autre part, le ministre de l'intérieur ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 20 mai 2021, à 10 heures :
- Me Pinatel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B... ;
- les représentants du ministre de l'intérieur ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 228-2 du même code : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de :/ 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ;/ 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour(...) ;/ 3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation./Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites. / (...)./La personne soumise aux obligations prévues aux 1° à 3° du présent article peut, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, ou à compter de la notification de chaque renouvellement lorsqu'il n'a pas été fait préalablement usage de la faculté prévue au sixième alinéa, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine. Ces recours (...) s'exercent sans préjudice des procédures prévues au sixième alinéa du présent article ainsi qu'aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code. "
3. Par un arrêté du 8 avril 2021, le ministre de l'intérieur a prononcé à l'encontre de M. B... une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance régie par les articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure lui interdisant, pour une durée de trois mois, de quitter le territoire de la commune de Grenoble, lui imposant de se présenter chaque jour à neuf heures au commissariat de police de Grenoble et de déclarer sa résidence ainsi que tout changement de celle-ci. M. B... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative afin d'obtenir l'annulation de cette décision, à titre subsidiaire, sa suspension, ou à défaut son aménagement. Par une ordonnance du 26 avril 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté le surplus de sa requête. M. B... relève régulièrement appel de cette ordonnance et demande, dans le dernier état de ses conclusions précisé à l'audience, à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, l'annulation de cette ordonnance, la suspension de l'arrêté contesté ou, à titre subsidiaire, son aménagement, et que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions du 2e alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
4. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence [...], l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. "
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer l'admission provisoire de M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la régularité de l'ordonnance contestée :
6. Pour fonder le rejet des conclusions présentées devant lui par M. B... à fin de suspension de l'arrêté attaqué, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a estimé que, notamment en raison des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire limitant les déplacements de toute personne hors du domicile, aucune urgence ne s'attachait à l'intervention du juge des référés au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.
7. Toutefois, ainsi que le relève la requête, et comme d'ailleurs les représentants du ministre de l'intérieur n'en ont pas disconvenu à l'audience, ces mesures de restriction sanitaire ont été levées et, en tout état de cause, n'avaient aucune incidence tant sur l'activité professionnelle de M. B..., alors que la mesure qu'il critiquait lui interdisait de sortir des limites de la commune pour quelque motif que ce soit sauf à demander une dérogation, que sur les obligations de présentation quotidienne ou de déclaration d'adresse. En estimant qu'elles privaient par elles-mêmes d'urgence la levée de ces contraintes, sur lesquelles elles n'avaient aucune conséquence, sans rechercher si les conséquences des obligations critiquées sur la situation personnelle de M. B... n'étaient pas constitutives de cette urgence, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit.
Sur l'atteinte grave et illégale à la liberté d'aller et venir de M. B... :
8. En premier lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure que le premier renouvellement d'une mesure de contrôle n'est, contrairement aux éventuels renouvellements suivants, en aucune manière subordonné à sa justification par des éléments nouveaux et complémentaires la justifiant par rapport à la première mesure prononcée. Alors même qu'un délai de quelques mois, comme en l'espèce, sépare la première de la deuxième mesure, l'écoulement du temps est par lui-même sans incidence sur les motifs qui peuvent légalement fonder son prononcé dès lors qu'ils sont au nombre de ceux pouvant la justifier et demeurent valables pour la deuxième. A cet égard, la seule circonstance que les derniers éléments allégués datent du milieu de l'année 2019 ne suffit pas à priver leur invocation de pertinence dès lors qu'il est possible d'apprécier la dangerosité de l'intéressé sur leur fondement.
9. En deuxième lieu, pour démontrer cette perte de pertinence des nombreux éléments factuels invoqués par le ministre issus de différentes procédures juridictionnelles et des résultats des perquisitions administrative et judiciaire ayant permis d'examiner le contenu du téléphone de M. B..., dont le pseudonyme sur un réseau social était " Reda explosif ", qui a téléchargé de très nombreuses vidéos de grande violence terroriste et commentait favorablement les agissements de radicaux violents ou d'auteurs d'attentats, qui s'intéressait aux modes opératoires des attentats et, à l'occasion d'une visite à Paris, a photographié la devanture d'un magasin hypercacher, M. B... se borne à faire état de ses dénégations lors d'interrogatoires par la police, sans donner aucune justification aux faits relevés à son encontre ni en contester la matérialité.
10. En troisième lieu, pour critiquer l'appréciation du caractère habituel de ses relations avec des personnes impliquées dans la mouvance radicale, connues pour leurs positions extrémistes, pour certaines condamnées pour celles-ci, il se borne à énoncer que ces personnes auraient changé d'opinion ou ne seraient pas des connaissances avec lesquelles il entretiendrait des relations habituelles. Alors que l'administration allègue de contacts récents, observés par les services compétents, avec au moins deux personnes connues pour leur engagement radical et leur adhésion aux thèses extrémistes, M. B... ne conteste la portée de ces contacts qu'en indiquant que le ministère n'en rapporte pas la preuve.
11. Au regard de l'ampleur des éléments de fait répondant aux exigences des articles L. 228-1 et suivants, dont aucun des arguments de M. B... ne remet en cause la gravité et le sérieux, le moyen tiré de ce que l'atteinte portée à sa liberté d'aller et de venir serait manifestement illégale ne peut qu'être écarté. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner la condition d'urgence de l'article L. 521-2, il n'y a pas matière, pour le juge des référés, à user de ses pouvoirs, ce motif suffisant à fonder le dispositif de l'ordonnance attaquée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre du rejet de ses conclusions par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble. Par suite, le surplus des conclusions de sa requête ne peut qu'être rejeté, y compris, dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante, celles fondées sur le 2e alinéa de l'article 37 de la loi du 31 juillet 1991 et l'article L. 761-1 du code de justice administrative qui y font obstacle.
O R D O N N E :
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Article 1er : M. B... est admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.