Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 mars 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 23 décembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2015 fixant le pays de destination.
Elle soutient que M. B...n'établit pas être exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;
La requête a été communiquée à M.B..., pour qui il n'a pas été produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laurent Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite de son interpellation le 19 décembre 2015 sur la voie publique à Calais par les services de la police nationale, M.B..., de nationalité afghane, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais pris le même jour lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 23 décembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il n'exclut pas l'Afghanistan comme pays de destination ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que selon les termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. C. France, n° 18039/11) ;
3. Considérant que, si M. B...fait valoir qu'il envisageait de contracter un engagement dans l'armée afghane et qu'il a été de ce fait menacé par les talibans, il n'a toutefois apporté aucun élément probant de nature à établir la réalité de cette allégation ; qu'en outre, si l'intéressé, dépourvu de tout document d'identité, a prétendu lors de son audition par les services de police, le 19 décembre 2015, être originaire de la province de Kunar, située à l'est de l'Afghanistan, il est demeuré toutefois mutique tant sur son lieu de naissance que sur celui de sa résidence habituelle dans cette province qui comporte quinze districts ; qu'eu égard au caractère succinct et peu précis de la description de l'environnement géographique dans lequel l'intéressé prétend avoir vécu, ce dernier ne peut être regardé comme établissant qu'il serait effectivement originaire de la province précitée dans laquelle le degré de violence généralisée est tel qu'un civil renvoyé dans la région concernée encourrait un risque réel de subir une menace grave du seul fait de sa présence sur ce territoire ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu, pour annuler la décision fixant le pays de destination, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Lille ;
5. Considérant que, par un arrêté en date du 16 février 2015, publié au recueil spécial n° 16 du même jour des actes administratifs de la préfecture et modifié par un arrêté en date du 9 mars 2015 publié au recueil spécial n° 25 du même jour, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C... A..., sous-préfet de Béthune, pour signer, dans le cadre de la permanence préfectorale qu'il est amené à assurer, notamment les décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, les arrêtés fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et les décisions de placement en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de cinq jours ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait et doit, dès lors, être écarté ;
6. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel M. B...est éloigné, qui vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne l'intégralité des quatre premiers alinéas de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte ainsi les considérations de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'elle comporte ainsi, également, les considérations de fait qui en constituent le fondement ; que cette décision est, par suite, suffisamment motivée ;
7. Considérant qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 modifiée qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, en prévoyant que ces décisions " n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ", ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision fixant le pays de destination ;
8. Considérant que, si l'intéressé se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Lille, dont il y a lieu d'adopter les motifs, a rejeté à bon droit ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision fixant le pays de destination ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 23 décembre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E...B....
Copie sera transmise à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,
Signé : M. D...Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°16DA00566