Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 mai 2019, MmeA..., représentée par Me B... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 20 février 2019 ordonnant son transfert aux autorités polonaises ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'enregistrer sa demande d'asile, dans le délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 300 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, à titre subsidiaire, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., née le 7 août 1993, de nationalité mongole, interjette appel du jugement du 10 avril 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 février 2019 de la préfète de la Seine-Maritime ordonnant son transfert aux autorités polonaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) ; / 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens ; / (...). / Les présidents des cours administratives d'appel (...) et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement (...) ".
Sur la motivation de l'arrêté de transfert :
3. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
5. L'arrêté attaqué vise le règlement n° 604/2013, indique que la consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressée avait déposé une demande d'asile en Pologne, préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France, qu'une demande de prise en charge a été adressée aux autorités polonaises le 18 décembre 2018 en application de l'article 12-4 de ce même règlement, que cette demande a été explicitement acceptée le 9 janvier 2019. La décision contestée permet ainsi d'identifier le critère de responsabilité retenu par l'autorité administrative parmi ceux énoncés au chapitre III du règlement n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.
Sur l'entretien individuel :
6. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tous cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ". Aux termes de l'article 35 du même règlement : " (...) 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement ". Aux termes de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale : " 1. Les Etats membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. (...) / (...) / 3. Les Etats membres veillent à ce que le personnel de l'autorité responsable de la détermination visée au paragraphe 1 soit dûment formé (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme A...a bénéficié d'un entretien individuel. Il ressort du résumé de cet entretien qu'il s'est déroulé le 13 décembre 2018, dans les locaux de la préfecture de la Seine-Maritime, et a été conduit par " un agent qualifié de la préfecture ", lequel doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien, alors même que son nom n'est pas précisé dans le résumé. Il ressort du même document que l'entretien s'est déroulé avec l'assistance téléphonique d'un interprète en langue mongole, langue que Mme A...a déclaré comprendre et parler. La circonstance que le résumé de l'entretien ne mentionne pas son état de grossesse est au demeurant sans incidence dans la mesure, d'une part, où il lui était loisible d'en faire état et où, d'autre part, à la date de cet entretien, cet état ne pouvait être dissimulé par l'intéressée, qui allait accoucher deux mois plus tard. Dans ces conditions, il est établi que l'entretien individuel dont a bénéficié MmeA..., qui a, au demeurant, signé le résumé sans formuler d'observation, s'est déroulé selon les prescriptions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 laquelle, contrairement à ce que soutient la requérante, a été intégralement transposée en droit interne par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 et ne peut donc, en tout état de cause, pas être directement invoquée à l'encontre de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
Sur les autres moyens :
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas établi par Mme A...que la préfète de la Seine-Maritime se serait abstenue de procéder à un examen sérieux de sa situation avant de prendre l'arrêté en litige, la circonstance que son état de grossesse ne soit pas mentionné étant à cet égard sans incidence dans la mesure où, ainsi qu'il a été dit, à la date à laquelle elle s'est rendue en préfecture dans le cadre de son entretien préalable, cet état ne pouvait être dissimulé, le préfet en ayant ainsi nécessairement connaissance. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.
9. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter (...) ".
10. La Pologne étant membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime aurait à tort considéré que cette présomption était irréfragable. Mme A...ne produit, en outre, que des documents généraux concernant les demandeurs d'asile en Pologne, mais aucun élément propre à sa situation particulière, dont il résulterait que son dossier ne serait pas traité par les autorités polonaises dans les conditions répondant à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, notamment par la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'intéressée serait effectivement et personnellement exposée à un risque de non-respect de ses droits fondamentaux en cas de transfert aux autorités polonaises. Par suite, en décidant de prononcer le transfert de Mme A...vers la Pologne, la préfète de la Seine-Maritime n'a méconnu ni les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, enfin, celles de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.
11. Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
12. La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
13. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que la préfète de la Seine-Maritime, qui a notamment relevé que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de Mme A...ne relevait pas des dérogations prévues par l'article 17 du règlement précité, a effectivement pris en compte la possibilité que la France examine la demande d'asile de l'intéressée alors même qu'elle n'en était pas responsable. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté.
14. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent, et en l'absence de tout élément versé par Mme A...sur sa situation personnelle et familiale en France, que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen approfondi de sa situation, ni examiné la possibilité de traiter sa demande d'asile, ni, en l'absence d'éléments de nature exceptionnelle ou humanitaire invoqués, qu'elle aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme A...est manifestement dépourvue de fondement. Il convient, dès lors, de la rejeter au titre du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative cité au point 2, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme D... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°19DA01068