Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 mars 2016 et un mémoire enregistré le 24 mai 2016, M. C..., représenté par Me Chambaret, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1504764, 1505268 du 12 novembre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler les deux décisions du préfet de la Haute-Garonne portant reconduite à la frontière et fixation du pays de renvoi contenues dans l'arrêté du 15 octobre 2015 ;
3°) d'annuler la décision du 9 novembre 2015 du préfet de la Haute-Garonne le plaçant en rétention administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Patricia Rouault-Chalier,
- et les observations de Me Chambaret avocat de M.C....
Vu la note en délibéré enregistrée à la cour le 20 juin 2016, présentée pour M. C..., par Me Chambaret
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant serbe, serait entré en France en 1973 selon ses déclarations. Par un jugement du tribunal correctionnel de Perpignan en date du 5 janvier 2011, M. C...a été condamné à un emprisonnement délictuel de six ans pour infraction à la législation sur les stupéfiants et a été incarcéré au centre de détention de Muret. Par un arrêté du 15 octobre 2015, le préfet de la Haute-Garonne a ordonné sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de renvoi, avant d'ordonner son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours par une décision du 9 novembre 2015. M. C...relève appel du jugement n° 1504764, 1505268 du 12 novembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes d'annulation de cet arrêté et de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que le premier juge a omis de statuer sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que le préfet ne se serait pas livré, avant de prendre la décision de reconduite à la frontière attaquée, à un examen particulier et complet de sa situation. Par suite, le jugement est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et doit être annulé en tant qu'il a statué sur la demande de M. C...tendant à l'annulation de la décision portant reconduite à la frontière.
3. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de reconduite à la frontière et de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi et de la décision plaçant M. C...en rétention administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de reconduite à la frontière :
4. L'arrêté attaqué vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'article L. 533-1 (1°). Cet arrêté mentionne que, selon ses déclarations, M. C...serait entré en France en 1973 à l'âge de 10 ans sous couvert d'un passeport et aurait obtenu une carte de séjour de dix ans, sans toutefois en apporter la preuve. Le préfet rappelle que l'intéressé a purgé une peine de six ans de prison pour des faits de contrebande de marchandises, transports de stupéfiants, trafic et récidive et ajoute qu'il ne justifie pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie personnelle dans son pays d'origine, où vivent ses parents et où il n'établit pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de M. C..., comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée. Par ailleurs, si, pour estimer que la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre du requérant ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, le préfet de la Haute-Garonne a indiqué qu'il est célibataire, alors qu'il a conclu un pacte civil de solidarité avec Mme B...le 24 septembre 2014, les autres circonstances sur lesquelles le préfet s'est fondé, tenant à l'irrégularité de son séjour sur le territoire national, à son comportement délictuel en récidive constitutif d'une menace à l'ordre public et au fait qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, lui permettaient à elles seules de justifier que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'étaient pas méconnues. Par suite, l'erreur dont se prévaut le requérant, qui est sans incidence sur le bien-fondé de la mesure litigieuse, n'est pas de nature à révéler de la part de l'autorité administrative un défaut d'examen de sa situation personnelle.
5. En réponse au moyen tiré de ce que la décision de reconduite à la frontière serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet n'a pas invité M. C... à présenter des observations préalablement à son édiction, le magistrat désigné par le président du tribunal a estimé qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé " a été entendu, à la demande du préfet de la Haute-Garonne le 10 septembre 2015 lors de sa détention par les services de police, lesquels ont pu recueillir des éléments circonstanciés sur sa situation personnelle et familiale, qu'il a été informé qu'une décision portant éloignement du territoire français était susceptible d'être prise à son encontre et qu'il a été invité à présenter des observations écrites et orales ". Il a ajouté que " M. C...ne justifie pas avoir usé de cette faculté " et " que la circonstance que, postérieurement à cette audition, l'intéressé a été informé, le 25 septembre 2015, que le préfet de la Haute-Garonne envisageait de mettre à exécution l'interdiction définitive du territoire français prononcée par le tribunal correctionnel d'Ajaccio le 28 avril 1998 et que, tout en faisant observer que ce jugement n'était pas définitif, il a demandé le 5 octobre 2015 à pouvoir dans ce cadre présenter ses observations orales et être assisté de son conseil sans qu'il y soit donné suite, est sans incidence sur la régularité de l'arrêté contesté, lequel se fonde sur le 1° de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Ces dispositions permettent au préfet de reconduire à la frontière l'étranger dont le comportement constitue une menace à l'ordre public. M. C...