Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 décembre 2016 et 4 juillet 2017, la société d'équipement et de développement de la Loire, représentée par la SELARL cabinet d'avocats Philippe Petit et associés, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 octobre 2016 ;
2°) de condamner la commune de La Séauve-sur-Semène à lui verser la somme de 52 207,96 euros, assortie des intérêts moratoires au taux applicable à compter du troisième mois suivant la remise du bilan de clôture ;
3°) de mettre à la charge de cette commune le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de La Séauve-sur-Semène a méconnu ses obligations contractuelles découlant des articles 21, 24.1.3 et 24.4 du contrat de concession d'aménagement ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la commune a commis une faute en s'abstenant de prendre une décision, dans un délai raisonnable, sur l'exécution de la convention ;
- il existe un lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi ;
- elle ne demande rien d'autre que l'application des clauses contractuelles pour le calcul de son indemnisation soit le remboursement des dépenses qu'elle a inutilement exposées et il ne peut lui être reproché d'avoir commis une imprudence fautive susceptible de diminuer son droit à réparation ; elle n'a commis aucune faute de nature à dispenser la commune d'exécuter ses propres obligations contractuelles ;
- les intérêts moratoires doivent être calculés selon les modalités de l'article 5-II du décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;
- la commune ne peut régulariser en cause d'appel, l'irrecevabilité des conclusions reconventionnelles présentées en première instance.
Par deux mémoires, enregistrés les 16 février et 24 juillet 2017, la commune de La Séauve-sur-Semène, représentée par la SELARL d'avocats Legitima, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 octobre 2016 ;
2°) de condamner la société d'équipement et de développement de la Loire à lui payer la somme de 186 067,82 euros, augmentée des intérêts à compter de la demande de première instance, et ce en réparation des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge de la société d'équipement et de développement de la Loire une somme de 10 208 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable ;
- la convention n'a jamais été résiliée ; c'est la SEDL, de sa propre initiative, qui a cessé d'exécuter le contrat de concession d'aménagement ;
- aucun manquement à ses obligations contractuelles ne peut lui être reproché ; en tout état de cause, la faute alléguée n'est pas à l'origine du préjudice invoqué ; la cause du préjudice subi par la SEDL doit être recherchée dans la faute contractuelle qu'elle a elle-même commise, en arrêtant l'exécution du contrat sans son accord ;
- les stipulations de l'article 24 étaient de nature à la dissuader d'user de son pouvoir de résiliation unilatérale, l'application de cette clause doit dès lors être écartée compte tenu de sa nullité ;
- sa participation financière doit, en tout état de cause, être limitée à la somme de 42 947 euros HT en application de l'article 16.6 de la convention auquel renvoient les articles 21 et 24.1.3 ;
- les sommes réclamées par la SEDL ne sont pas justifiées ;
- outre l'arrêt de l'exécution du contrat de sa propre initiative, la SEDL a manqué à son devoir de conseil ; ces fautes lui ont causé des préjudices dont elle peut prétendre à être indemnisée pour un montant de 156 067,82 euros ; c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses prétentions indemnitaires comme étant irrecevables.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lesieux ;
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
- les observations de MeB..., représentant la société d'équipement et de développement de la Loire, et de MeA..., représentant la commune de La Séauve-sur-Semène.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de La Séauve-sur-Semène (43) a concédé à la société d'équipement et de développement de la Loire (SEDL) la réalisation d'opérations d'aménagement de la zone d'aménagement concerté de la " Colline de Beauzon ", par une convention conclue le 24 février 2006, pour une durée de 7 ans. A l'expiration de la convention, la SEDL a demandé à la commune de lui rembourser le solde d'exploitation négatif de l'opération qu'elle évalue à la somme de 52 207,96 euros. La commune n'ayant pas répondu à son courrier du 7 mars 2014, la SEDL a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à la condamnation de la commune de La Séauve-sur-Semène à lui verser cette somme, augmentée des intérêts moratoires. La commune a formé des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la SEDL à l'indemniser des préjudices subis, consistant en des dépenses inutilement exposées, une perte de chance de commercialiser les parcelles et un préjudice moral, du fait de l'inexécution par l'aménageur de ses obligations contractuelles. Par un jugement du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté l'ensemble de ces demandes. La SEDL relève appel de ce jugement, et par la voie de l'appel incident, la commune de La Séauve-sur-Semène demande à la cour de réformer ce jugement et de condamner la SEDL à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis.
