Par un jugement nos 1501038 et 1501039 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint les deux demandes a annulé les deux décisions du 4 septembre 2014 et a enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen des demandes d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile de M. et MmeE....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2015, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille, avec toutes conséquences de droit.
Il soutient que :
- la demande de réexamen au titre de l'asile présente un caractère dilatoire ou abusif ;
- l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande nouvelle comme ne reposant pas sur un fait ayant une valeur probante.
La requête a été communiquée à M. et Mme F...E...qui n'ont pas produit de mémoire en défense.
M. et Mme E...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai qui a désigné Me A...D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. et MmeE..., ressortissants azerbaidjanais, sont entrés en France le 9 mars 2012 ; qu'à la suite du rejet, le 24 octobre 2013, de leur demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis, le 6 juin 2014, par la Cour nationale du droit d'asile, ils ont sollicité le 6 août 2014 le réexamen de leur demande d'asile ; que, le 4 septembre 2014, le préfet du Nord leur a opposé un refus d'admission provisoire au séjour et a transmis la demande des intéressés à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure prioritaire ; que le préfet du Nord relève appel du jugement du 7 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 4 septembre 2014 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / (...) / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (...) " ;
3. Considérant que l'application des dispositions précitées du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impose à l'administration de procéder à une appréciation, au cas par cas, des faits de l'espèce pour déterminer si une nouvelle demande constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; qu'à l'appui de leur demande de réexamen de leur situation au regard du droit d'asile, M. et Mme E...ont produit une convocation par les autorités policières azerbaidjanaises en mai 2014 dont le préfet du Nord, dans sa décision du 4 septembre 2014, a expressément mis en doute le caractère nouveau ; que, par suite, en se fondant à la fois sur les doutes que lui inspirait le caractère nouveau des éléments produits à l'appui de cette demande et sur le bref délai entre le rejet par la Cour nationale du droit d'asile de leur recours notifié le 2 juillet 2014 et la demande de réexamen formulée le 6 août 2014, le préfet du Nord n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur une telle erreur pour annuler sa décision du 4 septembre 2014 ; qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens développés par M. et Mme E...devant le tribunal administratif ;
5. Considérant que, par un arrêté du 19 août 2014 régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à M. Guillaume Thirard, secrétaire général adjoint de la préfecture du Nord, à l'effet de signer, notamment, tous arrêtés et décisions relevant des attributions de la direction de la réglementation et des libertés publiques et de la direction de l'immigration et de l'intégration ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté ;
6. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, adoptées pour assurer la transposition en droit français des objectifs fixés par l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, l'étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile, est informé par les services de la préfecture des pièces à fournir en vue de cette admission et doit se voir remettre un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter, ainsi que sur les organisations susceptibles de lui procurer une assistance juridique, de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil offertes aux demandeurs d'asile ; que cette information doit être faite dans une langue dont il est raisonnable de penser que l'intéressé la comprend ;
7. Considérant que la remise de ce document doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, dans le respect notamment des délais prévus ; que le défaut d'un tel document ne peut, ainsi, être utilement invoqué à l'appui d'un recours mettant en cause la légalité de la décision par laquelle le préfet statue, en fin de procédure, après intervention de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, après celle de la Cour nationale du droit d'asile, sur le séjour en France au titre de l'asile ou à un autre titre ; que, par suite, M. et Mme E...ne peuvent utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision de refus de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps qu'il soit statué sur le demande de réexamen, ni de la circonstance qu'ils n'auraient pas été destinataires des informations requises par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'occasion du dépôt de leur demande initiale, ni de ce qu'ils n'aient pas été assistés d'un interprète lors de la notification du refus d'admission au séjour pris après le rejet de leur demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'au demeurant, et pour le surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme E...auraient été privés des informations auxquelles ils avaient droit ;
8. Considérant que la décision du 4 septembre 2014 par laquelle le préfet du Nord a refusé de délivrer à M. et Mme E...une autorisation provisoire de séjour et les a informés que leur demande serait examinée selon la procédure prioritaire fait référence aux articles L. 723-1 et L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, le préfet du Nord, pour estimer que les demandes étaient dilatoires et abusives, s'est fondé à la fois sur les doutes que lui inspirait le caractère nouveau des documents et sur le délai de quelques semaines qui séparait le rejet de la demande initiale par la Cour nationale du droit d'asile et la demande de réexamen ; qu'ainsi, la décision est suffisamment motivée ;
9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la motivation de la décision attaquée, que le préfet du Nord ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle des intéressés, ni qu'il n'aurait pas examiné les éléments présentés comme nouveaux qui motivaient la demande de réexamen ;
10. Considérant qu'à l'appui de leur demande de réexamen, M. et Mme E...ont produit une convocation de M. F...E...à la police du district de Masali du 1er mai 2014 qui est dépourvue de toute précision et ne permet pas d'établir qu'il ferait l'objet de poursuites en raison de ses sympathies politiques ; que, d'ailleurs, la Cour nationale du droit d'asile, dans sa décision du 6 juin 2014, avait jugé, à la suite de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, que les allégations des requérants concernant les poursuites dont ils auraient été l'objet en Azerbaïdjan étaient dépourvues de crédibilité ; que si les requérants font valoir que M. E... a été récemment hospitalisé en institution psychiatrique pour troubles anxieux, cette circonstance ne suffit pas, en l'espèce, à justifier les craintes alléguées ; que, par suite, c'est à bon droit que le préfet du Nord a estimé que la demande des intéressés présentait un caractère abusif ;
11. Considérant que la demande d'asile d'un étranger dont le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 du même code ou qui s'est vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document, fait l'objet d'un traitement selon la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cet étranger dispose du droit de contester la décision de rejet prononcée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il dispose également de la possibilité de saisir le tribunal administratif d'un recours en référé-liberté contre le refus d'admission provisoire au séjour opposé pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 ainsi que d'un recours pour excès de pouvoir suspensif contre l'obligation de quitter le territoire et la mesure fixant le pays de renvoi prises à la suite du rejet de sa demande d'asile ; que, dans ces conditions, le droit au recours effectif n'implique pas nécessairement que l'étranger puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile, juridiction devant laquelle, au demeurant, l'étranger dispose de la faculté de se faire représenter par un conseil ou par toute autre personne ; que, dès lors, M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne seraient pas compatibles avec le droit au recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
12. Considérant que l'ensemble de la famille de M. et Mme E...est en situation irrégulière ; qu'ils ne sont pas dépourvus d'attaches en Azerbaïdjan qu'ils ont quitté en 2012 et où l'unité familiale a vocation à se reconstituer ; qu'ils ne justifient pas d'attaches familiales ou personnelles en France ni d'une insertion particulière dans la société française ; que la circonstance que M.E..., qui au demeurant n'a pas sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade, souffrirait de troubles anxieux est indifférente au regard de son droit à une vie privée et familiale normale ; que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont donc pas été méconnues ;
13. Considérant que la circonstance que la demande de réexamen ait été jugée abusive par le préfet du Nord, au demeurant à bon droit, et qu'elle ait été traitée selon la procédure prioritaire ne fait pas courir de risque pour la santé de l'enfant du couple qui est en bas âge, ni ne fait obstacle à la scolarisation des aînés ; que, par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 4 septembre 2014 ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 7 juillet 2015 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme E...devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F...E...et à Mme B...C..., épouseE....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 juillet 2016.
Le président-rapporteur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°15DA01372 4