Procédure devant la cour :
       Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2016, le préfet de le Seine-Maritime demande à la cour :
       1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rouen du 10 décembre 2015 ;
       2°) de rejeter la demande de première instance de M.A....
       Il soutient que le traitement de la pathologie dont souffre M. A...est disponible au Nigéria.
       Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2016, M. A..., représenté par Me B...D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la Selarl Eden avocats au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
       Il soutient que le traitement de sa pathologie n'est pas disponible au Nigéria.
       M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2016.
       Vu les autres pièces du dossier.
       Vu :
       - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
       - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
       - le code de justice administrative.
       Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
       Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
       Le rapport de M. Laurent Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
       1. Considérant que M.A..., né le 5 mai 1976 à Lagos, de nationalité nigériane, qui déclare être entré sur le territoire français le 9 mars 2012 et dont la demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 octobre 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 2 juillet 2013, a bénéficié d'un titre de séjour temporaire, pour raisons médicales, valable du 3 mars 2014 au 2 mars 2015 ; que, par un arrêté du 7 juillet 2015, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de renouvellement de ce titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que la préfète relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté ;
       2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ; 
       3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
       4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
       5. Considérant le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie, saisi par le préfet de la Seine-Maritime de la situation de M.A..., qui souffre de dépression, a estimé, dans son avis du 5 mai 2015, que la situation médicale de l'intéressé nécessite un traitement dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le traitement approprié n'est pas disponible dans son pays d'origine, le Nigéria ; que le préfet de la Seine-Maritime a en revanche estimé, dans sa décision, que les soins nécessaires au traitement de la pathologie de M.A..., comprenant, selon une prescription médicale rédigée le lendemain de l'arrêté en litige, deux antidépresseurs, l'Effexor et le Norset, un anxiolytique, le Xanax, un psychotrope, le Xeroquel, et un somnifère, sont disponibles au Nigéria ;
       6. Considérant que pour s'écarter de l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé, le préfet de la Seine-Maritime s'est notamment fondé sur la liste des médicaments essentiels disponibles au Nigéria révisée en 2010, qui comporte des éléments d'information générale librement accessibles au public et sur laquelle figurent notamment des anxiolytiques, psychotropes et antidépresseurs, qui appartiennent à la même classe thérapeutique et ayant les mêmes principes actifs que les médicaments prescrits à M. A...; qu'il ressort ainsi des pièces du dossier, alors qu'aucun élément ne permet de considérer que la liste des médicaments essentiels disponibles au Nigéria serait désormais inexacte s'agissant du traitement des dépressions, l'existence d'une offre de soins dans le pays d'origine de l'intéressé, que ne remet pas en cause les certificats médicaux qu'il produit ; qu'en outre, et alors que la demande d'asile de M. A...a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 2 juillet 2013 au motif notamment que l'origine des séquelles médicalement constatées de l'intéressé n'était pas établie, il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances humanitaires exceptionnelles feraient obstacle à ce que M. A...puisse bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée à sa santé au Nigéria ; que, dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime a pu légalement estimer que M. A...ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la représentante de l'Etat est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance de ces dispositions pour annuler l'arrêté du 7 juillet 2015 ;
       7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour ; 
        Sur le refus de titre de séjour :
       8. Considérant que la décision du préfet de la Seine-Maritime du 7 juillet 2015 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est par suite suffisamment motivée ;
       9. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à l'article L. 312-2, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels les dispositions de l'article L. 312-2 ci-dessus renvoient ; qu'en l'espèce, pour les motifs énoncés au point 6, M. A...ne remplit pas, effectivement, les conditions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision du 7 juillet 2015 ;
       10. Considérant que la circonstance que M. A...est présent en France depuis trois ans à la date de la décision attaquée, qu'il dispose d'un logement et soit professionnellement intégré, ne permet pas, alors que l'intéressé est dépourvu d'attaches familiales en France, qu'il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans, de regarder la décision du 7 juillet 2015 comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'elle ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé ;
        Sur l'obligation de quitter le territoire français :
       11. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. A... suscitait des interrogations sur sa capacité à supporter le voyage vers le Nigéria ; que dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'était pas tenu de saisir à nouveau le médecin de l'agence régionale de santé de cette question ;
       12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de séjour ne peut être accueilli ;
       13. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 6, qu'il ressort des pièces du dossier que le traitement nécessaire à l'état de santé de M. A...est disponible au Nigéria ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
       14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 10 que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A...;
       Sur le pays de renvoi :
       15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être accueilli ;
       16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 7 juillet 2015 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. A...à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
       Article 1er : Le jugement du 10 décembre 2015 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
       Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
       Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E... A...et à Me B...D....
       Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime. 
       Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
       - M. Michel Hoffmann, président de chambre,
       - M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
       - M. Laurent Domingo, premier conseiller.
       Lu en audience publique le 19 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,
Signé : M. C...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
       La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
        	Pour expédition conforme,
        		  Le greffier
        	 Marie-Thérèse Lévèque 
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N°16DA00032