Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 juin 2015, M. A..., représenté par Me D... F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 mai 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité du 12 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande en lui délivrant, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros qui sera versée à son conseil en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la procédure d'instruction de sa demande est irrégulière dès lors que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'a pas été consultée avant que soit pris l'arrêté attaqué ;
- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont entachés d'incompétence ;
- le préfet du Var a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation professionnelle ; la rémunération n'est pas le seul critère d'appréciation à prendre en compte en application de l'article R. 5221-20 du code du travail ; en tout état de cause, sa rémunération brute horaire était égale à la rémunération mensuelle minimale de 2015 ;
- le préfet du Var a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation maritale ;
- l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- l'obligation de quitter le territoire français devait comporter une motivation spécifique ;
- il entend invoquer, à l'appui de ses conclusions aux fins d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision par laquelle ne lui a été accordé qu'un délai de trente jours pour quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa situation maritale.
Par une ordonnance du 15 décembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2016.
Des pièces présentées pour M. A... par Me F... ont été enregistrées le 4 mai 2016, postérieurement à la clôture d'instruction.
Par une décision du 21 octobre 2015, M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Dakar le 1er août 1995 ;
- l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal signé le 23 septembre 2006 et ratifié le 25 mai 2009 et l'avenant de cet accord du 25 février 2008 ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent-Dominguez.
1. Considérant que M. A..., de nationalité sénégalaise, a épousé, le 11 juin 2013, Mme E..., de nationalité française ; qu'il est entré en France le 17 septembre 2013 sous couvert d'un visa valable du 11 septembre 2013 au 11 septembre 2014 valant titre de séjour ; qu'il a présenté, le 30 septembre 2014, une demande de titre de séjour en qualité de salarié ; que, par un arrêté en date du 12 janvier 2015, le préfet du Var a refusé de faire droit à cette demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel serait renvoyé M. A... à défaut de se conformer à ladite obligation ; que ce dernier interjette appel du jugement en date du 13 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation dudit arrêté ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ;
Sur le refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée a été signée par M. Pierre Gaudin, secrétaire général de la préfecture du Var ; que, par un arrêté en date du 13 octobre 2014 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet du Var a donné délégation à M. C... aux fins de signer " les arrêtés de rétention administrative et tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances, documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du Var, notamment en ce qui concerne les matières intéressant plusieurs chefs de services départementaux des administrations de l'Etat ainsi que toutes requêtes, déférés, mémoires auprès des juridictions, à l'exclusion : des déclinatoires de compétences et arrêtés de conflit, de la réquisition du comptable public, des actes pour lesquels une délégation a été conférée à un chef de service de l'Etat dans le département " ; qu'il suit de là, quel que soit le signataire de l'ampliation de l'arrêté, que M. C... était compétent pour prendre cette décision ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail dont se prévaut le requérant : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; 3° le respect par l'employeur, l'utilisateur mentionné à l'article L. 1251-1 ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale ; 4° Le cas échéant, le respect par l'employeur, l'utilisateur, l'entreprise d'accueil ou le salarié des conditions réglementaires d'exercice de l'activité considérée ; 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, dans la même branche professionnelle ; 6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 ; 7° Le cas échéant, lorsque l'étranger réside hors de France au moment de la demande et lorsque l'employeur ou l'entreprise d'accueil pourvoit à son hébergement, les dispositions prises par l'employeur pour assurer ou faire assurer, dans des conditions normales, le logement de l'étranger directement ou par une personne entrant dans le champ d'application de la loi n° 73-548 du 27 juin 1973 relative à l'hébergement collectif. Ces dispositions s'appliquent également lorsque l'étranger change d'employeur avant l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 5221-23. " ; que ces dispositions n'imposent pas au préfet saisi d'une demande de titre de séjour en qualité de salarié de saisir, avant de se prononcer sur ladite demande, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte du 6° de l'article précité que le salaire proposé à l'étranger doit, même en cas d'emploi à temps partiel, être au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 du code du travail ; que cette rémunération minimale était fixée, au 1er janvier 2015, à 1 445, 38 euros bruts ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... a produit, dans le cadre de sa demande de titre de séjour, un contrat de travail à durée déterminée pour un emploi d' " homme toutes mains " dans un bar-restaurant, dont le terme était déjà expiré au moment de sa demande, et un contrat de travail à durée déterminée avec la SARL Camille pour la période du 20 juin 2014 au 7 septembre 2014 prolongée jusqu'au 30 janvier 2015 pour un emploi de plongeur puis de commis de cuisine, prévoyant une rémunération de 1 032,42 euros pour un travail à temps partiel de 25 h ; que, quelle que soit la rémunération horaire brute, il est constant que la rémunération mensuelle fixée par ledit contrat était inférieure au seuil prévu par les dispositions précitées ; que, par ailleurs, si M. A... se prévaut également de la signature d'un contrat à durée indéterminée, il est constant que celui-ci, daté du 1er février 2015, était postérieur à l'arrêté attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Var, qui a également examiné la situation de l'emploi et ne s'est ainsi pas borné, contrairement à ce que soutient le requérant, à apprécier sa demande au regard de la rémunération proposée, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation professionnelle, doit être écarté ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, le 10 février 2014, l'épouse de M. A... a fait une déclaration de main courante auprès du commissariat de Sanary-sur-Mer en indiquant que son mari avait quitté le domicile conjugal ; que, par ailleurs, M. A... a indiqué lui-même, dans sa demande de titre de séjour présentée en qualité de salarié et non de conjoint de Français, qu'il était séparé de son épouse depuis le 11 février 2014 ; qu'il ne produit aucun autre document permettant d'établir que la communauté de vie entre les époux n'avait pas cessé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la préfet du Var aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation maritale doit être écarté ;
6. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré récemment en France à l'âge de 32 ans après avoir passé le reste de sa vie dans son pays d'origine, est loin d'être dépourvu d'attaches familiales dans ledit pays puisqu'y résident ses trois enfants mineurs nés en 2003, 2008 et 2010 ainsi que ses parents et cinq membres de sa fratrie ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, et alors qu'il ne se prévaut d'aucune autre attache familiale en France, la vie commune avait cessé avec son épouse ; qu'il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant la décision attaquée, le préfet du Var aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la délégation de signature dont bénéficiait M. C... lui permettait également, sans qu'il doive disposer d'une délégation spécifique, de signer les décisions portant obligation de quitter le territoire français ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;
9. Considérant que, lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de séjour, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique ; qu'en l'espèce, le refus de séjour satisfait à l'obligation de motivation tant en droit qu'en fait ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que doivent être écartés les moyens tirés, d'une part, de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour et, d'autre part, de ce qu'il serait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant ;
Sur la décision portant fixation du délai de départ volontaire :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;
12. Considérant que le préfet du Var a accordé à M. A... le délai habituel de trente jours pour quitter le territoire français ; que le requérant, séparé de son épouse depuis le mois de février 2014, ne fait valoir aucun élément particulier qui aurait justifié que le préfet lui accorde, à titre exceptionnel, en application des dispositions précitées, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; que le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit donc être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté en date du 12 janvier 2015 ; que, par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2016, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président assesseur,
- Mme Vincent-Dominguez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mai 2016.
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N°15MA02571