Procédure devant la Cour :
Par un recours et des mémoires enregistrés le 24 juin 2014, le 10 mars 2016, le 13 avril 2016 et le 3 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 des jugements n°s 1102590 et 1200407 du tribunal administratif de Nice du 23 avril 2014 ;
2°) de remettre à la charge de la SAS Sodesup II la somme de 361 310 euros correspondant à la taxe sur les achats de viande restituée au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003 ;
3°) de réformer en ce sens les jugements entrepris.
Il soutient que :
- les jugements attaqués sont insuffisamment motivés et entachés d'une contradiction de motifs ;
- l'autorité qui s'attache à la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Nice n° 0502616 du 12 janvier 2006, confirmé par la cour administrative d'appel de Marseille par un arrêt n° 06MA00748 rendu le 18 décembre 2007, fait obstacle à la demande de restitution des impositions en litige ;
- à supposer que le litige soit d'une nature distincte de celui qui a été soumis au tribunal administratif de Nice par la demande enregistrée sous le n° 0502616, la prescription quadriennale était acquise à l'Etat ;
- les moyens soulevés par la SAS Sodesup II en appel ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés le 2 janvier 2015, le 17 mars 2016 et le 6 juin 2016, la SAS Sodesup II, représentée par Me A..., conclut au rejet du recours et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandes présentées devant le tribunal administratif de Nice étaient recevables ;
- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;
- le refus de restitution de la taxe sur les achats de viande porte atteinte au droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de cette convention ;
Par une lettre du 31 mai 2016, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la requête présentée devant le tribunal administratif de Nice le 28 mai 2011, enregistrée sous le n° 1102590, en raison de son caractère tardif, la réclamation préalable ayant été rejetée par une décision de l'administration fiscale du 4 avril 2005.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
Une note en délibéré présentée pour la SAS Sodesup II a été enregistrée le 16 juin 2016.
1. Considérant que, par une réclamation en date du 26 décembre 2003, la société Sodesup a demandé la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle avait versée au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003 ; qu'après avoir prononcé le dégrèvement des sommes en cause par une décision du 13 septembre 2004, le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes a, par un courrier du 14 janvier 2015, informé la société Sodesup de son intention d'annuler ce dégrèvement et l'a invitée à présenter ses observations ; que la société Sodesup a répondu à ce courrier le 10 février 2015 ; que, par lettre du 4 avril 2005, le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes a refusé d'accorder la restitution sollicitée par la société Sodesup ; que celle-ci a porté le litige devant le tribunal administratif de Nice, qui a rejeté son recours par un jugement n° 0502616 du 12 janvier 2006, confirmé par un arrêt de la Cour en date du 18 décembre 2007 ; que, par un deuxième recours enregistré le 28 mai 2011 sous le n° 1102590, la SAS Sodesup II, venant aux droits de la société Sodesup, a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle l'administration fiscale a rejeté la demande de la société Sodesup en date du 10 février 2005 tendant à l'exécution de la décision de dégrèvement du 13 septembre 2004 ; que par un troisième recours enregistré sous le n° 1200407, la société Sodesup II a demandé au même tribunal d'annuler la décision du 19 décembre 2011 par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa demande du 26 mai 2011 tendant à l'exécution de la même décision de dégrèvement ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel des jugements n°s 1102590 et 1200407 en date du 23 avril 2014 par lesquels le tribunal administratif de Nice a annulé " la décision de l'administration fiscale refusant d'accorder à la SAS Sodesup II la restitution de la taxe sur les achats de viande versée par la SA Sodesup au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003 " ;
