Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 et 27 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme CJ... AD..., Mme BY... O..., Mme CI..., M. BN... BF..., Mme AY... Q..., Mme CH..., M. AK... AH..., Mme L... CB..., Mme AX... E..., Mme AZ... BX..., Mme AU... BH..., M. AK... T..., Mme CC..., Mme BL... BI..., épouse AJ..., M. M... BJ..., Mme CG..., Mme N... BK... épouse BQ..., Mme Z... BC..., épouse BK..., M. AO... AN..., Mme BG... G..., M. AO... Y..., Mme A... BV..., M. H... I..., Mme AT... BZ..., Mme U... J..., Mme CD... BO..., Mme BU... B..., M. AF... K..., Mme BD... BW... et
Mme AA... AB... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle a maintenu les effets de certaines dispositions de l'arrêté n° HC 2866 CAB du 13 août 2020 ;
2°) de faire droit à leur demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 000 francs Pacifique au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête conserve un objet malgré l'abrogation de l'arrêté en litige ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté contesté porte une atteinte suffisamment grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et de venir, à la liberté individuelle, au droit au respect de la vie privée et familiale, à la liberté d'entreprendre, à la liberté de commerce, au principe de légalité des délits et des peines et au droit à la protection de la santé ;
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;
- il porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés précitées en imposant le port de masques dont les caractéristiques ne sont pas définies, pour des périmètres dont la délimitation est incohérente, alors qu'il n'est pas prévu que des masques puissent être mis gratuitement à la disposition du public et qu'il n'est pas établi que le port du masque puisse être efficace dans la lutte contre l'épidémie de covid-19 ;
- il porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés précitées en prévoyant une obligation générale de distanciation sociale, sans dispenser les membres d'une même famille du respect de cette règle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête. Il soutient que l'arrêté contesté a été abrogé par l'arrêté n° HC/3099/CAB du haut-commissaire de la République en Polynésie française du 20 octobre 2020, puis remplacé par l'arrêté n° HC/4059/CAB du 23 octobre 2020.
La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur et au ministre des
outre-mer qui n'ont pas produit d'observations.
Vu :
- la Constitution ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;
- le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 ;
- le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 ;
- le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme AD... et les autres requérants et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, le ministre des solidarités et de la santé et le ministre des outre-mer.
Ont été entendus lors de l'audience publique du 28 octobre 2020 à 10 heures ;
- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme AD... et des autres requérants ;
- le représentant du ministère des solidarités et de la santé ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
2. Mme AD... et d'autres requérants, qui résident en Polynésie française, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté n° HC 2866 CAB du haut-commissaire de la République en Polynésie française du 13 août 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de la sortie de l'état d'urgence sanitaire, pris sur le fondement du décret n° 2010-560 du 10 juillet 2020, lui-même pris en application de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Par une ordonnance du 25 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, a enjoint au haut-commissaire de la République en Polynésie française de prendre, au plus tard le vendredi 2 octobre 2020, un nouvel arrêté ou de modifier l'arrêté du 13 août 2020, afin de délimiter de façon cohérente et intelligible l'obligation du port du masque dans les communes de Vairao, Toahotu et Teahupoo, d'autre part, a prévu qu'à défaut d'une telle modification, l'exécution de l'arrêté du 13 août 2020 serait suspendue en tant qu'il concerne ces zones et, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par un arrêté du 1er octobre 2020, le haut-commissaire de la République en Polynésie française a modifié son arrêté du 13 août 2020 en vue d'exécuter l'injonction du juge des référés. Mme AD... et une partie des requérants de première instance demandent, par la voie de l'appel, au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'elle ne fait pas droit au surplus des conclusions de leur demande.
3. Toutefois, depuis l'introduction de l'appel de Mme AD... et des autres requérants, le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 a déclaré l'état d'urgence sanitaire sur l'ensemble du territoire de la République à compter du 17 octobre 2020 à 0 heure, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3131-13 du code de la santé publique. En outre, le décret
n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 a prescrit de nouvelles mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19, lesquelles s'appliquent, sauf disposition contraire, à la Polynésie française.
4. Dans ce contexte renouvelé, il résulte de l'instruction que le haut-commissaire de la République en Polynésie Française a, le 20 octobre 2020, pris l'arrêté n° HC 3099/CAB, qui a été publié le même jour au Journal officiel de la Polynésie française, en vue, d'une part, de préciser les adaptations, justifiées par la situation de la Polynésie française, de cette nouvelle réglementation et, d'autre part, d'abroger son arrêté du 13 août 2020. Cet arrêté du 20 octobre 2020 a lui-même été abrogé par un arrêté du 23 octobre 2020, publié le lendemain au Journal officiel de la Polynésie française, qui a, en outre, édicté de nouvelles mesures pour faire face à l'évolution de l'épidémie de covid-19 sur le territoire de la Polynésie française. Dans ces conditions, les conclusions de Mme AD... et des autres requérants tendant à ce que l'ordonnance qu'ils attaquent soit annulée en ce qu'elle n'a pas fait droit au surplus des conclusions de leur demande, tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution des autres dispositions de l'arrêté du 13 août 2020, ont perdu leur objet. Il en résulte qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.
5 Enfin, il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme AD... et les autres requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme AD... et des autres requérants tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 2000544 du 25 septembre 2020 du juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme AD... et des autres requérants est rejeté.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme CJ... AD..., première requérante dénommée, au ministre des solidarités et de la santé, au ministre de l'intérieur et au ministre des outre-mer.