Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 avril 2014 complété par un mémoire complémentaire enregistré le 19 mai 2016 M.A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200157 du tribunal administratif de la Réunion du 16 janvier 2014 ;
2°) d'annuler la décision du 10 janvier 2012 par laquelle le directeur des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi l'a muté au sein du pôle 3e de cette direction ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Philippe Delvolvé, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...A..., inspecteur du travail, a été affecté à compter du 1er août 2008 à la Direction du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de La Réunion, devenue le 1er janvier 2011 la Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIECCTE), en qualité d'agent de contrôle de la formation professionnelle, au sein du service régional de contrôle de la formation professionnelle continue. Par une décision du 10 janvier 2012, le directeur des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi l'a affecté par nécessité de service au sein du 3ème pôle de la même direction pour y exercer les fonctions de chargé de mission au service développement de l'emploi et des qualifications relevant également du pôle économie-entreprise-emploi.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort de la lecture du jugement attaqué que le tribunal administratif de la Réunion a rejeté la requête de M. A...comme irrecevable, estimant que la décision contestée était une mesure d'organisation du service qui ne lui faisait pas grief. Pour arriver à cette conclusion, le tribunal était cependant tenu d'écarter le moyen soulevé par l'intéressé tiré de ce que la décision du 10 janvier 2012 constituait, conformément aux dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires une mesure prise en raison d'une situation de harcèlement moral dont il était victime. Faute d'avoir répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité. Il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement et de statuer sur la demande présentée par M. A...devant le tribunal par la voie de l'évocation.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé aux agissements définis ci-dessus. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. "
4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. M. A...soutient que le changement d'affectation dont il a fait l'objet a pour cause la dénonciation de sa part - par des courriels de novembre 2011 et par un courrier adressé le 6 décembre 2011 par son conseil au directeur - du harcèlement moral qu'il subissait. Cependant, si l'intéressé fait état d'un tel harcèlement dans sa correspondance, le contenu des courriels que lui a adressés son supérieur hiérarchique en 2011, qui comportent des observations critiques sur sa façon de servir, constitue l'expression normale du pouvoir hiérarchique et sont dépourvus de tout élément de harcèlement moral. Le requérant ne produit aucun élément de nature à établir que les reproches d'ordre professionnel qui lui ont été adressés par sa hiérarchie dépasseraient l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et auraient pour cause une volonté de harcèlement moral à son encontre.
6. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du 10 janvier 2012, affectant le requérant au sein du 3ème pôle de la Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ait entraîné pour lui un changement de résidence administrative. Cette nouvelle affectation n'a pas non plus entraîné de diminution du niveau de responsabilités, ni une baisse de rémunération, pas plus qu'une incidence dans l'évolution de sa carrière. La circonstance que l'agent ayant précédemment occupé le poste vers lequel il a été muté était de catégorie B alors qu'il est lui-même de catégorie A n'est pas de nature à établir que les fonctions concernées révèlent une diminution de ses responsabilités. Ainsi, la décision en litige constitue une simple mesure d'ordre intérieur portant affectation de l'agent au titre d'une réorganisation du service. Dans ces conditions, la demande de M. A...tendant à l'annulation de cette mesure est irrecevable et ne peut qu'être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1200157 en date du 16 janvier 2014 du tribunal administratif de La Réunion est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de La Réunion et ses conclusions présentées devant la cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 14BX01328