Sur le recours du ministre en tant qu'il est dirigé contre le jugement n° 1102590 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir (...) la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 190-1 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition " ; qu'aux termes de l'article L. 199 du même livre : " En matière (...) de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 199-1 de ce livre : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les observations présentées par la SA Sodesup le 10 février 2005, après que l'administration l'a informée, le 14 janvier 2005, de son intention d'annuler le dégrèvement prononcé le 13 septembre 2004, avaient le même objet que sa réclamation présentée le 26 décembre 2003, tendant à la restitution de la taxe en litige, en dépit de la circonstance que l'intéressée ait prétendu poursuivre l'exécution de la décision de dégrèvement prise le 13 septembre 2004 ; qu'ainsi, en admettant même que les observations du 10 février 2005 puissent être analysées comme une seconde réclamation, la décision en date du 4 avril 2005 par laquelle le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes, après s'être référé à son courrier du 14 janvier 2005, a refusé d'accorder la restitution sollicitée, doit être regardée comme ayant rejeté à la fois la réclamation du 26 décembre 2003 et cette seconde réclamation, laquelle n'a donc pas entraîné la naissance d'une décision implicite de rejet, contrairement à ce qui est soutenu par la société requérante ; que l'auteur d'un recours juridictionnel dirigé contre une décision administrative doit être réputé avoir eu connaissance de la décision qu'il attaque au plus tard à la date à laquelle il a formé son recours ; que, dès lors, le délai de recours de deux mois ouvert contre la décision du 4 avril 2005, qui comportait la mention des voies et délais de recours, a commencé à courir à l'égard de la SAS Sodesup II venant aux droits de la société Sodesup au plus tard à compter du 23 mai 2005, date d'introduction du recours n° 0502616 par lequel la SA Sodesup a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Nice ; que, par suite, la demande présentée le 28 mai 2011 sous le n° 1102590 devant le tribunal administratif de Nice par la société Sodesup II, qui doit être régardée, eu égard à ce qui a été dit précédemment, comme étant en réalité relative à une réclamation rejetée par la décision du 4 avril 2005, était tardive ;
Sur le recours du ministre en tant qu'il est dirigé contre le jugement n° 1200407 :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) " ;
5. Considérant que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir opposée par le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes, tirée du caractère tardif de la réclamation formée le 26 mai 2011 par la société Sodesup II, au motif que par sa décision ci-dessus mentionnée du 4 avril 2005, le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes n'avait pas statué sur la demande contenue dans les observations formulées présentées par la société le 10 février 2005, qu'ils ont regardées comme constitutives d'une réclamation tendant à l'exécution du dégrèvement prononcé le 13 septembre 2004, laquelle a été renouvelée par la réclamation du 26 mai 2011 ; que, toutefois, cette dernière réclamation avait pour objet la restitution de la taxe sur les achats de viande que la SA Sodesup a versée au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003, en dépit de la circonstance que la SAS Sodesup II ait prétendu poursuivre l'exécution de la décision de dégrèvement prise le 13 septembre 2004 ; qu'il résulte de l'instruction que la SA Sodesup s'est spontanément acquittée, en 2001, 2002 et 2003, du versement de droits de taxe sur les achats de viande au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003, lesquels n'avaient donné lieu ni à l'établissement d'un rôle ni à l'émission d'un avis de mise en recouvrement ; qu'ainsi, la réclamation en date 26 mai 2011 tendant à la restitution de cette taxe était tardive au regard du délai de réclamation prévu par les dispositions précitées de l'article R. 196-1-b du livre des procédures fiscales ; que la SAS Sodesup II ne saurait se prévaloir à cet égard des dispositions générales de l'article R. 772-2 du code de justice administrative, lesquelles ne trouvent à s'appliquer qu'à défaut de texte spécial définissant un délai de contestation propre ; que, par suite, la demande de la société Sodesup II enregistrée par le tribunal administratif de Nice sous le n° 1200407 était irrecevable ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens soulevés par le ministre des finances et des comptes publics, que celui-ci est fondé à demander, d'une part, l'annulation des articles 1er et 2 des jugements par lesquels le tribunal administratif de Nice a accueilli les conclusions à fin d'annulation présentées par la SAS Sodesup II et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance et, d'autre part, que soit remise à la charge de cette société la somme de 361 310 euros correspondant à la taxe sur les achats de viande due au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la SAS Sodesup II et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Les jugements n°s 1102590 et 1200407 du 23 avril 2014 du tribunal administratif de Nice sont annulés.
Article 2 : La somme de 361 310 euros est remise à la charge de la SAS Sodesup II.
Article 3 : Les conclusions de la SAS Sodesup II tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à la SAS Sodesup II.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- M. Martin, président-assesseur,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2016.
''
''
''
''
2
N° 14MA03052
nc