Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2014, le préfet de la Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 6 octobre 2014.
Le préfet de la Savoie soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car il n'était pas lié par l'avis rendu le 29 octobre 2013 par le médecin inspecteur de l'agence régionale de santé et parce qu'il résulte des informations obtenues auprès du consulat de France à Madagascar et de la " fiche pays " élaborée en liaison avec l'ambassade de France à Tananarive que les institutions malgaches sont à même de traiter le diabète, d'en assurer la surveillance clinique et biologique et de traiter l'insuffisance rénale ; qu'ainsi l'intéressée est à même de trouver à Madagascar un traitement adapté à son état de santé et la décision litigieuse ne comporte pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation.
Par ordonnance du 27 août 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 18 septembre 2015 à 16 H 30.
Par un mémoire, enregistré le 18 septembre 2015, Mme C...a conclu au rejet de la requête du préfet de la Savoie et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C...soutient que :
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car les éléments produits par le préfet confirment l'avis du médecin inspecteur de l'agence régionale de santé en date du 29 octobre 2013 : il en résulte que le coût du suivi de sa maladie chronique ne permettra pas le suivi rigoureux et régulier qui est absolument nécessaire ainsi que l'indique le docteur Le Brun en réponse à la demande du préfet et que l'offre de soins pour ses pathologies est très insuffisante à Madagascar ; cette décision méconnaît aussi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car elle réside en France depuis 2011, y est suivie médicalement, elle y a retrouvé trois de ses enfants qui ont la nationalité française ou y résident et parce qu'étant séparée de son mari, elle n'a plus d'endroit où résider à Madagascar ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car ne pouvant recevoir des soins dans son pays d'origine, elle aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de son renvoi méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par ordonnance du 21 septembre 2015 la clôture d'instruction a été reportée du 18 septembre 2015 au 7 octobre 2015 à 16H30.
Mme B...A...épouse C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur.
1. Considérant que Mme A...épouseC..., ressortissante malgache, née le 30 mars 1944, est entrée en France sous couvert d'un visa de court séjour le 19 juin 2011 ; qu'elle a sollicité une autorisation provisoire de séjour le 8 septembre 2011 au titre de son état de santé ; qu'elle s'est vu délivrer des autorisations provisoires de séjour du 1er octobre 2011 au 2 juillet 2012 sur avis favorable du médecin inspecteur de l'agence régionale de santé rendu le 3 octobre 2011 ; que, par arrêté du 7 septembre 2012, le préfet de la Savoie a refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressée en qualité d'étranger malade après que, dans un avis du 6 juillet 2012, le médecin inspecteur de l'agence régionale de santé ait estimé qu'un traitement approprié à l'état de santé de Mme C...existait dans son pays d'origine vers lequel elle pouvait voyager sans risque et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par un jugement en date du 7 mai 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté ; que la présente Cour dans un arrêt du 19 décembre 2013 a annulé ce jugement ; que Mme C...a déposé le 27 juin 2013 une nouvelle demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que, par arrêté du 9 décembre 2013, le préfet de la Savoie a rejeté cette demande de titre de séjour, après un nouvel avis du médecin inspecteur de l'agence régionale de santé du 29 octobre 2013, et pris à l'encontre de l'intéressée une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de son renvoi ; que le préfet relève appel du jugement du 6 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 9 décembre 2013, enjoint au préfet de délivrer à Mme C...un titre de séjour en qualité d'étranger malade, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, et mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros à verser à Me Pierot au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant que pour annuler la décision du 9 décembre 2013 par laquelle le préfet de la Savoie a refusé de délivrer à Mme C...un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé, d'une part, sur le fait que les certificats médicaux produits par la requérante établissent qu'elle souffre d'une insuffisance rénale chronique de stade IV, d'un diabète et d'une hypertension artérielle particulièrement sévère, qu'elle a été victime d'un accident vasculaire cérébral en novembre 2011 et a été hospitalisée du 15 au 19 avril 2013 et sur l'avis rendu par le médecin inspecteur de l'agence régionale de santé le 29 octobre 2013 dont il résulte que l'état de santé de MmeC... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié à Madagascar ; qu'il s'est fondé, d'autre part, sur le fait qu'en dépit d'une mise en demeure adressée au préfet de la Savoie de produire ses observations en défense, aucun élément établissant la disponibilité du traitement à Madagascar n'a été versé au dossier ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;
4. Considérant que, si le préfet n'est pas lié par l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé, dont l'avis n'est que consultatif, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à considérer, nonobstant cet avis médical, que les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l 'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies ;
5. Considérant, qu'en appel, le préfet de la Savoie pour établir l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé de Mme C...à Madagascar se borne à produire, d'une part, un courriel du médecin chef du centre médico-social de Tananarive établi le 5 novembre 2013 qui indique que le traitement de l'insuffisance rénale " est possible à Madagascar mais le coût du suivi médical et paramédical, le coût de la dialyse ne permettent pas la plupart du temps un suivi médical rigoureux et régulier qui est absolument nécessaire à l'intéressée compte tenu de la gravité " de sa maladie et, d'autre part, une " fiche-pays ", mise à jour le 25 octobre 2006, dont il résulte qu'à Madagascar l'offre de soins est très insuffisante en ce qui concerne le diabète, l'hypertension artérielle primitive et l'insuffisance rénale terminale ; qu'il résulte des certificats médicaux joints au dossier par Mme C...soit des certificats médicaux du docteur Philit en date des 19 septembre 2012, 21 septembre 2012, 1er octobre 2012, 19 septembre 2013 et 17 août 2015 et du docteur Jean-François Durbiano du 7 septembre 2015 ainsi que du courriel du médecin chef du centre médico-social de Tananarive, produit par le préfet, qu'un suivi régulier, " strict et rigoureux " est nécessaire eu égard aux pathologies " actives et sévères " dont souffre Mme C... ; qu'indépendamment des difficultés d'accès aux soins liées au coût des traitements nécessaires à l'intéressée, qui ne peuvent utilement être prises en compte, les documents produits par le préfet de la Savoie ne permettent pas d'établir que Mme C...pourrait bénéficier à Madagascar du suivi médical continu et strict qui lui est nécessaire, non seulement au titre de son insuffisance rénale mais également au titre de l'hypertension sévère et du diabète insulinodépendant avec complications oculaires dont elle souffre alors que le défaut d'un tel suivi pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dans ces conditions, et compte tenu notamment de la nature et du degré de gravité des pathologies de Mme C..., c'est à bon droit que pour annuler la décision du préfet de la Savoie en date du 9 décembre 2013 refusant la délivrance d'un titre de séjour à MmeC..., le tribunal administratif s'est fondé sur le motif que cette décision a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il a, par voie de conséquence, annulé les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Savoie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 9 décembre 2013, lui a enjoint de délivrer à Mme C...un titre de séjour en qualité d'étranger malade, dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros à verser à Me Pierot au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Marianne Pierot, avocate de Mme C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 (mille) euros au profit de Me Pierot, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Savoie est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 (mille) euros à Me Pierot, avocate de Mme C..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...A...épouseC.... Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 2 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique le 1er mars 2016.
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N° 14LY03173