Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 janvier 2015 et le 21 juin 2016, M. et Mme B..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance de la vice-présidente du tribunal administratif de Toulon du 27 novembre 2014 ;
2°) de constater la nullité de l'acte de vente du 17 novembre 2002 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le premier juge s'est déclaré incompétent pour constater la nullité de la vente, en contradiction avec les dispositions de l'article L. 3231-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;
- ils justifient d'un intérêt pour agir à l'encontre de l'acte de vente du 17 novembre 2002.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2015, le ministre des finances et des comptes publics s'en remet à justice.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code du domaine de l'Etat ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant M. et Mme B....
1. Considérant que, par acte notarié du 10 février 1994, M. et Mme B... ont acquis une propriété bâtie sur le territoire de la commune de Cuers (Var), lieu-dit " les Gipières Vieilles ", parcelles cadastrées section H n° 130, supportant une maison d'habitation, et section H n° 87 ; que, par arrêté préfectoral du 19 mai 2000, l'Etat a notamment appréhendé comme bien vacant et sans maître la parcelle voisine cadastrée section H n° 129 ; qu'après le refus de M. et Mme B... d'acquérir amiablement cette parcelle en réponse à une proposition du 22 avril 2002, celle-ci a fait l'objet d'un procès-verbal d'adjudication du 7 novembre 2002 au profit de M. H... ; que, par lettre du 8 juillet 2014, M. et Mme B... ont demandé au préfet du Var de saisir le tribunal de grande instance de Toulon en vue d'obtenir l'annulation du procès-verbal d'adjudication du 7 novembre 2002 ; que, par ordonnance du 26 janvier 2015, la vice-présidente du tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. et Mme B... tendant, à titre principal, à ce que le tribunal administratif saisisse le tribunal de grande instance de Toulon aux mêmes fins, et, à titre subsidiaire, constate la nullité de l'acte de vente du 17 novembre 2002 ; que M. et Mme B... relèvent appel de cette ordonnance ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 539 du code civil, dans sa rédaction en vigueur à la date de la vente de la parcelle cadastrée section H n° 129 : " Tous les biens vacants et sans maître (...) appartiennent au domaine public " ; que l'article 713 du même code dispose : " Les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à l'Etat " ; que selon l'article L. 25 du code du domaine à l'Etat, alors applicable: " Ainsi qu'il est dit aux articles 539 et 713 du code civil, les biens vacants et ceux qui n'ont pas de maître appartiennent à l'Etat " ; qu'aux termes de l'article L. 2231-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux cessions des biens immobiliers de l'Etat " ;
3. Considérant que les conclusions de M. et Mme B... tendant à la saisine du tribunal de grande instance devaient être regardées comme tendant nécessairement à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Var a refusé de saisir le tribunal compétent en vue de la constatation de la nullité de la vente de la parcelle cadastrée section H n° 129 ; que les biens vacants et sans maître appartiennent à l'Etat en vertu des dispositions des articles 539 et 773 du code civil, rappelées à l'article L. 25 du code du domaine de l'Etat ; que, dès lors et en application de l'article L. 2231-1 du code général de la propriété des personnes publiques, le litige relatif à la cession de la parcelle cadastrée section H n° 129 relève de la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; qu'ainsi l'ordonnance du 26 janvier 2015 est entachée d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulée ;
4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon ;
5. Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, ni d'aucun principe que l'administration aurait dû informer M. et Mme B... de ce que l'extrait cadastral joint au certificat d'urbanisme délivré par la commune de Cuers au mois de juillet 2000 aurait fait apparaitre une construction sur la parcelle cadastrée section H n° 129 alors qu'elle ne figurerait plus, à la suite d'une enquête sur le terrain, sur un nouveau certificat d'urbanisme du 26 décembre 2001 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité compétente aurait procédé, préalablement à la mise en place de la procédure d'adjudication, à un bornage des parcelles cadastrées section H n° 129 et n° 130, que M. et Mme B... n'allèguent pas avoir sollicité ; que l'erreur qui aurait été commise par l'administration sur l'identité du propriétaire initial de la parcelle cadastrée section H n° 129, qui ne serait pas Mme D... mais M. C..., son époux dont elle est séparée, n'est pas établie ; que, dans ces conditions et en tout état de cause, alors même qu'il a été ultérieurement révélé que, contrairement aux mentions de l'acte notarié du 10 février 1994, la maison d'habitation n'était pas implantée sur la parcelle cadastrée section H n° 130 mais sur la parcelle n° 129, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration a commis des fautes dans la procédure d'adjudication de la parcelle cadastrée section H n° 129 et que, pour ce motif, la vente serait entachée de nullité ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander, d'une part, l'annulation de la décision implicite de rejet du préfet du Var et, d'autre part, que la vente de la parcelle cadastrée section H n° 129 soit déclarée nulle ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie principalement perdante dans la présente instance, verse la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance de la vice-présidente du tribunal administratif de Toulon du 27 novembre 2014 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...B..., à Mme G... E...épouse B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.
''
''
''
''
N° 15MA00371 4
acr