Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 février 2016, M.E..., représenté par Me C... F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rouen du 10 décembre 2015 et l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 17 juin 2015, en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français et fixe le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;
2°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer, à titre principal et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, une carte de séjour temporaire, à titre subsidiaire et sous la même astreinte par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de cette date, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'un nouvel examen de sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à défaut, de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - pour lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- cette mesure d'éloignement fait obstacle à ce qu'il puisse défendre ses intérêts dans le cadre de la procédure de divorce engagée par son épouse, en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office devra être annulée par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle elle est prise.
Une mise en demeure a été adressée le 22 avril 2016 à la préfète de la Seine-Maritime, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les observations de Me A...D..., substituant Me C...F..., représentant M.E....
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
1. Considérant que M.E..., ressortissant tunisien qui serait entré sur le territoire français au cours de l'année 2008, fait état de ce qu'il a épousé, le 21 juillet 2012 à Rouen, une ressortissante française et indique que cette situation a justifié que lui soit délivrée une carte de séjour qui a été renouvelée ; que, toutefois, il est constant qu'à la date de l'arrêté du 17 juin 2015 en litige, à laquelle la situation de M. E...doit être appréciée, la communauté de vie avait cessé entre les époux et qu'aucun enfant n'était né de leur union ; que, si M. E...se prévaut de ce qu'il vit désormais maritalement avec une autre ressortissante française, il ressort des propres écritures de l'intéressé que cette vie commune présentait, à la date de l'arrêté contesté, un caractère particulièrement récent, puisqu'elle n'avait pris naissance qu'au cours du mois de janvier 2015, soit cinq mois à peine auparavant ; que M. E...ne produit qu'un nombre réduit de pièces pour justifier de sa résidence habituelle alléguée entre les années 2008 et 2012 sur le territoire français ; qu'en outre, l'intéressé, s'il fait état de la présence régulière en France de son unique frère et de plusieurs cousins, ne conteste pas qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, où résident des frères et soeurs, où il a lui-même habituellement vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-et-un ans et où il est d'ailleurs retourné à plusieurs reprises depuis 2012 ; que, par suite, eu égard aux conditions du séjour de M.E..., malgré la durée, à la supposer même établie, de ce séjour et en dépit des perspectives d'insertion professionnelle dont témoignerait la promesse d'embauche dont il a bénéficié, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni n'a, dès lors, méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est, dans ces conditions, pas davantage établi que, pour faire obligation à M. E...de quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
2. Considérant qu'une mise à exécution de la décision faisant obligation à M. E...de quitter le territoire français n'aura pas pour effet de priver l'intéressé de la possibilité de défendre ses intérêts dans le cadre de la procédure de divorce engagée à la fin du mois de septembre 2014 par son épouse et ne fera, en particulier, pas obstacle à ce qu'il puisse s'y faire représenter par un avocat et, le cas échéant, revenir régulièrement en France muni d'un visa ; que le moyen tiré de ce que cette mesure d'éloignement méconnaîtrait les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit à un procès équitable doit, par suite et en tout état de cause, être écarté ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
3. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points précédents, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel M. E...pourra être reconduit d'office devrait être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle elle est prise doit être écarté ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E..., à Me C...F...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PAPINLe président
de la formation de jugement,
Signé : O. NIZET
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA00365