Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2015, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a annulé la décision d'interdiction de retour ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M.C....
Il soutient qu'il a légalement pris en compte les critères posés par les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée à M. E...qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) / Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français " ;
2. Considérant que, pour interdire à M. C...de revenir sur le territoire français pendant trois ans, le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé sur le caractère irrégulier de son séjour, l'absence de liens familiaux, personnels et professionnels forts en France, l'absence de démarche de l'intéressé en vue de régulariser sa situation et la commission des délits d'escroquerie et d'usurpation d'identité ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...est entré en France en mars 2015 sous couvert d'un visa délivré par les autorités françaises le 19 mars 2015 et valable jusqu'au 3 mai 2015 ; qu'il s'y est maintenu de manière irrégulière et n'avait pas cherché à régulariser sa situation administrative lors de son interpellation pour flagrant délit d'escroquerie le 22 août 2015 ; qu'à l'occasion de sa garde à vue, il a usé d'une fausse identité ; que s'il se prévaut, en cours d'instance, d'une relation avec une ressortissante française, Mme B., qui attendrait un enfant de leur relation, il n'avait toutefois pas fait état de ces éléments lors de son audition de police du 23 août 2015, au cours de laquelle il avait déclaré résider avec sa concubine Mme N. ; que M. C...ne démontre ni la réalité, ni l'intensité de la relation avec Mme B., ni la réalité de son état de grossesse ; que l'intéressé ne dispose d'aucune attache familiale en France ; que, dans ces conditions et alors même que les faits d'escroquerie et d'usurpation d'identité n'avaient pas donné lieu au jour de la décision attaquée à des poursuites pénales et que M. C...n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision d'interdiction de retour d'une durée de trois ans d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans ; qu'il appartient, toutefois, à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif à l'encontre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ;
4. Considérant que, par un arrêté du 17 avril 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de la Seine-Maritime a donné délégation à Mme B...A..., chef du service de l'immigration et de l'intégration de la direction de la réglementation et des libertés publiques de la préfecture de la Seine-Maritime à l'effet de signer, notamment la décision attaquée ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision doit être écarté ;
5. Considérant que la décision d'interdiction de retour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, notamment, le préfet de la Seine-Maritime a visé les critères posés par les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;
6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier et approfondi de la situation de M.C... ;
7. Considérant que, dès lors que M. C...excipe de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire et que le jugement attaqué n'est pas devenu définitif, il y a lieu d'examiner, par voie d'exception, les moyens de première instance de M. C...dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
8. Considérant que, comme il a été dit au point 4, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant obligation de quitter le territoire français manque en fait et doit être écarté ;
9. Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par l'intéressé dans le cadre de la procédure de retenue, que M. C...a été entendu le 23 août 2015 par les services de police et qu'il a été informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que l'intéressé a ainsi eu la possibilité, au cours de cet entretien, de faire valoir utilement ses observations ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté ;
11. Considérant que M. C...est entré en France en mars 2015 ; que, comme il a été dit au point 2, l'intéressé ne démontre ni la réalité, ni l'intensité des liens qu'il prétend avoir noués sur le territoire ; qu'il ne fait pas état d'une intégration d'une particulière intensité sur le territoire ; qu'il ne justifie pas davantage être dépourvu de toute attache familiale en Côte d'Ivoire où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans ; que, dans ces conditions, eu égard aux conditions du séjour en France de l'intéressé, qui est célibataire et sans charge de famille, la mesure d'éloignement prononcée par le préfet de la Seine-Maritime ne porte pas au droit à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le préfet n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
12. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, M. C...n'établit pas la réalité de l'état de grossesse de sa prétendue compagne ; que, dès lors et en tout état de cause, il ne peut utilement s'en prévaloir pour soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
13. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 11, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, M. C...n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;
15. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision d'interdiction de retour sur le territoire des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
16. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " 1. Les décisions de retour sont assorties d'une interdiction d'entrée : / a) si aucun délai n'a été accordé pour le départ volontaire, ou / b) si l'obligation de retour n'a pas été respectée. / Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d'une interdiction d'entrée. / 2. La durée de l'interdiction d'entrée est fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas et ne dépasse pas cinq ans en principe (...) " ;
17. Considérant que ces dispositions n'imposent pas que la situation de l'étranger, à l'encontre duquel une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français est envisagée, soit appréciée par l'autorité administrative au regard du territoire de l'ensemble des Etats membres de l'espace Schengen au lieu du seul territoire français ; que, par suite, les éléments d'appréciation énoncés par les dispositions rappelées ci-dessus du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier la durée de présence sur le territoire français, la nature et l'ancienneté des liens avec la France et la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français, ne présentent pas un caractère plus restrictif que ceux prévus par les dispositions de cette directive ; que ces dispositions ne sont, par suite, pas contraires aux objectifs de celle-ci ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision interdisant de revenir sur le territoire français aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives incompatibles avec les objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait illégale ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 27 août 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Rouen et tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M.E....
Copie sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 juillet 2016.
Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre rapporteur,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°15DA01609 3