Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 juillet 2015 et le 29 mars 2016, le préfet de l'Eure demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 9 juin 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Rouen.
Il soutient que le traitement nécessaire à la pathologie de M. C...est disponible en Géorgie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2016, M.C..., représenté par Me B...F..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens du préfet de l'Eure ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., ressortissant géorgien né le 25 décembre 1948, est entré en France le 2 juin 2011 ; qu'il a bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé du 27 juin 2013 au 26 juin 2014 ; que le préfet a refusé, par l'arrêté en litige du 21 octobre 2014, de renouveler son titre de séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...souffre d'une broncho-pneumopathie chronique obstructive ; que le médecin de l'agence régionale de santé a indiqué, dans son avis du 29 septembre 2014 que si l'état de santé de M. C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié est disponible dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque ; que le préfet de l'Eure avait produit devant les premiers juges des informations non traduites en français émanant du site du ministère de la santé géorgien dont il ressortait, selon le représentant de l'Etat, que les molécules des médicaments nécessaires au traitement de la pathologie de M. C...étaient disponibles en Géorgie ; que le préfet de l'Eure produit, pour la première fois en appel, une note du médecin conseil de l'ambassade de France en Géorgie, indiquant que les trois médicaments broncholytique prescrits à M. C...existent soit sous la même dénomination, soit sous leur dénomination internationale ; que les recherches effectuées par le requérant sur les sites internet des laboratoires produisant les médicaments prescrits ne contredisent pas utilement ces éléments d'information ; que, dès lors, le préfet de l'Eure est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé sur l'absence de traitement approprié en Géorgie pour annuler l'arrêté du 21 octobre 2014 ;
2. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif et la cour ;
Sur le refus de titre de séjour :
3. Considérant que le médecin de l'agence régionale de santé a émis un avis sur l'état de santé du requérant le 29 septembre 2014 ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de saisine du médecin de l'agence régionale de santé manque en fait et doit être écarté ;
4. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 1 ;
5. Considérant que si M. C...fait valoir qu'entré en France le 2 juin 2011, et après avoir sollicité en vain le statut de réfugié, il est demeuré dans ce pays où il vit maritalement avec sa compagne de nationalité russe et le fils de cette dernière âgé de 19 ans et que sa fille réside régulièrement sur le territoire français ainsi que sa soeur de nationalité française, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé ne justifie ni de l'intensité des liens affectifs avec sa fille présente en France depuis plus de dix ans, ni de la stabilité et l'ancienneté de la vie maritale dont il se prévaut ; qu'en outre, la compagne de ce dernier, MmeE..., a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement dont la légalité a été au demeurant confirmée par un arrêt de la cour en date du 28 mai 2015 ; qu'enfin, il n'est pas établi que M. C...soit dépourvu de toute attache familiale en Géorgie où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 63 ans ; que dans les circonstances de l'espèce, et eu égard tant à la durée qu'aux conditions de séjour en France de l'intéressé, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour qui lui a été opposé par le préfet de l'Eure aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de l'Eure aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que comportait sa décision sur la situation personnelle de M.C... ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale ;
7. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 3, le moyen tiré du défaut de saisine du médecin de l'agence régionale de santé manque en fait et doit être écarté ;
8. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 1, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 doit être écarté ;
9. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 5, les moyens tirés tant de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en procédant à l'éloignement de M. C...ne peuvent qu'être écartés ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le 3° du I est d'ailleurs mentionné dans la décision en litige ; que, par ailleurs, le préfet a suffisamment motivé en fait sa décision en mentionnant que M. C...n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Eure est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 21 octobre 2014 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte de M.C..., ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 9 juin 2015 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...C...devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A...C...et à Me B...F....
Copie sera adressée au préfet de l'Eure.
Délibéré après l'audience publique du 7 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 juin 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. G...Le président de chambre,
Signé : M. D...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01129