Sur l'appel principal :
2. Aux termes de l'article 24 de la concession d'aménagement : " A l'expiration de la présente concession d'aménagement, pour quelque motif que ce soit, et l'opération d'aménagement étant ou non achevée, il sera procédé aux opérations et versements suivants : / 24.1 Arrêté des comptes de l'opération d'aménagement / Dans tous les cas d'expiration du présent contrat il devra être établi un arrêté des comptes de l'opération à la date d'expiration du contrat, d'où il résultera un solde d'exploitation issu des charges et produits propres à l'opération et un solde des financements issus des emprunts et des avances consentis par le concédant. (...) 24.1.3 Règlement final / Si le solde d'exploitation est positif, l'aménageur est débiteur de son montant, à concurrence du montant total des participations nettes versées par le concédant à l'opération ; s'il est négatif, le concédant est débiteur de son montant à titre de participation ainsi qu'il est prévu à l'article 16.6, dans la limite du montant contractuellement défini par le dernier avenant à la présente concession, approuvé avant l'arrêté des comptes. ". La SEDL soutient que le solde d'exploitation négatif d'un montant de 52 207,96 euros doit être mis à la charge de la commune de La Séauve-sur-Semène, en application de ces stipulations.
3. Aux termes de l'article 16.1 de la convention, " les charges supportées par l'aménageur pour la réalisation de l'opération d'aménagement sont couvertes par, notamment les produits des cessions, des concessions d'usage et des locations de terrains ou d'immeubles bâtis, les participations dues par les constructeurs, les produits financiers, les subventions ainsi que la participation du concédant ou d'une autre collectivité territoriales (...) ". Or, il résulte de l'instruction que la phase opérationnelle d'aménagement de la zone d'aménagement concerté n'a jamais débuté. En effet, après avoir fait procéder aux études nécessaires à la mise en oeuvre du projet, la SEDL a, dès la fin de l'année 2009, alerté la commune des risques financiers de l'opération compte tenu de la mise à jour par le service des domaines de l'estimation sommaire et globale des acquisitions nécessaires à la réalisation de l'opération. Par un courrier du 1er février 2010, elle a fait part de ses réserves au maire de la commune et indiqué qu'il lui semblait risqué d'engager cette opération. Par un courrier du 28 avril 2010, elle a sollicité un rendez-vous pour évoquer la suite à donner à cette opération. Une réunion a été organisée le 10 juin 2010 puis par un courrier du 30 juin 2010, la SEDL a confirmé son analyse selon laquelle l'équilibre financier de l'opération ne peut être assuré et demandé la résiliation de la concession d'un commun accord ainsi que le prévoit l'article 22.1 de la convention. En réponse à ces courriers et suite aux différentes rencontres organisées, le maire de la commune de La Séauve-sur-Semène, a informé la SEDL par courrier du 16 mars 2011, que la commune tenait " fermement à conduire cette opération telle que définie dans le contrat. ". Malgré cette réponse, la SEDL a mis un terme à l'exécution de la convention d'aménagement, de sa propre initiative, et a continué à solliciter, les 10 mai 2011, 6 décembre 2011 et 26 octobre 2012, la résiliation du contrat d'un commun accord. Ces demandes ont toutes été implicitement rejetées.
