Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 12 mars 2016, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 novembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant droit au travail dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, subsidiairement de lui enjoindre de réexaminer sa situation au regard de l'article 3 de l'accord franco-marocain ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros, qui sera versée à Me A..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce dernier s'engageant dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a procédé à la substitution de motifs qui était demandée devant lui car la décision n'était pas fondée sur le défaut de visa de long séjour et la substitution demandée était exclue eu égard à la possibilité, pour le préfet, de prendre une mesure discrétionnaire de régularisation ;
- seul le préfet ou un fonctionnaire rattaché à la DIRECCTE peut instruire et se prononcer sur une demande d'autorisation de travail, la décision étant ainsi entaché d'incompétence ;
- l'arrêté porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- eu égard à sa situation personnelle l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (55 %) par une décision du 29 février 2016.
II. Par une requête enregistrée le 12 mars 2016 sous le n° 16MA00979, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 1506167 du 5 novembre 2015 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant droit au travail dans les quinze jours de la notification de l'arrêt ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement de cette somme à son conseil emportant renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Il soutient que les moyens d'annulation développés dans sa requête d'appel sont sérieux et que l'exécution du jugement l'expose à des conséquences difficilement réparables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (55 %) par une décision du 29 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, première conseillère,
- et les observations de Me A..., représentant M. B....
1. Considérant que les requêtes n° 16MA00978 et 16MA00979 présentées pour M. B... sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M. B..., de nationalité marocaine, a sollicité, le 11 décembre 2014, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de travailleur salarié ou au titre de sa vie privée et familiale ; que, par un arrêté du 29 avril 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé le titre sollicité et lui a fait l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que, saisi d'une demande dirigée contre cet arrêté, le tribunal administratif de Marseille, après avoir jugé que le préfet avait commis une erreur de droit en s'abstenant de procéder à l'instruction de la demande d'autorisation de travail présentée par le futur employeur de M. B... accompagnant la demande de titre de séjour, a substitué au motif tiré du défaut de présentation d'un contrat de travail le motif, invoqué devant le tribunal par le préfet, tiré du défaut de présentation d'un visa de long séjour, de nature selon lui à fonder légalement la décision contestée ; que, sous le n° 16MA00978, M. B... relève appel du jugement du 5 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté ; que, sous le n° 16MA00979, il demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;
3. Considérant, en premier lieu, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ; qu'en l'espèce, si le préfet a initialement opposé à la demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de travailleur salarié formée par M. B... un motif entaché d'erreur de droit, tiré du défaut de présentation d'un contrat de travail visé, cette circonstance ne faisait nullement obstacle à la faculté qui était la sienne, et qu'il a utilisée, de faire valoir devant le tribunal que la décision refusant la délivrance de ce titre pouvait également être fondée sur le défaut de présentation du visa de long séjour, exigé en application de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains en vertu de l'article 9 de l'accord franco-marocain ; que la substitution de motif ainsi admise par les premiers juges a eu pour seul effet de fonder légalement le refus opposé à la demande de M. B... en tant qu'elle était présentée au titre des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain ; qu'ainsi l'intéressé ne saurait utilement faire valoir que le défaut de visa de long séjour ne pouvait être valablement opposé à sa demande en tant qu'elle était fondée sur le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou en tant qu'elle tendait à son admission exceptionnelle au séjour ; qu'enfin, contrairement à ce qui est soutenu, la possibilité pour le préfet de prendre une mesure discrétionnaire de régularisation ne saurait, par principe, faire obstacle à la faculté pour le juge de procéder à une substitution de motifs demandée devant lui ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'en s'abstenant d'instruire la demande d'autorisation de travail dont il était saisi, le préfet a commis une erreur de droit et méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'il ne peut, en revanche, et contrairement à ce que soutient M. B..., être regardé comme s'étant prononcé sur le fond de cette demande d'autorisation de travail ; qu'en l'absence de décision statuant sur la demande d'autorisation de travail présentée par l'intéressé à l'appui de sa demande, le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité se prononçant sur cette demande ne peut qu'être écarté, la décision en cause n'ayant pas eu un tel objet ;
5. Considérant, en troisième lieu, que M. B... est entré en France à l'âge de trente ans et y vivait depuis plus de cinq ans à la date de l'arrêté contesté ; que sur la période de soixante et un mois écoulée entre mars 2010 et l'arrêté contesté, il avait travaillé durant quarante-deux mois, dont sept au cours des sept mois précédant l'arrêté ; qu'il justifie de fortes attaches familiales en France, en la personne d'un frère français, de son père, d'une soeur et d'oncles qui y séjournent régulièrement sous couvert d'une carte de résident et d'un frère qui y séjourne régulièrement sous couvert d'une carte de séjour ; que, parallèlement, la mère de M. B... réside au Maroc, l'intéressé étant, par ailleurs, silencieux sur la composition exhaustive de sa fratrie ; qu'il est célibataire et n'a pas d'enfant ; que s'il a produit pour la première fois en appel une dizaine d'attestations amicales, celles-ci sont, pour la plupart, peu circonstanciées, se bornant le plus souvent à faire état de son sérieux ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, compte tenu de l'âge de M. B... à la date de son arrivée et France, de la durée de son séjour sur le sol français, des attaches qui le relient respectivement à la France et à son pays d'origine et de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'atteinte portée par l'arrêté contestée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale de l'intéressé n'est pas excessive au regard des objectifs poursuivis par la mesure ; qu'ainsi c'est à bon droit que le tribunal a jugé que ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'avaient été méconnues ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que M. B... a également produit des documents qui font apparaître que, à tout le moins depuis le mois de janvier 2015, l'état de santé de son père, très dégradé, nécessite, notamment en raison de grave troubles mnésiques et cognitifs consécutifs à un accident vasculaire cérébral, un accompagnement permanent pour les actes de la vie courante ; que les pièces du dossier font également apparaître qu'une partie de la fratrie de M. B... demeure, comme son père, à Aix-en-Provence ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... envisage d'exercer son activité professionnelle à temps plein ; que dans les circonstances de l'espèce, le préfet a pu, sans se méprendre de façon manifeste dans son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé, considérer que les circonstances dont il était fait état devant lui n'étaient pas telles qu'elles justifiaient qu'une mesure de faveur soit prise, à titre exceptionnel, pour régulariser la situation de M. B..., soit en lui délivrant un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, soit en lui délivrant un titre de séjour en qualité de travailleur salarié ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par suite, la requête enregistrée sous le n° 16MA00978 doit être rejetée, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que le présent arrêt statuant au fond et rejetant les conclusions de M. B... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 novembre 2015, les conclusions de la requête enregistrées sous le n° 16MA00979 tendant au sursis à l'exécution dudit jugement sont, dès lors, dépourvues d'objet ; qu' il n'y a pas lieu d'y statuer ; que cet arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées dans cette dernière instance doivent être rejetées, tout comme les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 dans cette dernière instance ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution enregistrées sous le n° 16MA00979.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me A....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2016, où siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 16 juin 2016.
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N° 16MA00978, 16MA00979 2
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