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas sérieusement la réponse apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des actions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces dispositions et stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. M. C...fait valoir qu'il est entré en France en 1973, qu'il a conclu un pacte civil de solidarité avec MmeB..., de nationalité française, avec laquelle il vit depuis 1996, et que sa soeur est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 25 juin 2025. Toutefois, l'intéressé, qui n'apporte pas la preuve de la date de son entrée sur le territoire français, a déclaré dans le procès verbal d'audition dressé par les services de police le 10 septembre 2015 qu'il a effectué son service militaire dans son pays d'origine en 1982-1983, qu'il ne dispose pas de documents d'identité, qu'il n'a pas régularisé sa situation en France depuis 1992, qu'il séjourne de manière habituelle en Espagne avec de faux papiers, hormis les périodes au cours desquelles il a été incarcéré en France, et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Serbie où résident ses parents. Il ressort également des pièces du dossier que M. C...a été condamné par des jugements rendus le 28 avril 1998 par le tribunal correctionnel d'Ajaccio, le 4 décembre 2001 par le tribunal correctionnel de Nice et le 5 janvier 2011 par le tribunal correctionnel de Perpignan à des peines d'emprisonnement de respectivement 9 ans et deux fois 6 ans, ainsi qu'au paiement d'amendes. S'il se prévaut de la présence de sa soeur sur le territoire national, il n'établit pas l'intensité du lien qui l'unit à cette dernière. Enfin, s'il fait état du pacte civil de solidarité qu'il a conclu avec Mme B...et s'il fait valoir qu'il partage avec cette dernière une vie commune depuis 1996, il ne démontre pas, toutefois, l'ancienneté, l'intensité et la stabilité de cette relation. Dans ces conditions, et alors même qu'il a travaillé au cours de sa détention, M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision de reconduite à la frontière, à la date à laquelle elle a été prise, aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
8. Par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger les mesures d'éloignement. Par suite, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
9. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné: 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible (...). ".
10. Le requérant soutient que la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur de droit car elle ne prévoit pas en son dispositif qu'il pourra être éloigné à destination du pays lui ayant délivré un document de voyage en cours de validité. Toutefois, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi, dès lors que le préfet a prévu que l'intéressé pourrait être reconduit d'office à destination, notamment, de tout pays dans lequel il serait légalement admissible.
En ce qui concerne la décision portant placement en rétention administrative :
11. La décision litigieuse vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, et notamment les articles L. 551-1 à L. 562-3 et précise que l'exécution volontaire de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de l'intéressé ne demeure pas une perspective raisonnable dès lors qu'il a été condamné à six ans d'emprisonnement par le tribunal de grande instance de Perpignan et qu'il ne dispose pas de ressources licites. Le préfet ajoute que M. C...ne peut justifier de la possession d'un document de voyage original en cours de validité et qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente auprès de l'administration dès lors qu'il n'a jamais effectué de démarche en vue de sa régularisation. Si l'intéressé soutient qu'il a fourni son adresse lors de son audition du 10 septembre 2015 par les services de police à sa sortie du centre de détention de Muret, il n'apporte toutefois pas la preuve qu'il s'agit de son domicile fixe. Par suite, et alors au demeurant que le requérant critique en réalité moins la suffisance de la motivation que son bien-fondé, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
12. M. C...soutient que la décision portant placement en rétention administrative serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière, faute pour l'administration d'avoir procédé à son audition préalable. Mais, d'une part, comme l'a jugé à juste titre le premier juge, par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure, administratives et contentieuses auxquelles sont soumises les mesures d'éloignement et les décisions prises pour leur application. Il suit de là que le requérant ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée à l'appui de sa contestation de la décision le plaçant en rétention administrative. D'autre part, si M. C...a entendu se prévaloir du principe général du droit de l'Union européenne portant sur le droit d'être entendu préalablement à une décision faisant grief, celui-ci implique seulement que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Enfin, et en tout état de cause, il ressort du procès-verbal d'audition du requérant par les services de police en date du 10 novembre 2015 que M. C...ayant été informé qu'il était placé en rétention administrative, il a, dès lors, été mis à même de présenter des observations. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la mesure litigieuse serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.
13. Aucun des moyens dirigés contre la décision de reconduite à la frontière n'étant fondé, M. C... ne peut pas se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision pour contester la mesure de placement en rétention administrative dont il a fait l'objet.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2015 et de la décision du 9 novembre suivant du préfet de la Haute-Garonne. Par suite, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1504764, 1505268 du 12 novembre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de reconduite à la frontière.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Toulouse en tant qu'elle est dirigée contre la décision de reconduite à la frontière et le surplus de sa requête présentée devant la cour sont rejetés.
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N° 16BX01089