4. La SEDL soutient que la commune ne l'a pas mise à même de poursuivre l'exécution du contrat dès lors qu'elle a mis neuf mois à répondre à sa demande de résiliation à l'amiable du 30 juin 2010 et qu'elle a attendu la fin de la concession par la survenance de son terme contractuel, sans prendre aucune décision. Toutefois, il résulte de l'instruction et ainsi qu'il a été dit au point précédent, que la SEDL a régulièrement alerté la commune des risques financiers de l'opération à compter de la fin de l'année 2009. Des courriers ont été envoyés par la SEDL et des réunions ont été organisées. Or, il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait exprimé une quelconque volonté de réexaminer l'opportunité de l'opération d'aménagement, d'en modifier sa consistance ou ses modalités d'exécution. Au contraire, elle a réaffirmé, dans son courrier du 16 mars 2011, sa volonté de conduire cette opération à son terme. Ainsi, il appartenait à la SEDL, quel que soit le délai dans lequel la commune a répondu à son courrier du 30 juin 2010, d'exécuter ses obligations contractuelles en l'absence de décision contraire de la commune. En cessant d'exécuter ses obligations contractuelles jusqu'à l'expiration du contrat, et en ne mettant pas en oeuvre la phase opérationnelle de l'opération d'aménagement, la SEDL a commis une faute contractuelle, seule à l'origine du solde négatif d'exécution de la convention d'aménagement.
5. Il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que la SEDL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur l'appel incident :
6. Aux termes de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative alors en vigueur : " Les avocats, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les administrations de l'Etat, les personnes morales de droit public et les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public peuvent s'inscrire dans l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, dans les conditions fixées par l'arrêté prévu à cet article. / Toute juridiction peut adresser par le moyen de cette application, à une partie ou à un mandataire ainsi inscrit, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre pour tout dossier et l'inviter à produire ses mémoires et ses pièces par le même moyen. / Les parties ou leur mandataire sont réputés avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'application informatique dédiée accessible par le réseau internet, mentionnée à l'article R. 414-1 du même code, permet à toute partie ou tout mandataire inscrit de consulter les communications et notifications relatives aux affaires pour lesquelles il est soit demandeur, soit défendeur, quelle que soit la forme sous laquelle la requête a été initialement introduite et le mémoire en défense a été enregistré et quelle que soit la date à laquelle il s'est inscrit à l'application.
7. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ; (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la SEDL a, par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, le 29 janvier 2015, opposé aux mémoires présentés par la commune de La Séauve-sur-Semène, une fin de non-recevoir tirée du défaut d'habilitation de son maire à agir en justice. Il ressort des pièces de la procédure que l'avocat de la commune était inscrit à l'application informatique dédiée à la juridiction, permettant ainsi au tribunal, en vertu de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, de lui adresser les communications et notifications sous une forme dématérialisée. Le mémoire de la SEDL, enregistré le 29 janvier 2015, lui a été communiqué, par la voie de l'application informatique Télérecours le 30 août 2016. Un accusé de réception de consultation a été délivré par cette application le 1er septembre 2016 à 14h11.
9. La commune soutient qu'elle a produit, en réponse à cette communication, un mémoire signé le 14 septembre 2016, auquel était jointe la délibération du conseil municipal l'autorisant à agir en justice. Toutefois, la commune n'établit pas que ce mémoire, qui n'est pas visé par le jugement contesté et n'apparaît pas dans les pièces du dossier de première instance, serait parvenu au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, par la voie de l'application informatique Télérecours ou par tout autre moyen.
10. Il en résulte que la commune de La Séauve-sur-Semène n'établit pas avoir produit la délibération du conseil municipal autorisant son maire à agir en justice avant que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ne statue sur la demande de la SEDL. La production de cette délibération du 14 avril 2014 pour la première fois en appel n'est pas de nature à régulariser ses demandes présentées, à titre reconventionnel, en première instance.
11. Il en résulte que la commune de La Séauve-sur-Semène n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a écarté ses écritures de première instance.
Sur les frais liés au litige :
12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par les parties, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être écartées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SEDL et les conclusions d'appel incident de la commune de La Séauve-sur-Semène sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'équipement et de développement de la Loire et à la commune de La Séauve-sur-Semène.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
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N° 16LY04412