Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 4 avril 2016 et le 5 février 2018, M. C...et MmeE..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler la décision du département de la Gironde du 7 octobre 2013 refusant de réparer le mur ;
3°) de condamner le département de la Gironde à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;
4°) d'enjoindre au département de la Gironde de réaliser, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, les travaux de remise en état du mur de soutènement conformément au devis de travaux établi par la société Lescout pour un montant de 11 933,95 euros HT ;
5°) de mettre à la charge du département de la Gironde la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que le mur endommagé constituait une simple clôture et non pas une dépendance de la voie publique ;
- le mur endommagé assure principalement le soutènement de la route départementale n° 10 et constitue ainsi un accessoire indissociable de la voie publique, partie intégrante du domaine public départemental en vertu de l'article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques ;
- quand bien même ils seraient propriétaires de ce mur, il constitue un ouvrage public dont l'entretien incombe au propriétaire de la voie dont il est l'accessoire ;
- la responsabilité sans faute du département doit être engagée dès lors qu'ils sont tiers par rapport à l'ouvrage et qu'ils ont subi un dommage anormal et spécial ;
- le refus du département de procéder aux réparations du mur les prive d'une partie de la jouissance de leur propriété, leur causant ainsi un préjudice s'élevant à 5 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 décembre 2017, le département de la Gironde, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C...et Mme E...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable, le juge de première instance n'a pas, contrairement à ce qu'allèguent les requérants, commis d'erreur d'appréciation des faits ;
- le mur en cause n'est pas une dépendance du domaine public départemental, mais appartient aux consortsC... ;
- seul le transporteur de bois est responsable des dommages causés au mur et les consorts C...avaient saisi leur assureur en précisant que l'assureur de l'entreprise qui a livré le bois devait assurer la réparation des dommages ; il ne saurait être condamné à payer une somme qu'il ne doit pas ;
- même si la propriété du mur lui était reconnue, sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors que les consorts C...ne démontrent pas avoir subi un dommage anormal et spécial.
Par ordonnance du 16 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 6 février 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,
- et les observations de MeG..., représentant le département de la Gironde.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...C...et Mme F...E...sont propriétaires d'une parcelle située sur le territoire de la commune de Paillet, au lieudit " le Port ", actuellement cadastrée A 540 longeant en partie la route départementale n°10. Cette propriété est bordée par un mur en moellons et pierres de 1,30 m de haut sur 0,60 m de large qui a été endommagé le 13 juin 2013 par un camion de livraison de bois. Le 7 octobre 2013, le département de la Gironde a rejeté leur demande de réparation du mur. Après déclaration du sinistre à leur assureur, la Mutuelle d'assurance des instituteurs de France (MAIF), une expertise amiable a été réalisée par le cabinet EUREXO le 5 février 2014 et le rapport a été déposé le 4 juin 2014. M. C...et Mme E...ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant d'une part, à l'annulation de la décision du 7 octobre 2013 et d'autre part, à la condamnation du département de la Gironde à réparer le préjudice en lien avec ces dommages. M. C...et Mme E...relèvent appel du jugement du 9 février 2016, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Sur la recevabilité de la requête :
2. La requête d'appel énonce de manière précise les critiques dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Bordeaux et répond ainsi aux exigences de motivation des requêtes d'appel prévues par les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la requête est recevable.
Sur le refus de réparer le mur litigieux :
3. Un mur destiné à soutenir une voie publique, qui passe en surplomb d'un terrain privé, constitue l'accessoire de la voie publique et présente le caractère d'un ouvrage public, alors même qu'il serait implanté dans sa totalité sur un terrain privé.
4. Il ressort des pièces du dossier que si le mur litigieux longe la parcelle n° 540 et se poursuit le long de la parcelle n° 2 dont sont aussi propriétaires M. C...et MmeE..., ce mur, dans sa partie située le long de la route départementale 10, laquelle surplombe à cet endroit la propriété des appelants, constitue également un mur de soutènement de la route départementale. Cette partie du mur constitue ainsi l'accessoire indispensable de cette voie et présente le caractère d'un ouvrage public dont l'entretien incombe au département de la Gironde, alors même qu'il serait implanté dans sa totalité sur le terrain privé des appelants. Par suite, les requérants sont fondés à demander l'annulation de la décision du 7 octobre 2013 par laquelle le département de la Gironde a refusé de procéder à la réparation du mur au motif que son entretien ne lui incomberait pas.
Sur la responsabilité du département de la Gironde :
5. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers en raison tant de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.
6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport réalisé à la demande de l'assureur des requérants, qui a été produit à l'instance et qui peut être retenu comme pièce du dossier, que seule la partie supérieure du mur de soutènement est déformée et que le risque d'effondrement sera limité dès lors que l'excavation existante sera comblée. Ainsi, il existe un lien de causalité entre l'ouvrage public que constitue le mur de soutènement de la voie publique, à l'égard duquel les requérants ont la qualité de tiers, et les désordres résultant de cet ouvrage, qui peut s'effondrer sur leur propriété si des travaux de reprise ne sont pas réalisés. Dès lors, la responsabilité sans faute du département de la Gironde est susceptible d'être engagée à l'égard des requérants.
Sur la réparation du préjudice de jouissance :
7. Si M. C...et Mme E...demandent la réparation d'un préjudice de jouissance qu'ils évaluent à 5 000 euros en raison notamment du risque d'éboulement du mur à l'intérieur de leur propriété, qui nécessiterait la mise en place d'un périmètre de protection de près de 50 m², les privant ainsi de la possibilité d'exploiter correctement leur terre avec un engin motorisé, ils n'apportent aucun élément permettant d'établir l'usage qu'ils font de cette parcelle et la réalité de ce préjudice. Par suite, les conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. M. C...et Mme E...demandent qu'il soit enjoint sous astreinte au département de la Gironde de procéder aux travaux tels que définis par le devis de la société Lescout du 11 novembre 2013. Il n'est pas sérieusement contesté que l'état du mur engendre un danger d'effondrement, et par suite des risques tant pour les usagers de la voie publique que pour l'utilisation du terrain en contrebas. Toutefois, le rapport d'expertise a estimé que le devis présenté par les requérants qui chiffre à la somme de 11 933,95 euros HT le montant des travaux de reconstruction du mur est excessif dès lors que seule la partie sommitale du mur devrait être reprise. Dans ces conditions, il y a seulement lieu d'enjoindre au département de la Gironde de faire procéder aux réparations de nature à assurer la stabilité de la route n°10 et du mur et à éliminer tout risque d'éboulement à l'intérieur de la propriété des requérants, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...et Mme E...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 7 octobre 2013 et à ce qu'il enjoint au département de procéder à la réparation du mur.
Sur les frais exposés par les parties au litige :
10. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La décision du 7 octobre 2013 du département de la Gironde est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au département de la Gironde de faire procéder dans un délai de quatre mois aux travaux nécessaires à la réparation du mur longeant la parcelle de M. C...et Mme E....
Article 3 : Le jugement n° 1403568 du 9 février 2016 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...et Mme E...est rejeté.
Article 5 : Les conclusions du département de la Gironde présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Mme F...E...et au département de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 16BX01149